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Le Comte Auguste de Sarcus

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D’UNE grande affabilité, d’un caractère ferme et décidé, d’un esprit enjoué, très pétillant et quelquefois un peu caustique, sans pour cela se départir de sa courtoisie habituelle, tel était le Comte Auguste de Sarcus.

Veneur très expérimenté, il savait faire chasser ses chiens, talent qui aujourd’hui se perd.

La meute du Comte de Sarcus était composée de Normands, et en majeure partie d’Artésiens-Normands, chiens de taille moyenne, de robe tricolore, à la tête superbe et expressive; l’œil gros et beau, l’oreille longue et tirebouchonnée, la cuisse bien gigotée, le pied bon et le fouet bien attaché. Certains avaient l’épaule un peu chargée, qu’ils tenaient du Normand, mais en général ils étaient plutôt légers.

Ils avaient la voix haute et sonore. La réunion de leurs gorges formait une splendide musique, dont leur maître était très fier et qui le charmait délicieusement. A quelques-uns, ils se faisaient plus entendre de deux lieues à la ronde que soixante chiens anglais à deux kilomètres. Il est à supposer que la souche des chiens du Comte de Sarcus provenait du Pas-de-Calais, où un de ses amis y chassait à courre. L’équipage du Comte de Sarcus se remontait par l’élevage et par des achats et échanges chez ses voisins et amis, veneurs comme lui, principalement chez son intime ami, le Chevalier du Parc, qui habitait Wambet, près Gournay-en-Bray.

Tantôt dans la voie du lièvre, tantôt dans celle du loup ou du sanglier, sans excepter celle du renard, ces excellents chiens Artésiens-Normands, très perçants, passant aisément au fourré, en raison de leur taille modeste, chassaient tout avec le même entrain.

Le Comte Auguste de Sarcus fut nommé lieutenant de louveterie pour le département de la Seine-Inférieure, en date du 23 mai 1818.

Sa tenue était: Cape de velours noir, assez haute, de forme ronde, à la Française; habit de vénerie en drap noir, à col droit haut montant, avec trois fleurs de lys d’argent brodées sur chaque côté et en travers.

Cravate coupée en fichu, nouée sous le menton par une rosette, dont les extrémités sortaient à droite et à gauche; léger jabot plissé fin, émergeant de l’habit sous la cravate.

Culotte fauve; bottes fortes de vénerie; trompe à la Dampierre; couteau Louis XV, la garde formée par deux têtes de chiens criant; l’écu de la garde porte d’un côté une hure de sanglier, de l’autre une tête de loup; sur la lame, du côté droit, est gravé un saint Hubert, de l’autre un écusson et des attributs de chasse; le ceinturon du couteau était de cuir vert foncé.

Voici le texte de la lettre lui annonçant sa nomination de lieutenant de louveterie:

Paris, le 23 mai 1818.

J’ai l’honneur de vous prévenir que vous êtes nommé lieutenant de louveterie dans le département de la Seine-Inférieure.

Je ne doute pas de l’empressement que vous mettrez à employer tous vos moyens et votre goût pour la chasse, pour parvenir à la destruction des animaux nuisibles, particulièrement des loups. Je vous adresse, avec votre commission, deux exemplaires du règlement sur les chasses et sur la louveterie, auquel vous voudrez bien vous conformer pour les battues de loups, lorsqu’elles seront jugées nécessaires.

Vous aurez à faire viser votre commission par le Conservateur des Forêts du deuxième arrondissement, à Rouen, ainsi que par le Commandant de Gendarmerie du département.

Recevez, Monsieur, l’assurance de ma considération la plus distinguée.

Signé : COMTE DE GIRARDIN.

A Monsieur le Comte de Sarcus.

Le Comte de Sarcus chassait à courre avec le Comte d’Arry du Valalet, son voisin et ami; avec le Comte de Germiny, en forêt de Saint-Saëns; avec Monsieur de Songeons, son ami, de la Coudre, Comte de Germesnil; et ses chiens couplaient le plus souvent avec ceux du Chevalier du Parc, son grand ami, veneur aussi intrépide que lui.

L’équipage était servi par un homme à cheval: «Charles», qui savait que sans viser à l’effet, le Comte de Sarcus tenait aux grandes et belles façons, qui étaient autrefois de tradition dans la Vénerie française.

Les chiens les plus fins du Comte de Sarcus étaient: Conquérant, Nestor, Sonore, Sagesse. Ceux qu’il avait tiré du chenil de Monsieur du Parc avaient des voix de hurleurs; ce qui faisait dire à ce dernier; «qu’ils criaient à miracle et à ébranler les chênes les mieux enracinés de la forêt.»

Le Comte de Sarcus avait le cœur très compatissant et ne raisonnait pas en égoïste; témoin les lignes suivantes, écrites de sa main, sous la gravure d’un sanglier, et qui dénotent clairement qu’il savait penser au delà de son plaisir: «Heureux les grands de la terre, quand ils peuvent faire contribuer leurs plaisirs au bien d’autrui et trouver dans de nobles déduits, en faisant eux-mêmes ample moisson de lauriers, l’occasion de défendre l’épi du pauvre.»

