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SIMULACRE D’ATTAQUE SUR LE RHIN.

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Table des matières

Après avoir traversé le délicieux jardin de l’Orangerie, l’un des plus riches et des mieux tenus qui existent, précédé de son escorte de cuirassiers. S. A. Impériale s’est rendue aux bords du Petit-Rhin, en passant sous un arc de triomphe construit par ces braves militaires qui se faisaient une fête de recevoir le chef de l’État.

Le Prince a mis aussitôt pied à terre et a pris place dans une tribune d’honneur où sont venus se grouper derrière lui les ministres, les sénateurs, les députés, les conseillers d’État, les généraux baron de Schramm et Lafontaine et les officiers généraux étrangers envoyés par leur gouvernement.

Madame la grande-duchesse Stéphanie de Bade s’était rendue à l’invitation du prince et se trouvait à côté de lui dans cette tribune, où étaient aussi M. le marquis de Douglas, MM. Engelhart, de Tallenay, le duc de Guiche et de Fénelon, ministres de France.

Une foule de dames appartenant à la plus haute société de Strasbourg étaient mêlées aux spectateurs. Elles ont témoigné de leurs vives sympathies pour Louis-Napoléon. Une pluie de bouquets est tombée à plusieurs reprises dans la tribune présidentielle.

Les pontonniers, en grande tenue, rangés en bataille, garnissent la rive droite du Petit-Rhin. Le clairon sonne; les hommes mettent sac à terre, déposent leurs armes et prennent la tenue de travail; ils se préparent rapidement à exécuter les manœuvres les plus ordinaires de cette arme, si utile à nos armées en campagne.

La rive droite est occupée par les troupes ennemies.

Un radeau construit à la hâte, sur lequel sont déposés les armes et les vêlements de quinze pontonniers, est bien vite mis à l’eau. Le même nombre d’hommes passe à la nage, s’embusque dans les roseaux et ne tarde pas à engager le feu avec les tirailleurs ennemis.

Cinq bateaux, formant flottille, reçoivent chacun vingt soldats et poussent au large, avec armes et bagages, pour gagner la rive droite. Mais, accueillis par un feu vif, ils sont bientôt forcés de virer de bord et de revenir appoint de départ.

A cet instant, le feu de deux batteries, situées aux deux extrémités de la ligne d’opération, attaque avec force; la berge de la rive droite se garnit de tirailleurs qui protégent les opérations de la flottille. Elle se remet en marche et parvient à effectuer son débarquement.

Les tirailleurs ennemis commencent un mouvement de retraite. Un pont de bateaux, composé de dix-neuf bateaux pontés, a été construit à l’avance en aval du point d’opération. Deux compagnies d’élite du 7e léger sont engagées sur ce pont qui est jeté par conversion en moins de cinq minutes. Le courant rapide du fleuve a déterminé la promptitude de ce mouvement. La culée de droite n’est pas encore achevée, que les tirailleurs ont quitté le pont pour occuper la berge ennemie.

Le feu a cessé sur toute la rive gauche. Le pont de radeaux se construit, et les pontonniers, semblables à une fourmilière, ont bientôt complété le tablier, qui permet à un bataillon d’infanterie de passer au pas de course. Une portion des travailleurs, pendant ce temps, n’était pas restée inactive; la traille et le pont volant avaient été mis en état, la traille, de passer cent hommes d’une rive à l’autre, le pont volant, de faire passer une section d’artillerie avec ses attelages et tous ses servants.

La rive droite est occupée et le feu de toute la ligne assure le débarquement de nos troupes.

La section d’artillerie est bientôt en batterie sur le point culminant de la digue, et en quelques instants, le feu de la mitraille a pour toujours réduit à l’impuissance les tentatives de l’ennemi.

Le mouvement militaire est achevé. L’île des Épis, comprise entre les deux Rhins, étant en notre pouvoir, les troupes peuvent exécuter leur mouvement de retraite.

Le clairon se fait entendre, les feux sont éteints, le bataillon de droite opère sa retraite par le pont de bateaux et exécute son mouvement par l’aile droite, toute sa ligne pouvant protéger ce mouvement.

