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Les Thélu

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TROIS GÉNÉRATIONS DE VENEURS

LES Thélu (Pasquier de), famille noble et ancienne, originaire de l’Artois, dont une branche émigra, il y a quatre siècles, en Ecosse, et est aujourd’hui représentée par le Comte de Thélusson, en Angleterre.

1° Théodore Thélu, grand-oncle et arrière-grand-oncle des veneurs suivants, découplait avant et après la Révolution son équipage de lièvre dans les environs de Frûges. Bien souvent le Comte de Béthune-Sully, qui l’honorait de son amitié, l’invitait à rallier ses chiens artésiens et normands aux siens, de même race.

Ce Prince lui fit présent d’un couteau de chasse Louis XV, à coquille d’argent avec cor et attributs sur la garde, à poignée cannelée en ivoire et lame damasquinée. Cette arme fut précieusement conservée dans la famille.

Monsieur le Prince de Béthune-Sully, outre ses qualités de chasseur, était un philanthrope ayant vulgarisé l’emploi de la pomme de terre en Artois.

Il s’était acquis par la suite une popularité telle qu’il fut acquitté devant le tribunal révolutionnaire; mais J. Lebon, qui n’en était pas à cela près, le fit suivre par ses sbires à sa sortie du tribunal et monter dans la charrette des condamnés, d’où il fut mené séance tenante à l’échafaud. Cette exécution sommaire, faite contre la volonté même du tribunal révolutionnaire, fut par la suite un des chefs d’accusation qui fit exécuter le terroriste de l’Artois.

M. Thélu était un fin veneur de lièvre à l’époque. Malgré ses soixante-dix-huit ans, un jour qu’il courait un lièvre sur ses fins, son équipage traversa un herbage; un taureau qui s’y trouvait, rendu furieux par la voix des chiens, le culbuta ainsi que son cheval. Quelques jours après, il mourait des suites de cette chute.

2° Auguste Thélu, lieutenant de louveterie, nommé en 1842 par Sa Majesté le Roi Louis-Philippe, possédait un équipage de loup remarquable, se composant d’une trentaine de chiens anglo-normands, 3/4 sang français. Avant cette date, il découplait sa meute sur loup et lièvre depuis une dizaine d’années. Il prit même vers 1837, avec le concours des équipages des Comtes de Songeons et de Sarcus, le dernier grand sanglier vu dans la contrée. Il fut pris au moulin d’Ellecourt, près d’Aumale, et pesait le poids fabuleux de 214 kilos.

Dans la suite, Monsieur Auguste Thélu racheta une vingtaine de chiens normands provenant de l’équipage du Comte d’Arry, dont fait mention Monsieur le Comte Le Couteulx de Canteleu dans son livre sur la chasse du loup.

Cet équipage était sous le fouet d’un seul piqueux monté, Charles Duparc, qui resta pendant de nombreuses années à son service.

En 1855, lors de la formation du vautrait Picard-Piqu’Hardy, Charles Duparc entra comme second piqueux dans le nouvel équipage, tandis qu’il était remplacé par Martin dit la Rosée.

Il faut rechercher quelques-uns des laisser-courre dont on ait gardé le souvenir.

15 décembre 1845.

Messieurs de Chassepot, de Morgan et Thélu étaient convenus de réunir leurs équipages. Les trois valets de limier avaient rembuché une vieille louve et deux vieux loups dans les bois de la Faloise, près de Flers, en Picardie. L’un des deux vieux loups fut tué, l’autre, tiré mais manqué, fut chassé jusqu’à la nuit par les trois meutes.

15 janvier 1846.