Il habitait le château d’Illois, près Aumale (Seine-Inférieure), et chassait dans tous les bois avoisinant Illois et Aumale. De plus, il découplait aussi en basse forêt d’Eu, dans le triage de Guimerville, près Sénarpont, ainsi que dans la partie de la haute forêt voisine de Réalcamp, jusqu’à Blangy.

Extrait d’un rapport adressé, en 1818, par le Comte de Sarcus, à Monsieur de Girardin, grand veneur, capitaine des chasses de Sa Majesté Louis XVIII:

«Au Comté d’Eu, dans les environs de Sénarpont, il existe, depuis plusieurs années, du sanglier, dont le nombre s’accroît sensiblement; ils ont fait cet été de grands ravages aux riverains de la forêt.

«J’ai eu le plaisir, au mois de septembre dernier, d’en forcer un monstrueux (il pesait environ 450) avec l’équipage du Comte de Germesnil, parti de l’Oise, auquel j’avais joint le mien. J’ai appris depuis que ces animaux ne quittent point le pays et qu’on les y voit en grand nombre.»

Le Comte de Sarcus chassait aussi le renard, comme l’atteste une lettre de lui, datée de son château d’Illois, le 18 novembre 1818, et adressée à Monsieur Le François, garde général des forêts de S. A. S. Madame la Duchesse d’Orléans:

MONSIEUR,

En vertu de la commission de louveterie dont Sa Majesté a bien voulu m’honorer, étant tenu de me livrer scrupuleusement à la destruction des loups, renards, blaireaux et autres animaux nuisibles, et étant informé qu’il existe dans la basse forêt beaucoup de renards, je vous prie, Monsieur, de me désigner un jour de cette semaine, qui pût vous être commode, afin qu’ayant le plaisir de jouir de votre société, cette partie soit pour moi complètement agréable.

Je vous serai aussi obligé de donner ordre à vos gardes de boucher tous les terriers qu’ils connaissent, de très grand matin, le jour que vous aurez adopté, car sans cette précaution, la réussite serait très incertaine.

Veuillez, je vous prie, croire à la considération distinguée avec laquelle je suis, Monsieur, votre très humble serviteur.

Signé : COMTE AUGUSTE DE SARCUS.

Lettre de Monsieur de Sarcus à Monsieur le Sous-Préfet de Neufchâtel:

Illois, 4 juin 1819.

MONSIEUR,

J’ai l’honneur de vous adresser l’état des animaux que j’ai détruits pendant la saison de 1818-1819. Il vous serait parvenu beaucoup plus tôt, sans l’extrême désir que j’avais de multiplier le nombre de mes prises.

Malgré mes recherches et mes informations, je n’ai point connaissance qu’il existe de loup dans le canton; si je parviens à en découvrir, veuillez être persuadé, Monsieur, que je ne négligerai rien pour en étendre la destruction.

Je vous serai obligé, Monsieur, de vouloir bien apposer voire visa à l’état ci-joint et de le faire parvenir à M. le Préfet.

J’ai l’honneur, etc...

LOUVETERIE ROYALE DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE

2e Conservation

(Saison 1818-1810)


Comme le montrent plusieurs lettres de M. le Chevalier du Parc, ses chiens, comme ceux du Comte de Sarcus, chassaient aussi bien sangliers, loups et renards, que le lièvre.

Voici une lettre adressée à ce sujet au Comte de Sarcus, par le Chevalier du Parc, son intime ami:

Wambet, 13 novembre 1819.

Je m’empresse de vous proposer une partie de chasse au sanglier, qui, j’espère, sera heureuse.

C’est dans la forêt de Lyons; dans la partie de cette forêt qui avoisine Gournay. Les renseignements que j’ai pris me donnent la certitude que nous aurons à chasser des sangliers de tous les âges, et en abondance.

Vous vous rendrez à Wambet, avec votre équipage, mercredi. Nous en partirons le lendemain jeudi, pour aller coucher à Fleury, chez Monsieur Pinel, propriétaire, où nous trouverons bon gîte et bonne réception. Dans cet endroit, nous sommes au centre de nos opérations. Ce Monsieur Pinel est chasseur, connaît les retraites et nous fournira toutes les connaissances dont nous pourrons avoir besoin.

J’écris à d’Arry par le même commissionnaire. Il m’avait déjà parlé de faire cette partie de chasse dans cette même forêt, et il se proposait d’aller prendre poste à Ernemont, terre qu’il vient d’acheter; mais les renseignements qu’il m’a communiqués m’ont paru insuffisants. J’ai été passer quinze jours chez M. le Genger, aux Ventes, et ce voyage m’a procuré des connaissances plus approfondies. Il pourra, suivant ce qu’il m’avait marqué, aller à Ernemont, et nous lui enverrons, de Fleury, un commissionnaire pour lui indiquer le lieu de rendez-vous.