Le bataillon de gauche a bientôt franchi le radeau en faisant le mouvement symétrique par l’aile gauche.

A peine le dernier voltigeur du bataillon de droite est-il entré sur le pont de bateaux que le feu ennemi se fait entendre au loin et que la faiblesse des troupes disponibles nous force d’abandonner la position. Le pont va se reployer comme il a été construit. Les amarres sont coupées vers la rive droite, et en quelques minutes l’ennemi vient aborder la rive gauche. Le bataillon, toujours sur le pont, entame un feu de tirailleurs qui permet le mouvement de retraite du bataillon de gauche par le pont de bateaux, qui se déploie par partie, pendant que le pont volant a rembarqué la section qui, revenue à la rive, ouvre de nouveau son feu.

Le feu cesse, l’engagement est supposé fini, les troupes, déployées sur la rive gauche, présentent les armes, faisant face au Prince président.

Les cris de Vive Napoléon! Vive l’Empereur! poussés par la troupe, répondent aux acclamations unanimes du nombreux public des tribunes.

Sur le terrain même des manœuvres, le Prince remet lui-même la croix d’officier de la Légion d’honneur à M. le colonel Pradal et à M. le lieutenant-colonel Perrin, tous deux à la tête du corps des pontonniers, qui, sous leur direction intelligente et pratique, ne peut que dépasser la réputation dont il jouit à juste titre, réputation méritée par ses beaux travaux dans les guerres de l’Empire, et particulièrement à l’île Lobau, aux passages du Danube et de la Bérésina.

Cette première partie des manœuvres s’était accomplie sur le Petit-Rhin, qui n’est, comme on sait, qu’un Bras du Rhin. Aussi, le peu de largeur du diminutif du grand fleuve, la moyenne de vitesse d’un mètre quatre-vingt centimètres par seconde, la facilité des abords, donnaient au tableau un cadre dont les proportions n’étaient pas en rapport avec l’importance vraie du travail des pontonniers.

Une seconde attaque devait avoir lieu sur le Grand-Rhin.

Le Prince monte à cheval, et, accompagné d’un cortége accru d’un grand nombre de cavaliers qui avaient assisté à l’opération précédente, il se rend, en suivant la digue, au pont du Grand-Rhin, communication directe de la France à l’Allemagne par le grand-duché de Bade et la ville de Khel.

S. A. Impériale met pied à terre sur le pont du Rhin et monte avec M. le ministre de la guerre et d’autres généraux sur une estrade pontée, placée dans l’axe de ce fleuve imposant.

La rive gauche est garnie de nombreuses tribunes que des toilettes étincelantes viennent embellir, et des vivats frénétiques répondent aux cris de la population hadoise qui occupe la rive opposée.

Les pontonniers, comme au Petit-Rhin, sont en bataille, le sac au dos. Quelques minutes suffisent pour prendre la tenue de travail (veste et pantalon de coutil). A cette époque de l’année, le fleuve, grossi par la fonte des neiges, est d’un aspect grandiose qu’aucun des fleuves de la France ne saurait donner.

La vitesse du courant est de trois mètres vingt centimètres par seconde; le premier bateau est lancé et file sur la ligne. L’établissement de la culée vers la rive gauche n’est que l’affaire de quelques instants.

Les bateaux, successivement lancés, gagnent le large; leurs ancres mouillées parallèlement à la direction du pont permanent, ils gagnent la place qu’ils doivent occuper dans ce pont construit par bateaux successifs, et trente-neuf bateaux, rangés tour à tour sur un alignement parfait, sont bientôt couverts des poutrelles d’abord, des madriers ensuite. Le guindage terminé, le pont peut donner passage aux troupes de toutes armes et au matériel le plus lourd de l’artillerie.

Alors s’offre un spectacle nouveau.

Le Rhin, dans la plus grande partie de son cours, est sillonné par des bateaux légers et fragiles appelés vindelings. Une seule rame est dans les mains du batelier. Force et adresse, tels sont les moyens à sa disposition pour le passage sous le pont. Le Vindelings, monté par un seul batelier, armé de sa rame, se met en mouvement, prend le fil de l’eau dans sa plus grande vitesse, et doit arriver entre deux bateaux qui ont été signalés à l’avance, passer sous le tablier du pont, qui n’est élevé au-dessus du niveau de l’eau que de soixante centimètres environ. Le bateau doit passer droit, sans toucher les deux bateaux désignés à bâbord et à tribord, et regagner la rive par le chemin le plus court.