Depuis le 15 octobre jusqu’au 15 décembre, l’équipage de Monsieur Thélu a fait consécutivement détruire plusieurs louvarts détournés par son piqueux, Charles, dans les fonds de la Bucaille, Bourbel, le fond d’Hodeng, le fond Zoge et la Commanderie, partie de la forêt d’Arguel. Tous ces bois, dépendant de la forêt d’Eu ou situés sur la côte opposée de la vallée de la Bresle, sont non percés, très fourrés, presque toujours en côtes à pic, dans lesquels l’animal a la facilité de se forlonger, les chiens du meilleur pied ayant grand peine à suivre leur voie.

Voici quelques détails sur une chasse de loup, qui a eu lieu le 14 octobre 1846, avec les équipages réunis de Messieurs Thélu, de Morgan et Estancelin. Depuis quelque temps, les loups commettaient de grands ravages dans les environs de Sept-Meules et d’Envermeu. Le 13, les équipages arrivèrent à Sept-Meules. Le 14, les valets de limier eurent connaissance de deux vieux loups sortant des bois de Grosfy, mais les voies étaient surpluées et un temps affreux empêcha d’en faire suite.

Le 15, Charles Duparc, piqueux de Monsieur Thélu, et Bastien, piqueux de Monsieur de Morgan, rembuchèrent deux grands louvarts au bois de Cuverville, domaine privé du Roi. Il était onze heures quand on frappa à la brisée. La voie était déjà froide, on prit le parti sage, mais difficile, d’attaquer à trait de limier. Ceux-ci s’en rabattent d’abord avec peine, mais bientôt ils tirent à la botte et, au bout de dix minutes, les loups bondissent des liteaux, à quelques pas des hommes. Quelques chiens sûrs sont découplés. Un loup saute la route, il y est tiré et se fait prendre sous bois, à peu de distance.

On rallie alors à Faublas, qui chassait seul le second animal, et peu de temps après, un coup de feu suivi d’un hallali victorieux met fin à la chasse, qui avait duré environ deux heures, par une pluie torrentielle.

En reconnaissance, les cultivateurs des cantons d’Aumale et de Blangy offrirent au piqueux Charles un ceinturon d’honneur, sur la plaque duquel il est représenté tenant à la botte son fameux limier Charbonneau. Dans cet hommage de reconnaissance, le maître d’équipage ne fut oublié ; les mêmes cultivateurs lui firent présent d’un magnifique couteau de chasse, avec poignée d’ivoire, sur laquelle étaient sculptés: d’un côté, un hallali de loup, et de l’autre, un hallali de sanglier. Sur la lame damasquinée étaient des sujets de chasse gravés au burin; au milieu se trouvait l’inscription suivante: «Les cultivateurs et propriétaires reconnaissants des cantons d’Aumale et de Blangy-sur-Bresle, en souvenir des services rendus à l’agriculture.» Ce couteau fut perdu par son fils, au cours d’une chasse en forêt de Boves, en 1883.

Octobre 1848.

De concert avec Monsieur Edouard de Morgan, Monsieur Thélu fit une belle destruction de loups dans la forêt des Noyers, près de Gaillefontaine, appartenant à Madame la Générale Hoche.

Il a été tué, devant les équipages réunis, un vieux loup et trois louvarts. Un quatrième louvart, forcé, fait tête aux chiens; il a été porté bas par le limier Charbonneau, qui l’a étranglé, le maintenant à la gorge pendant que tous les chiens l’étouffaient.

Charbonneau était un briquet d’Artois, de quarante-cinq centimètres à l’épaule, dont les qualités comme limier étaient remarquables. Ne se rabattant que sur des voies de loup, il en refaisait même lorsqu’elles étaient hautes de deux jours.

Le grand loup tué dans cette chasse fut offert par Monsieur Thélu à Madame la Générale Hoche, qui le plaça plus tard dans son vestibule du château de Gaillefontaine, habité depuis par son petit-fils, le Marquis des Roys.

Les deux veneurs précités firent une autre destruction le 15 octobre 1850, dans les bois de Wailly, près de Conty (Somme).