Je vous prie de faire partir de grand matin, de chez vous, mon commissionnaire, pour qu’il puisse aller au Valalet et revenir ce même jour, lundi, à Wambet.

Je fais partir, demain, Pierre (le piqueux de Monsieur du Parc), pour Fleury, prévenir Monsieur Pinel de notre arrivée et prendre connaissance du local et des retraites; il mènera avec lui un limier.

Surtout, vous, Monsieur, n’oubliez pas le vôtre et vos autres chiens, car nous ne pouvons pas en avoir trop pour mettre à la raison tout ce monde-là.

A mercredi soir, et agréez l’assurance de la considération la plus distinguée.

Signé : LE CHEVALIER DU PARC.

Lettre de Monsieur du Parc, où il est question du lièvre:

MONSIEUR,

Vous m’avez promis de venir passer quelques jours, sans cérémonie, à Wambet. Vos chiens devant être du voyage, je donnerai ordre à mon boucher, jeudi prochain, qui est le jour du franc-marché de Songeons, de faire provision d’animaux à leur usage. J’ai attaqué hier un lièvre, à dix heures du matin; ils ont constamment chassé, sans presque de défauts, jusqu’à cinq heures, et je crois qu’ils chasseraient encore si on ne les eût arrêtés. Je présume qu’au lieu d’un lièvre, ils en ont au moins chassé trois.

Agréez, je vous prie, Monsieur, l’assurance, etc...

Signé : CHEVALIER DU PARC.

Lettre de Monsieur du Parc, concernant la chasse du lièvre et celle du sanglier:

Wambet, 2 mars 1820.

MON CHER VOISIN,

Je vous remercie bien sincèrement des offres que vous me faites dans votre première lettre, et je les accepte avec reconnaissance. Je crains seulement que ma jument ne vous incommode, lorsque le temps sera venu de vous l’envoyer. J’espère vous voir avant ce temps-là et en causer ensemble, mon intention étant, aussitôt que les chemins seront un peu ressuyés, d’aller vous réclamer et chasser un lièvre avec vos chiens, qui, suivant ce que vous me marquez, chassent avec une grande distinction. Je vais vous donner des détails sur notre chasse au sanglier.

Jeudi 20. — Buisson creux.

Mardi. — Jeune laie de deux ans, chassée deux heures et tuée.

Mercredi. — Repos.

Jeudi. — Buisson creux.

Vendredi, — Quatre animaux dans l’enceinte, trois bêtes de dix à douze mois et une laie de trois ans; plusieurs chasses. Douze chiens sur une jeune bête, une demi-heure de chasse, tuée par Monsieur Pinel. Une quinzaine de chiens sur la laie, tuée par Monsieur Pinel, le jeune, après une heure du chasse. Sept chiens sur une petite bête qu’ils ont chassée sans succès jusqu’à huit heures du soir. Le piqueux de Monsieur de Songeons suivait cette dernière chasse, mais il s’est égaré, et ce n’est que très tard qu’il a pu rejoindre les chiens. Nos trois piqueux s’étaient attachés chacun à une. Nons avons laissé la plus forte laie à Monsieur Pinel; l’autre a été partagée entre maintes personnes. J’ai apporté la moitié de la petite bête, dans l’intention de vous en faire part.

J’avais, en conséquence, chargé Pierre (le piqueux de Monsieur du Parc) d’un morceau pour vous, espérant qu’il trouverait à Gournay le moyen de vous le faire parvenir, mais il n’a pu trouver personne de vos environs. Ainsi, Monsieur, vous voyez que j’ai été contrarié de toutes les manières. N’ayant pu avoir le plaisir de vous voir à nos chasses, j’aurais au moins désiré pouvoir partager avec vous nos succès.

Agréez, je vous prie, Monsieur, l’assurance de la considération la plus distinguée de votre très humble serviteur.

Signé : CHEVALIER DU PARC.

Lettre de Monsieur du Parc à Monsieur de Sarcus:

Wambet, 8 avril 1820.

MONSIEUR,

Je viens de faire un marché avec le voisin de Wambet. Deux jolis chiens, frères de celle que vous avez eue de Monsieur de Wambet, sont à moi. Vous les connaissez: joli rein, jolis pieds, la queue parfaitement attachée, et ne demandant qu’à manger du lièvre.

Adieu, soyez bien portant.

Signé : CHEVALIER DU PARC.

Autre lettre de Monsieur du Parc, adressée à Monsieur de Sarcus, et concernant le lièvre;

Wambet, 5 mai 1820.

MONSIEUR,

Je vous envoie, pour chasser le lièvre, un des chiens que j’ai eus de M. de Wambet; son frère, je l’ai changé avec M. de Songeons. Je ne vous demande pour celui-ci que votre amitié.

Je crois que j’irai dîner au Valalet, etc...

Signé : CHEVALIER DU PARC.

