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Paris, 12 avril.

LA POLITIQUE EN CORSE

Table des matières

Tous les regards aujourd’hui sont tournés vers la Corse.

Cette terre originale, mal connue, souvent calomniée, captive une fois de plus l’imagination continentale. L’opinion publique, douloureusement suprise par l’assassinat politique d’un journaliste dans les rues d’Ajaccio, demande ce que deviennent les mœurs légendaires du pays de la vendetta. Elle sent, derrière ce crime, une terrible tension des relations sociales. Elle est saisie d’une profonde émotion devant la tombe de Saint-Elme et se refuse à n’y voir qu’un simple accident.

Le bons sens général ne s’égare point, bien qu’il ignore le détail des sinistres intrigues qui bouleversent cet infortuné département. Il existe des coupables puissants qui assument de lourdes responsabilités et qui doivent expier sans délai leur cynique exploitation de la politique corse. Il suffit de les montrer tels qu’ils agissent pour que leur condamnation soit irrémédiable.

Nous nous emploierons de toutes nos forces à précipiter ce dénouement, qui doit avoir la hauteur d’une sanction morale, l’impartialité d’un verdict judiciaire. Nous voulons surtout que l’indignation légitime, subitement soulevée, ne frappe point les innocents et les victimes.

Le peuple corse doit être défendu contre les insinuations malveillantes qui le représentent comme sanguinaire, barbare, affamé de violences. Si les défaillances de la justice ne surexcitaient pas les passions locales et n’entretenaient les haines, l’apaisement serait depuis longtemps définitif, même entre les familles insulaires; en tout cas, l’étranger passe et passera toujours, comme autrefois, religieusement respecté, entouré de tous les privilèges d’une admirable hospitalité.

Pour expliquer l’égorgement de Saint-Elme, il faut chercher ailleurs le mobile d’un acte inouï, qui répugne aux habitudes nationales, qui importe dans un centre civilisé, en plein dix-neuvième siècle, les féroces souvenirs des bravi génois du seizième.

La coterie opportuniste, qui profitait de l’indifférence parisienne, d’un éloignement propice pour accaparer l’influence locale, s’impose depuis quelques années par une pression administrative sans exemple, par des trafics sans pudeur, par des iniquités sans bornes. Mais ses favoris restent insatiables; ceux, au contraire, qu’elle élimine par la terreur et les exécutions sommaires sont poussés, naturellement, aux dernières limites de l’exaspération.

De là un véritable état de guerre, né de la rapacité des uns, de la misère sans recours des autres. Au moindre choc l’étincelle fatale peut jaillir; aux élections prochaines les coups de fusil partiront d’eux-mêmes si l’on n’y met bon ordre.

Ces colères accumulées ne pouvaient manquer de trouver un organe, de susciter un avocat: la vigueur de ses attaques était proportionnée à l’intensité du sentiment qui déborde d’Ajaccio à Bastia, de Calvi à Sartène.

Mais, en revanche, l’homme qui se chargeait de cette rude besogne, qui osait parler de nettoyer les écuries d’Augias, mettait ses adversaires au pied du mur; démasqués, ils ont perdu la prudence qui les caractérise parfois; ils ont oublié qu’on ne tue pas impunément sans que l’écho revienne par delà la Méditerranée. Nous ne prétendons point que tel personnage visé par le journal le Sampiero ait payé les sbires qui assommèrent Saint-Elme. Mais la provocation était dans l’air, mais la complicité satisfaite est indéniable.

J’ai eu récemment l’occasion de parcourir la Corse et je conserve vivace la triste impression du contraste qu’offre l’admirable beauté, la pittoresque variété de ses paysages avec l’oppression extraordinaire de ses habitants. Il semble que l’état de siège y soit perpétuel: les amis du pouvoir triomphent brutalement, et les vaincus ne reçoivent même plus le salut d’un ami, que cette hardiesse compromet. Le drame d’Ajaccio est la conséquence directe de cet épouvantable régime.

Il importe que la lumière soit projetée sur la Corse, trop longtemps écartée du mouvement français, laissée en proie à une poignée de politiciens faméliques, torturée sans que ses plaintes soient entendues ou comprises.

Cette campagne de divulgations si nécessaires, nous sommes résolus à l’entreprendre et, avec le concours généreux de l’honnêteté publique, nous espérons qu’une leçon éclatante sera infligée aux meneurs insulaires; ils n’échappaient au châtiment qu’à la faveur d’une obscurité habilement entretenue autour de leurs lointains exploits. Demain leur règne ne sera plus de ce monde.

La question corse

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