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XIII

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Devant la cantine, le brigadier Goblot arrêta Gédéon, et d’une voix tout à la fois sévère et paternelle:

—Ouvrez l’œil et l’oreille, june homme, dit-il; tant que vous et moi boirons insensiblement, je condescends à ce que tu oublies mes galons. Il n’y aura plus un brigadier et un simple hussard, mais deux camarades et collègues. Qu’ainsi tu peux sans crainte être facétieux et familier, et même me tutoyer, ainsi que je t’en donne l’exemple.

—Croyez, brigadier, commença Gédéon...

—Silence dans le rang! Une fois dehors, par exemple, garde à vos! je ne te connais plus que pour te flanquer à l’ours. Et maintenant, place, repos!

On s’assit, et le brigadier Goblot, trouvant dans Gédéon un merveilleux auditeur, devint lui-même facétieux et communicatif.

—C’est pour te dire, june homme, qu’il ne faut pas te fâcher si je t’ai appelé bleu. Les nouveaux soldats ont ainsi une foule de surnoms, comme qui dirait pour marquer leur ignorance militaire; ainsi les pékins disent des conscrits, ce qui est une insulte.

—Vous croyez, brigadier?

—Du moment que je te le dis, moi ton supérieur, c’est que c’est vrai comme la théorie: tu comprends Bien que puisque les conscrits sont plus que les pékins, les pékins sont dans leur tort en les appelant conscrits.

Le colonel, dans les rapports, et quand il parle au régiment, les appelle jeunes soldats.

Le capitaine instructeur dit: des recrues.

Les fantassins ils leur donnent le nom de grivets.

Mais nous autres, hussards, nous disons des bleus, des blaireaux ou des bleus sous le ventre.

—Parbleu, dit Gédéon, je voudrais bien savoir pourquoi?

—Cela, june homme, est au-dessus de ta compétence. Quant aux engagés volontaires, qui arrivent mis en mylords, comme qui dirait toi, on les appelle Parisiens à gros bec; Parisiens, à cause de leur tenue soignée, et à gros bec, vu leur inducation et qu’ils savent causer.

—Parole d’honneur, s’écria le nouveau hussard, je la trouve superbe, votre étymologie.

—Suffit, dit le brigadier visiblement flatté, les femmes elles m’en ont toujours fait compliment. Mais pour en revenir aux bleus, il faut avouer qu’en commençant ils ont du trimage, vu qu’il est de leur compétence de faire toutes les corvées qui manquent d’agrément: on leur fait ainsi mordre au métier par le bout le plus dur. Donc, si j’étais de toi, je tâcherais de travailler chez le chef.

—Quel chef, brigadier?

—Le marchef, donc.

—Je vous avouerai que je ne comprends pas de qui vous parlez.

—Et vous avez été éduqué! mais allez donc demander ça au premier enfant de troupe venu! Le chef, mais c’est le maréchal des logis chef; seulement, pour économiser la salive, on dit le marchichef ou le marchef, ou simplement le chef. De même qu’on ne dit pas un maréchal des logis, mais un marchegis ou un marchis. Et maintenant, assez causé, vu que je suis de semaine.

Mais comment n’avoir pas pitié de l’ignorance d’un bleu! Sur les instances de Gédéon, le brigadier lui expliqua que, chaque semaine, à tour de rôle, un lieutenant, un maréchal des logis et un brigadier par escadron sont plus spécialement chargés de tous les détails du service.

Sur le dernier grade retombe naturellement le plus lourd du fardeau.

Le brigadier de semaine est donc l’homme le plus à plaindre du régiment. Il doit tout voir, tout entendre, tout savoir, faire exécuter les ordres, prévoir au besoin.

Hommes et chevaux sont sous sa responsabilité. Aux uns il fait donner l’avoine, aux autres distribuer la soupe. Couché le dernier, il doit être le premier debout.

—Ainsi moi, conclut le brigadier Goblot, j’ai pris l’habitude, afin d’être plus vite prêt, de ne pas me déshabiller tant que je suis de semaine. Tel que vous me voyez, il y a cinq jours que je n’ai tiré mes bottes. Ah! les premiers galons coûtent cher.

Et il sortit en courant, laissant Gédéon assez refroidi par cette confidence.

Le 13e Hussards, types, profils, esquisses et croquis militaires... á pied et á cheval

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