Lettre adressée par le Comte de Sarcus à Monsieur Auguste du Feugeray, en juillet 1820:

MONSIEUR,

Je reçois à l’instant votre lettre; vous ne doutez pas du plaisir que j’éprouve à guerroyer contre les grands coquins de sangliers. Je vous ai mille obligations à vous, Monsieur, et à Monsieur de la Coudre, de me procurer cette partie. Je vous envoie Charles (le piqueux) pour prendre jour le plus prochain possible.

Si c’est dans la vallée de la Mortemer, ayant beaucoup plus près, je m’y rendrai d’Illois. S’il faut passer par le Biorel, je vous prendrai en y allant. Veuillez instruire Charles de tout ceci, ainsi que du lieu de rendez-vous. Monsieur de la Coudre aurait la complaisance de mener ses chiens, car, à cette chasse, l’équipage n’est jamais trop nombreux.

Veuillez, je vous prie, croire à ma considération très distinguée.

Signé : COMTE A. DE SARCUS.

Lettre adressée à Monsieur Estancelin et prouvant que le Comte de Sarcus chassait aussi les renards à courre:

Illois, près Aumale (Seine-Inférieure), le 3o octobre 1820.

MONSIEUR,

Lorsque vous me fîtes l’amitié de me présenter à Son Altesse le Duc d’Orléans, et de solliciter en ma faveur la permission de chasser à a basse forêt, vous vous rappelez que le Prince eut la bonté de me dire: «Chassez, détruisez le plus de renards possible, c’est un service que vous rendez aux habitants du pays». Ce sont ses propres expressions. Je vais donc recommencer mes persécutions contre ces pauvres animaux; mais j’ai une partie projetée que je ne veux point exécuter sans votre assentiment.

Vos aimables procédés avec moi m’y engagent impérieusement. J’attends, dans une quinzaine, un ami, ancien garde d’Artois, grand amateur de chasse à courre, qui amènera son équipage. Je désirerais attaquer renards à la basse forêt; cette voie tirant toujours droit et à toutes jambes, la chasse en convient mieux aux amateurs qui n’aiment qu’à courir, et j’en aurai quelques-uns de ce genre. Seconde raison, plus majeure, c’est que je crains qu’en poursuivant un lièvre en plaine, mes jeunes camarades ne respectent point nos immenses pièces de blé, et vous savez que les habitants des campagnes sont très chatouilleux sur cet art. Quant à la destruction que vous pouvez craindre à la forêt, je vous donne ma parole que l’on ne tirera point de lièvres et qu’aucun de nous ne portera d’arme à tir; mais serais bien aise, si cela était possible, d’être secondé par les gardes de la basse forêt, dans cette tentative contre les renards.

Veuillez, Monsieur, agréer la nouvelle assurance de ma bien parfaite considération.

Signe: COMTE AUGUSTE DE SARCUS.

Le 3 novembre 1820, jour de la Saint-Hubert, le Comte Auguste de Sarcus attaqua, en basse forêt d’Eu, un grand sanglier qui vint se faire prendre à quelques mètres de son château d’Illois. Il en est question dans une lettre de Monsieur le Chevalier du Parc.

Wambet, 19 novembre 1820.

MONSIEUR,

J’ai reçu votre lettre bien longtemps après la date. J’en suis doublement fâché, puisque cela m’a privé du plaisir de vous répondre plus promptement et de celui d’avoir plus tôt de vos nouvelles. Je serai très flatté de vous voir à Wambet, mais je vous prie de croire qu’il n’y a d’autre motif que celui de vous avoir avec nous.

Vous faites toujours des chasses superbes. Je vous en fais mon compliment et voudrais obtenir le même succès.

J’ai ici une jeunesse turbulente qui s’y oppose. Pour la calmer un peu, je lui ai fait chasser un tiers-an qui était venu nous braver à une lieue et demie de la maison. Il nous est arrivé à peu près la même chose qu’à vous le jour de la Saint-Hubert, le compère est venu se faire prendre à deux portées de fusil de la maison. Il s’est jeté à l’eau dans un ravin et s’y défendait vaillamment contre les chiens. Heureusement, le fils de notre maréchal est accouru au secours des chiens, armé d’une lance et lui en a porté plusieurs coups pendant que les piqueux arrivaient et qui l’ont fini. Il n’y a eu que trois chiens de blessés. Le piqueux de Monsieur de Songeons est arrivé le premier qui lui a tiré sa carabine, mais cela n’a pas suffi, il a fallu employer le couteau de chasse.

J’ai actuellement vingt chiens en chasse; si vous connaissez des amateurs, je m’en déferai volontiers d’une demi-douzaine. Ils sont beaux, bien chassant et criant à ébranler les chênes les mieux enracinés. Cela n’est pas étonnant, il y a dans le nombre deux petits-fils de Bacanal et de d’Arry. Je fais prévenir et engage pour mercredi prochain à une chasse qu’il exécutera dans la forêt de Lyons. Monsieur de Songeons ira; moi je resterai à la maison, n’ayant point de cheval pour mon piqueux. Il a fini le sien à la chasse du sanglier dont je viens de vous parler.