Pendant que le gros de la meute chassait un loup, quatre chiens isolés en ont poussé un autre qui s’est forlongé et a débuché en filant à trente-cinq pas devant Monsieur Duquet, maire de Lœuilly, qui le tire à plomb et le touche, mais peu grièvement. Monsieur Thélu, se trouvant près du tireur, part au galop à la poursuite du loup, qui fuit à travers champs. Il le rejoint en quelques minutes, saute à bas de son cheval, et se jetant sur l’animal furieux, fait assaut avec lui, et au bout de quelques minutes le transperce de son couteau de chasse. Ce grand loup fut offert au Prince de Croÿ, propriétaire des bois de Wailly, où il resta empaillé dans le grand vestibule du château, jusqu’à l’incendie qui le détruisit, il y a quelques années.

Le 17 janvier 1853, les équipages réunis de Messieurs de Chassepot, de Brigode, Édouard de Morgan et Thélu d’Aumale furent découplés en forêt de Moislains, près de Péronne, sur un grand loup et trois louvarts noirs. On attaqua sur la brisée de Charles.

Dès l’attaque, le grand loup fut tué. L’on continua de chasser les louvarts, qui furent portés bas tous trois, l’un après l’autre, par les quatre meutes réunies. Quelques jours auparavant, Messieurs de Chassepot et de Brigode avaient pris un louvart noir et un autre avait été tué devant leurs chiens dans le même massif de bois.

Le 4 février 1853, sur la brisée du piqueux Charles, un grand loup est mis debout en haute-forêt d’Eu, dans la pointe du Lansquenet. Il passe au Mont Hulin, aux Essartis, débuche vers Guimerville, au Bas-Buisson, rentre en forêt, se dirigeant sur le fond de l’Auge. Après toute une journée de chasse par temps de neige, vers les huit heures du soir, par un clair de lune magnifique, les chiens chassaient encore chaudement, lorsqu’un coup de fusil est tiré sur le loup de chasse par un braconnier. Blessé, il tient bientôt les abois; Monsieur Thélu descend de cheval; il l’aperçoit de suite au milieu des chiens, se précipite sur lui en l’empoignant par le cou, car il était assis sur le train de derrière; mais, ô surprise, le loup, frappé de congestion à la suite de sa blessure, était mort. Ce grand loup fut offert à Madame la Marquise de Sénarpont, ayant été pris dans ses propriétés.

Au cours de sa carrière de louvetier, Monsieur Thélu, qui découplait sa meute dans la Seine-Inférieure, la Somme et l’Aisne, avait pris ou fait tuer 142 loups et louvarts.

L’anecdote suivante montrera les qualités de haut nez que possédaient les Anglo-Normands de notre louvetier.

Un jour de rendez-vous de chasse au Vieux-Rouen, chez son ami Monsieur Semichon, le piqueux Charles, n’ayant pas eu connaissance de loup dans sa quête, les invités demandaient au maître d’équipage de faire courir un lièvre par sa meute.

On découpla donc l’équipage de loup sur un lièvre, qui fut attaqué au bois du Vieux-Rouen, traversa la rivière de la Bresle, rentra à la Queue-Comtesse, gagna les plaines de Beaucamps, traversa la vallée du Liger, monta les pentes du Mont d’Arguel et fut pris dans une grange à Saint-Maulvis, vers les quatre heures du soir, en février 1853, après un parcours de près de cinq lieues en ligne droite.

Le courre du lièvre était un joyeux passe-temps, auquel se livrait Monsieur Auguste Thélu. Il vint plusieurs fois faire un déplacement en Artois, aux portes d’Arras, à Beaumetz-les-Loges. Son ami, le Comte de Beaumetz, possédait lui-même un équipage, et les deux meutes réunies mettaient à mal nombre de lièvres dans ces grandes plaines plates et d’un courre facile.

Monsieur Thélu fit paraître, en 1856, un intéressant article sur la chasse du loup, qu’il faut connaître:

(Journal des Chasseurs, 30 septembre 1856.)

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