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VIII

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Pendant plus d’une heure Gédéon erra sans but à travers les rues de Saint-Urbain. Se présenter à ce régiment qu’il avait choisi avec joie lui semblait maintenant au-dessus de ses forces. Le cœur serré par une horrible angoisse, il marchait la tête basse, essuyant de temps à autre une larme que lui arrachait la conscience de son isolement, l’anxiété de l’avenir, et le regret de sa vie passée, dont les souvenirs charmants se présentaient en foule à son esprit.

Enfin à force de raisonnements, il parvint à surmonter ce qu’il appelait un accès de lâcheté indigne d’un homme. Apercevant un hussard de l’autre côté de la rue, il marcha vers lui, et d’une voix qu’il essayait de rendre assurée:

—Camarade, lui demanda-t-il, voudriez-vous m’enseigner le chemin de la caserne de votre régiment?

Le hussard, à ces mots, regarda le bourgeois de travers; il semblait tout prêt à se fâcher.

—Mon régiment, répondit-il enfin, d’un ton blessé, il ne loge pas dans une caserne, c’est bon pour de l’infanterie.

Gédéon fit un geste de surprise.

—Les hussards, vous devriez être susceptible de le savoir, ils logent dans un quartier, comme toute cavalerie; à preuve que c’est comme qui dirait une distinction qui les différencie ensemble et séparément du fantassin. Donc le quartier il est là, devant vous.

Gédéon leva les yeux, et, en effet, à peu de distance, au fond d’une impasse très-étroite, il aperçut une grande porte cintrée s’ouvrant sur une voûte assez obscure.

Au-dessus de la porte, un drapeau noirci par la pluie et effiloqué par le vent, pendait tristement le long de sa hampe retenue par un crampon de fer enfoncé dans la muraille.

Au-dessous du drapeau, et pour que nul n’ignorât la destination du bâtiment, on avait écrit en lettres d’un demi-pied:

QUARTIER DE CAVALERIE.

Devant la voûte, un factionnaire se promenait, le sabre au poing; sur le côté, à demi couché sur une des larges bornes de la porte, un sous-officier suivait d’un air distrait la fumée de sa cigarette; sous la voûte, deux soldats à cheval sur un banc battaient attentivement des cartes crasseuses.

—Allons, du courage, se dit Gédéon,—et d’un pas assez ferme il se dirigea vers la voûte.

Une première et cruelle déception l’attendait sur le seuil.

C’était l’heure des corvées du régiment. De tous côtés, le long des bâtiments et des écuries, des hommes allaient et venaient, les uns chargés de bottes de fourrage, les autres pliant sous le faix de lourdes civières de fumier, ou poussant devant eux des brouettes malpropres. Bon nombre, armés de balais de bouleau, faisaient la toilette des cours.

Tous ces hussards étaient en tenue d’écurie: un pantalon de toile écrue, et une petite veste écourtée. Quelques-uns étaient en manches de chemise, et quelles chemises! à rendre en noirceur des points aux Mystères d’Udolphe.

Pour coiffure, ils portaient d’atroces petites calottes d’un gris sale, bordées d’un galon vert. Tous avaient les pieds nus dans d’énormes sabots—escarpins en cuir de brouette—douillettement capitonnés de paille. Du reste, la plus grande activité.

Immobile, pétrifié sous la voûte d’entrée, Gédéon contemplait d’un œil morne ce spectacle qui renversait l’édifice de ses illusions.

—Eh quoi! se disait-il, ce sont là ces brillants hussards du 13e, si fiers sur leurs beaux chevaux! Quelle existence est la leur! Serai-je donc ainsi demain?

Il était sur le point de s’enfuir, lorsque le maréchal des logis, assis devant la porte, lui demanda poliment s’il attendait quelqu’un.

Gédéon aurait bien voulu répondre, mais il comprit que, s’il l’essayait, les sanglots qui l’étouffaient depuis un moment lui auraient vite coupé la parole.—Alors, Dieu sait, se dit-il, ce que pensera de moi ce militaire qui est mon supérieur. Un soldat pleurer! je serais déshonoré à tout jamais.

Sans mot dire il tira sa feuille de route et la présenta au sous-officier.

Gédéon crut s’apercevoir que la physionomie du maréchal des logis changeait soudainement d’expression; que d’insoucieusement joyeuse, elle devenait froide et méchante.

—Ah! vous êtes engagé volontaire, dit-il en ricanant; eh bien, vous pouvez vous flatter d’avoir une fière chance.

Puis avisant un fourrier qui sortait:

—Ohé! lui cria-t-il, voilà un hussard tout neuf, qui n’a jamais servi; dis-lui donc ce qu’il doit faire. Et poussant Gédéon: Allez donc, lui dit-il, vous présenter à l’intendance.

Gédéon suivit le fourrier, et, grâce à lui, eut bientôt terminé toutes les formalités de son admission au régiment.

Mais il était si troublé, qu’il n’entendit absolument rien de ce que lui dirent l’intendant, le chirurgien-major, un capitaine et un maréchal des logis chef, auxquels il fut successivement présenté.

En rentrant au quartier, et lorsque seulement il commençait à se remettre un peu, le complaisant fourrier fut obligé de lui répéter que désormais il faisait partie du 4e peloton du 1er escadron.

Gédéon et son guide traversaient alors un grand corridor étroit et sombre, aux murs horriblement maculés. Le fourrier ouvrit une porte, et poussant le nouveau hussard:

—Entrez, lui dit-il, voilà votre chambre.

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