Adieu, Monsieur, je vous prie de croire au plaisir que j’aurai à vous voir et au sincère attachement avec lequel je suis, votre très humble serviteur.

Signé : CHEVALIER DU PARC.

Lettre adressée à Monsieur de Sarcus et contenant l’autorisation de chasser en basse forêt d’Eu:

Sainte-Catherine, 6 octobre 1822.

MONSIEUR,

J’ai l’honneur de vous adresser la permission de chasse que S. A. S. Monseigneur le Duc d’Orléans a bien voulu vous accorder dans la basse forêt d’Eu.

Monsieur de Brossard vous a fait connaître ses règlements, dont personne n’est plus exact et plus scrupuleux observateur que vous-même; je n’ai donc pas besoin de vous les rappeler. Je n’insisterai que sur un point: c’est que je désire que vous teniez à ce que les gardes (n’importe le garde) ne se permettent de se mêler de vos chasses, à moins que vous ne les y autorisiez formellement, ce qui doit être le plus rarement possible.

Je charge le Sous-Inspecteur de faire connaître aux gardes votre permission, ce qui vous dispensera d’en faire l’exhibition.

Agréez l’assurance de la considération distinguée avec laquelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Signé : ESTANCELIN.

Lettre de Monsieur de Germiny:

Jeudi, 12 septembre 1823.

Me permettez-vous, Monsieur, de vous faire savoir: que j’ai le projet de chasser quelques sangliers qui sont dans la forêt de Saint-Saëns. Monsieur de la Coudre sera informé, vendredi soir, du lieu où résident les animaux et du jour où nous pourrons les attaquer. J’espère que vos chiens seront de la partie et j’espère encore plus que vous voudrez bien ne pas me faire perdre cette occasion de faire votre connaissance.

J’ai l’honneur de vous saluer.

LE VICOMTE CH. DE GERMINY.

Lettre de Monsieur du Parc à Monsieur de Sarcus:

Wambet, 9 février 1823.

MONSIEUR,

Je vous offre de vous donner un ou deux couples de mes chiens. Vous voyez que c’est beau de ma part! Je ne vous les vends pas, mais comme une honnêteté en provoque une autre, vous me donnerez, en échange de mon procédé, deux cents francs par couple et le vin du piqueux, ainsi que cela se pratique, etc...

Signé : CHEVALIER DU PARC.

Lettre du Comte de Sarcus à Monsieur Jules d’Ernemont:

Illois, 23 octobre 1823.

MONSIEUR,

Je vous annonce, ainsi qu’au cher frère Frédéric, sachant que vos intérêts et plaisirs de chasse sont communs, ce que vous désirez depuis longtemps: la possession de ma bonne chienne Ravissante. Je suis en marché avec Monsieur du Parc pour un de ses jeunes chiens, qui couple très bien un des miens. Nous sommes à peu près d’accord. Je vous vends donc la célèbre Ravissante, quatre-vingts francs, et trois francs pour Charles, mon piqueux. Je ne vous la vends point chat en poche, vous avez été à même de la juger dans la chasse que nous avons faite avec Monsieur Dupin, et quand vous me fîtes l’amitié de venir chez moi cet été. Vous vous rappelez l’avoir toujours remarquée où il y avait de la gloire à acquérir. Son frère, Conquérant, son noble émule, que j’avais échangé contre trois beaux jeunes chiens, s’étant, il y a quelques mois, donné une allonge dont il est resté estropié, vient d’être vendu cinq à six francs pour le piqueux. Je ne puis vous livrer ma favorite avant le 10 de novembre, ayant plusieurs chasses à faire où sa présence est indispensable. Si cette acquisition, comme je le prise, vous est agréable, je vous prie de l’envoyer chercher précisément le 10, car je pars le 11 pour me rendre chez Monsieur du Parc. Sinon, ne faisant point affaire, je la troquerai avec mon voisin, qui, comme vous, préfère les chiens de moyenne taille, contre un de ses élèves qu’il trouve trop grand. Il tient d’autant plus à cet arrangement qu’il connaît les qualités de la a petite mère». Je serai bien aise, cependant, de vous en donner la préférence; quant aux quatre-vingts francs, lorsque nous nous verrons, vous me les remettrez.

Lettre du Comte de Sarcus, ayant trait à la chasse du renard:

Illois, le 28 novembre 1823.

MONSIEUR LE SOUS-INSPECTEUR,

Un de mes amis, ayant aussi des chiens, vient passer quelques jours chez moi. Nous devons faire une chasse de renard à la basse forêt, dans les tailles qui avoisinent Varimpré, où ils abondent. Je serais bien flatté, si vos occupations vous permettaient de vous joindre à nous, si toutefois ce genre d’amusement vous est agréable. C’est un rebond de la Saint-Hubert que je vous engage de venir fêter avec nous, c’est-à-dire dîner après la chasse, et cela amicalement et sans cérémonie. Le rendez-vous sera au premier poteau après le Mont-Blanc, allant à Varimpré, à dix heures précises, mercredi 4 décembre.