Cette frêle barque, ce nautonier seul, cette rame unique, offrent à l’œil un tableau curieux dont le pont et les rives du Rhin forment le cadre.

Le pontonnier, à quelques mètres du pont, disparaît subitement et se couche à plat ventre dans son bateau; il se redresse dès que la liberté de ses mouvements lui est rendue, pour regagner la rive désignée. Cette manœuvre n’est pas sans danger, et, aujourd’hui comme toujours, l’adresse des pontonniers a pu être appréciée par une multitude de spectateurs émerveillés.

Le Prince Impérial, sur son estrade pontée, que le goût des pontonniers avait ornée d’attributs figurant les instruments de toute sorte employés dans les travaux de cette arme, a pu jouir du magnifique spectacle qui lui était offert. Trente-neuf bateaux pontés étaient placés, les madriers posés, les culées nivelées; quarante-cinq minutes avaient suffi pour ce beau travail.

La garnison de Khel était au complet sous les armes; les autorités badoises attendaient le Prince sur la rive droite du Rhin. Il a bientôt descendu de son estrade, et, franchissant la moitié du pont permanent, il est allé à cheval avec les ministres et son cortége remercier les autorités badoises de l’accueil courtois qu’il avait reçu de leur part.

Les Badois ont répondu à cette démarche du chef de l’État par des acclamations mille fois réitérées.

Les manœuvres militaires étaient alors terminées. Le Prince devait rentrer à Strasbourg par la porte d’Austerlitz. Il suivait la route de Vienne, riante avenue sur laquelle se déployait en bataille le 4e cuirassiers. Après avoir passé devant le monument de Desaix, élevé en mémoire de ce héros par l’armée du Rhin, souvenir d’une glorieuse époque, il franchit le Petit-Rhin, devant la douane française occupée par les troupes de cette administration.

Ici, nous rencontrons le 5e de lanciers, formé en bataille, sa droite appuyée à la douane même. La route s’est élargie, l’allure devient plus vive, et quelques minutes suffisent pour rentrer en ville.

La porte d’Austerlitz et son double pont-levis sont franchis. On laisse sur la droite le quartier du même nom occupé par l’artillerie. L’Ill est traversée. L’avant-garde s’engage dans l’artère principale de la ville, passe devant la statue de Guttemberg, cette illustration de Strasbourg que Mayence réclame. Nous arrivons sur la place d’armes, où notre gloire militaire est représentée dans la personne de Kléber. C’est aux pieds de ce grand homme, qui a électrisé tant de cœurs militaires, que tout récemment les troupes de la sixième division militaire recevaient, de la main du général de Waldener, les aigles qui doivent conduire nos jeunes légions sur la trace de ces vieux bataillons qui ont fait la gloire de l’Empire.

Enfin voici le Broglie. C’est la principale place de Strasbourg. Elle est décorée avec un goût exquis qui fait honneur à l’autorité municipale strasbourgeoise. L’hôtel de ville, le théâtre, tous les édifices publics et les maisons particulières offrent le plus gracieux coup d’oeil.

C’est au milieu du plus vif enthousiasme que les opérations militaires se sont accomplies. Sur la route, en ville, partout les acclamations les plus chaleureuses ont éclaté à la vue du chef de l’État qui est rentré à une heure à la préfecture.

Les quinze pontonniers qui ont si habilement exécuté la manœuvre du passage au Grand-Rhin ont été présentés au Prince ce soir, par M. le général comte de Waldener; chacun d’eux a reçu de la main du Prince une montre en argent à cylindre, et l’officier commandant de la flottille de défense une montre en or à cylindre du plus grand prix. Une somme a été donnée au commandant pour être distribuée aux autres hommes qui se sont distingués dans ce simulacre d’opération.

Voyage de Sa Majesté Napoléon III, empereur des Français

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