Читать книгу Les vrais mystères de Paris - Eugène François Vidocq - Страница 11

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Le malheureux domestique, qui se serait défendu avec courage s'il avait su avoir affaire à deux malfaiteurs, n'avait pas de force contre des esprits. Il perdit l'usage de ses sens.

Salvador et Duchemin se retirèrent sans rencontrer d'obstacles; mais par une fatalité singulière, le lendemain du jour où fut commis ce vol, les deux amis furent arrêtés, par un gendarme intelligent, au moment où ils allaient monter en diligence.

Traduits devant la cour d'assises d'Aix, ils furent condamnés tous deux à dix années de travaux forcés, et conduits au bagne de Toulon.

Lorsqu'un voleur, qui durant le cours de sa carrière s'est fait connaître par quelques action d'éclat, arrive au bagne, il a le droit que personne ne songe à lui contester de choisir la meilleure place du banc[191]; les braves garçons[192] lui apportent tous les petits objets qui sont nécessaires à un forçat; ils dégarnissent même leur serpentin[193] pour améliorer celui du nouveau venu.

Les argousins, dont depuis quelque temps on a fait des adjudants, ont pour ces hommes une sorte de respect et des égards qu'ils n'accordent pas aux forçats qui expient un crime de peu d'importance.

L'entrée de Duchemin et de Salvador dans la salle nº 3[194], fut saluée par d'unanimes acclamations; les forçats se cotisèrent, le vin coula à flots, chacun raconta son histoire, et comme on le pense bien, ce furent les plus criminels qui obtinrent les plus bruyants applaudissements.

Salvador, lorsque Duchemin eut raconté son histoire aux doyens de la salle nº 3, obtint une légère part de la considération que l'on accordait à son compagnon; on loua beaucoup surtout sa présence d'esprit et son courage dans la tentative de vol commise chez le banquier Carmagnola.

Les deux amis s'étaient procurés, aussitôt leur arrivée au bagne, tous les petits objets qui sont nécessaires à un forçat; ils s'étaient, en un mot, conduits comme des hommes résignés à subir une punition qu'ils reconnaissent avoir méritée; cependant telle n'était par leur intention; Duchemin portait sur lui une assez forte somme en billets de banque qu'il avait su soustraire à tous les regards, et comme au bagne aussi bien que partout ailleurs on trouve tout ce que l'on désire, lorsqu'on est en mesure de payer, il n'avait pas eu de peine à se procurer un de ces étuis de fer-blanc ou d'ivoire de quatre pouces de long sur environ douze lignes de diamètre qui peuvent contenir un passe-port, une scie et sa monture et auquel les voleurs ont donné le nom de bastrigue.

La jeunesse de Salvador, avait intéressé en sa faveur le commissaire du bagne, qui lui avait accordé une des places de sous-payot.

Les places de payot et de sous-payot, sont les plus belles et les plus lucratives de toutes celles qui peuvent être accordées aux forçats qui, par leur conduite ou leur éducation, se montrent dignes des faveurs de l'administration. Le payot, comme tous les autres sous-officiers de galère, est déferré et ne va pas à la fatigue[195]; mais il a de plus qu'eux, la permission de circuler librement dans l'intérieur du bague.

Duchemin et Salvador avaient tout préparé pour faciliter leur évasion, et ils attendaient avec patience un moment favorable, lorsqu'à des indices qui ne pouvaient échapper à des yeux aussi clairvoyants que ceux de Duchemin, ils s'aperçurent que leur projet avait été deviné par un de leurs compagnons d'infortune.

Duchemin n'avait pas obtenu les même faveurs que Salvador, il était accouplé et allait à la fatigue; son compagnon de chaîne, qui subissait une condamnation à cinq ans, était un homme de vingt-trois à vingt-cinq ans, fortement constitué, ses traits, d'une régularité parfaite, étaient empreints d'une remarquable expression de résolution: nous dirons les causes qui avaient amené au bagne de Toulon, cet homme qui doit jouer un rôle important dans la suite de cette histoire.

Les vrais mystères de Paris

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