J’ai l’honneur de vous saluer avec considération.

Signé : COMTE A. DE SARCUS,

Lieutenant de Louveterie.

Lettre du Comte de Sarcus à Monsieur du Parc:

Château d’Illois, 4 janvier 1824.

Mon cher Grand Veneur, il faut que je vous fasse part de mes aventures depuis que je ne vous ai vu.

Il y a environ trois semaines, d’Arry m’envoya, à neuf heures du soir, un exprès porteur d’une lettre dans laquelle il me mandait qu’un sanglier avait été vu au Varembeaumont dans l’après-midi, que s’il pouvait m’être agréable de m’y trouver avec mes chiens le lendemain, à huit heures, lui s’y rendrait avec ses chiens. Vous savez qu’il n’est point de mon caractère de rendre une malhonnêté en échange d’un procédé honnête. Je m’y suis trouvé, quoique sans espoir de rencontrer, le lendemain, un animal vagabond, qui d’autant plus, avait été poursuivi: Il y était cependant resté. Je le rembuchai et nous attaquâmes, à dix heures, un ragot bien allant. Il se fit chasser trois quarts d’heure avant de prendre son parti, blessa plusieurs chiens à Monsieur d’Arry et à moi, qui n’en chassaient que mieux. Enfin, il débuche, monte à Digeon, où il se jette dans une argilière. Les chiens l’auraient dévoré si sa peau n’eût été plus épaisse que celle d’un lièvre. Il passe au travers d’une porte que le propriétaire prétendait être très bonne, saute par-dessus un mur et passe au bois de Monsieur de Belval. Je le suis de très près, montant au pas le laris qui conduit de ce bois à celui de Monsieur Blondin. Je sais que vous connaissez un peu ces parages, c’est pourquoi je vous les cite.

Un chien le mord aux fesses. Je le crois très bonnement, non par un hasard, mais bien essoufflé parla rapidité de la course, qui avait duré au moins une heure, car nos enragés menaient un joli train! Je grimpai la côte en jeune homme. L’animal est hallali courant. Je m’attendais à une déception dans le bois de M. Blondin, qui est très fourré ; point, arrivé au bout de ce bois, je vis le rustaud monter le laris du bois du Vicomte, encore au pas, trois chiens cette fois ne le lâchant pas. Je vous entends demander: «Quels étaient donc ces intrépides?» C’étaient Tartare, Vestale et un chien, je crois, de d’Arry. Il fallut relayer à l’anglaise, c’est-à-dire monter la côte à pied, et, en haut, piquer de plus belle. Les piqueux m’avaient joint, nous nous retrouvâmes en pleine chasse, dans le bois de Beaucamps. Le cheval de d’Arry se déferre; nous nous séparons, moi et Charles, pendant une bonne demi-heure, dans la forêt d’Arguel; pendant ce temps, la chasse passa à Sénarpont, de là au comté d’Eu; enfin, le soir nous prit, il fallut battre en retraite. On avait encore vu passer les chiens, qui avaient au moins une heure d’avance sur nous. Trois mordaient le sanglier, sept ou huit autres suivaient sans crier. Nous bivouaquâmes. Sept chiens rentrèrent pour dix heures chez moi. Charles en retrouva deux; la pauvre Mégère n’a point reparu. Malgré mes recherches, on en a aucune connaissance, elle aura été tuée.

SECONDE REPRÉSENTATION. — Il y aura demain huit jours, je me rendis dans le bois de Monsieur M..., où j’avais mené toute ma petite bande. Nestor cria, tout rallia; on entend un lancer des plus brillants. J’arrive presque en même temps que les chiens au bout du bois. Que vois-je? Un sanglier comme un gros grison. Je crie à Charles et nous piquons à un passage que je connais. Tartare, Vestale, Corsaire, Nestor étaient déjà passés. Une jeune chienne suivait comme un petit diable. Le reste des chiens passe dans les jambes de nos chevaux. Les voilà traversant la vallée, montant dans les bois d’Aumale, ils montent au bois de Monsieur Blondin, entrent dans Dijeon, vont à Foursigny, près de d’Arry. Nous suivons la chasse dans les bois qui avoisinent Granvillers.

Tartare, seul, a été vu nombre de fois, pendant l’espace de trois heures, attaché comme une sangsue aux fesses du luron, ayant toujours un grand quart d’heure d’avance sur les chiens, dont aucun ne crie pas, hors Météore, qui tient cependant pendant quatre heures.

Nous ne retrouvâmes point Tartare et Calebasse, qui rentrèrent le lendemain dans la matinée, sains et saufs. Corsaire, seul, eut deux blessures, dont une effroyable. Lancette et bistouri ont joué, et tout va bien. Dans le trajet, un chien de berger avait été tué raide par le sanglier.

Si j’ai eu la courte honte de ne point prendre, je fais cet aveu sans regret, car il me semble que quand on conduit des animaux à dix lieues au moins du lancer, en ligne directe, sans y comprendre les tours et détours, et que pendant l’espace de six à sept heures, plusieurs chiens ne perdent pas l’animal de vue, je ne sais à qui l’on doit attribuer la faute. Dans d’aussi longues fuites, les chevaux ne peuvent pas non plus être accusés de lenteur.

Je suis sûr que vous n’allez pas manquer, à la prochaine occasion, de plaisanter sur mes deux chasses infructueuses.

Croyez, mon cher Veneur et Ami, à toute la considération que j’ai pour vous.

Signé : A. COMTE DE SARCUS.

Lettre de Monsieur Estancelin, adressée au Comte de Sarcus;

Eu, 1er octobre 1825.

MONSIEUR,

Je vous félicite de vos succès; chassez les sangliers; ceux que vous ne tuerez pas seront forcés de déguerpir d’un pays où leur présence est toujours préjudiciable aux cultivateurs. A ce titre, Son Altesse Royale sait toujours gré à ceux de Messieurs les Permissionnaires qui procurent l’avantage d’écarter les animaux nuisibles de sa forêt d’Eu.

Je vous remercie de la hure que vous m’avez envoyée; je ne peux, vu le temps qu’il fait, l’envoyer à Son Altesse Royale; je le regrette, puisque je ne peux, pour ma part, en faire aucun usage.

Je vous aurais une véritable obligation si vous vouliez bien, à l’occasion, m’envoyer un pied de jeune sanglier pour placer à une sonnette.

Comptez, qu’en toute circonstance, je serai empressé de vous donner des témoignages des sentiments très distingués de la haute considération avec laquelle j’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.

Signé : ESTANCELIN.

Passage d’une lettre de Monsieur de Sarcus, donnant la preuve qu’il chassait le renard à courre et le forçait.

(Ce brouillon de lettre ne porte aucune date ni adresse.)

J’irai chasser renard chez d’Auvillers. Il y a huit jours j’en ai attaqué un, à la basse-forêt, que j’ai forcé après deux heures de chasse.

Quand le Comte de Sarcus voulait forcer un vieux loup, il lui arrivait de le pousser toute la journée sans le prendre. Au soir, il coupait les chiens, logeait dans un village aux environs du bois où on avait arrêté la chasse, et le lendemain à l’aube, avec des rapprocheurs, il reprenait la piste de la veille pour remettre le loup sur pied.

La meute, buvant la voie, partait avec une ardeur nouvelle sur le fauve qui n’était quelquefois forcé qu’à la seconde ou troisième journée de chasse. Un jour, le Comte de Sarcus, accompagné de son piqueux Charles, attaqua un vieux loup aux environs de Caule, et ne le prit que trois jours après, non loin d’Amiens, ayant fait un trajet fantastique avec les mêmes chiens et les mêmes chevaux. Après cette interminable refuite avec de très longs et pénibles débuchers, peu de temps avant l’hallali, la jument du Comte de Sarcus manifestait des signes certains de fatigue et commençait à baisser de pied. Le cheval du piqueux, que le maître d’équipage avait surnommé «Le Dur» en raison de son endurance extrême et aussi de son trot sec à vous arracher les boyaux, conservait un reste d’ardeur. «Passez-moi vite votre cheval, lui dit le Comte de Sarcus; et l’ayant échangé avec sa jolie monture de sang anglais, il continua sur «Le Dur» cette chasse si sévère jusqu’à ce qu’il eut mis son loup hallali, presque aux portes d’Amiens. Le lendemain, toujours à cheval, il reprenait son contre-pied pour retraiter sur sa demeure.

Le Comte de Sarcus n’était pas seulement un fervent et habile veneur, c’était aussi un agréable conteur, qui assaisonnait souvent ses récits d’une pointe de fine raillerie.

Voici une lettre adressée par lui, le 18 avril 1844, à Monsieur Thélu, lieutenant de Louveterie:

MONSIEUR ET AIMABLE VOISIN,

Lorsque dernièrement, j’eus le plaisir de vous voir, je remarquai, sur la couverture de votre Journal des Chasseurs, un amateur qui, montant un cheval de pur sang, s’élançait (tenant son chapeau à la main et criant hallali, à la suite de ses chiens) par dessus un précipice d’un certain diamètre; un des chiens, soit fatigue ou défaut de vigueur, n’ayant pu franchir cet obstacle, était tombé sur l’autre bord, se raccrochant de son mieux, pour ne pas disparaître dans l’abîme. Moi, qui suis né vers la fin du XVIIIe siècle, je trouve cela un peu chargé ; mais je puis vous raconter quelque chose de beaucoup plus plaisant et même incroyable; voici le fait:

Me rendant dernièrement de Rouen à Vernon par le bateau à vapeur «La Normandie,» pour aller passer quelques jours chez ma sœur qui habite près de cette petite ville; voulant jouir du beau temps et de l’agréable perspective qu’offrent les rives de la Seine, nombre de voyageurs et moi nous promenions sur le pont du bateau, quand tout à coup nous aperçumes passer au-dessus de nos têtes un animal que je reconnus être un cerf dix-cors, lequel était chassé dans la forêt de la Londe par l’équipage de Monsieur... je ne me rappelle pas le nom, trop pressé par des chiens qui, dit-on, sont d’une grande vitesse, s’élança du haut de la falaise qui borde la Seine, et alla retomber sain et sauf dans le bois de Saint-Aubin, qui est situé à quelques kilomètres de la forêt de la Londe, sur la rive opposée.

L’équipage, vous le pensez bien, arriva peu d’instants après et chiens, chevaux, veneurs, tous franchirent le même espace et par la même voie. Moi, né du XVIIIe siècle, je ne revenais pas de mon étonnement; mais un très aimable et gai voyageur qui, nous dit-il, a parcouru presque toutes les parties de notre globe, et, dernièrement l’Angleterre, nous affirma que chez nos voisins d’outre-mer, que nous nous efforçons de copier, ces faits se renouvellent assez communément; que l’on voit des cerfs, même des renards, s’élancer ainsi par-dessus la Tamise ou un bras de mer, et qu’il ne serait nullement surpris si quelque jour on lui disait que l’équipage du Prince Albert, le plus beau et le meilleur de l’Albion, est arrivé en France à la suite d’un cerf qui se serait élancé par-dessus le Pas-de-Calais. A cela je n’eus, vous pensez, Monsieur, aucune réplique à faire, surtout, après l’événement dont je venais d’être témoin et dont il est facile de prouver l’authenticité.

Je vous prie, Monsieur, de communiquer ceci au rédacteur de votre journal, afin qu’il en réjouisse Messieurs ses abonnés.

Veuillez agréer, etc...

Signé : COMTE DE SARCUS.

Ancien Lieutenant de Louveterie.

P. S. — Il me vient une inquiétude... c’est que ce récit, enflammant l’ardeur de nos jeunes veneurs, ne les excite à faire des sauts encore plus périlleux.

Lettre prouvant la sympathie que les amis de Monsieur de Sarcus avaient pour lui et combien ils le considéraient comme un veneur expérimenté :

Paris, 22 février 1846.

MON CHER MONSIEUR,

Nous avons appris avec beaucoup de peine la triste nouvelle dont vous nous avez fait part; la perte douloureuse qui vient de vous frapper dans une de vos chères affections a trouvé un écho dans nos jeunes cœurs. Nous avions craint un moment que cette mort subite de vos jolis petits chiens ne jetât le découragement dans votre âme, ne mît un terme à un genre de vie si joyeuse et si agréable pour nous tous; ne nous sevrât de vos savantes leçons que vous donnez avec tant d’art et que vous savez rendre si intéressantes; mais votre lettre nous a rassures. Nous avons vu avec joie qu’au lieu de vous livrer tout entier à un désespoir fatal pour nos plaisirs, vous avez conservé votre joyeux caractère; que loin de renoncer aux doux plaisirs de la chasse, vous êtes tout disposé à reprendre de nombreux et laborieux travaux pour combler le vide que le sort cruel vient de faire dans les rangs de votre gentil équipage, en vous enlevant les deux plus précieux membres: Coclès et Savonnette. Honneur, gloire et réussite en sont à vous qui combattez l’adversité, lui montrez un front triste mais non vaincu, qui défiez le sort en reconstituant ce qu’il a détruit! Pour nous et nos descendants, exemple sublime!!!

Il est un proverbe qui dit: «Dans le malheur, on reconnaît les vrais amis.» Votre malheur nous a si profondément touchés qu’aussitôt nous nous sommes réunis en conseil pour aviser un moyen de vous venir en aide et remplacer autant que possible vos enfants chéris. Après des recherches inouïes et très difficiles, nous avons trouvé deux petits chiens hurleurs, tricolores, forçant leur lièvre non blessé en deux heures très précises.

Mon cousin n’a pas laissé passer cette occasion et en a fait de suite l’acquisition afin de pouvoir vous en offrir de jeunes rejetons dignes de la gloire de leurs ancêtres, rappelant toutes leurs vertus. Pour vous faire prendre patience il vous propose, si cela vous sourit, de vous envoyer à Pâques, par Jules, une petite chienne tricolore, fille de la fameuse Ravaude, qui a fait si souvent le sujet de vos entretiens. Elle est âgée de deux mois. La mère prend son lièvre en deux heures avec beaucoup de facilité ; elle est de la taille de Coclès.

Nous espérons que la santé, la gaieté, la joie sont maintenant revenues au chenil, que le destin cruel s’est contenté de ces deux illustres victimes; et l’année prochaine, nous pourrons encore, grâce à vos efforts, goûter ensemble quelques instants de plaisir, entendre de nouveau le délicieux ramage de la meute du cher et vieux Veneur notre maître ès-art de vénerie et de joyeuse gaîté, puis après un lièvre pris, pousser en chœur le beau cri de Hallali.

Recevez, Monsieur et cher Ami, l’assurance de ma sincère amitié.

Signé : ANTONIN D’AUVILLERS.


Un siècle de vénerie dans le nord de la France

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