Читать книгу Voyage de Sa Majesté Napoléon III, empereur des Français - F. Carrel Laurent - Страница 9

DÉPART DE PARIS. — ARRIVÉE A BAR-LE-DUC.

Оглавление

Table des matières

Bar-le-Duc, 17 juillet 1852.

Je vous écris au milieu du bruit des ovations. La population de Bar-le-Duc a fait au Prince l’accueil le plus sympathique. Tout le monde est dehors. Sur toutes les figures se lit l’expression de la confiance et de la joie. Voilà une véritable et grande fête nationale.

Autrefois de tels enthousiasmes n’éclataient qu’à l’occasion d’une victoire remportée sur l’ennemi. C’est alors que les arcs de triomphe s’élevaient, que les maisons se pavoisaient, que les canons grondaient, que les flots des populations inondaient les rues et les places, que la religion faisait appel à toutes ces pompes! Fêtes éclatantes, mais en même temps funèbres! car, à côté des joies publiques, il y avait la tristesse des familles; à côté des enivrements du triomphe, il y avait les larmes versées sur les victimes que gardaient les champs ,de bataille!

C’est aussi une véritable victoire que l’on fête aujourd’hui, mais une victoire féconde, qui ne coûte rien à l’humanité et qui lui fait faire un grand pas vers son affranchissement, victoire pacifique, remportée par l’industrie sur la nature. Après sept années de travaux opiniâtres, la Seine unie au Rhin, la frontière d’Allemagne mise aux portes de Paris, le réseau des chemins de fer français enrichi d’une ligne de six cents kilomètres qui l’unit directement au grand réseau de la Confédération germanique; les Vosges franchies; des obstacles formidables surmontés; tant et de si belles provinces, si diverses par leurs productions et par leurs mœurs, mises à quelques heures les unes des autres et de la capitale; des débouchés nouveaux ouverts au commerce; tout un avenir d’activité industrielle que commence cette voie puissante de communication: voilà ce que l’on fête dans l’inauguration du chemin de fer de Strasbourg.

Il y a quelques jours à peine on ne pensait pas que ce grand travail pût être si promptement terminé. Le 19 juin dernier, MM. les ingénieurs de l’État avaient examiné les travaux, et ils pensaient qu’ils ne pourraient être achevés avant le 15 août prochain. Le Prince-Président a désiré que l’inauguration fût avancée, et ses désirs ont été merveilleusement accomplis.

Dans les trois dernières semaines, les travaux ont été poussés avec une incroyable activité. Les ingénieurs des ponts et chaussées, les officiers du génie militaire, chargés du percement des remparts de Strasbourg, les administrateurs et les employés de la compagnie, tous ont rivalisé de zèle et d’ardeur.

Ce qui paraissait d’abord impossible a été fait. Le Prince-Président semble avoir résolu de prouver ce que peut une volonté ferme, et apporter dans ces luttes du travail, véritables campagnes de la paix, quelque chose de cette énergie et de cette rapidité de conception et d’exécution que l’Empereur apportait dans les batailles.

Ce matin, dès huit heures, les préparatifs étaient faits à l’embarcadère de Strasbourg.

La gare et ses avenues étaient élégamment décorées. Des mâts pavoisés faisaient flotter sur la place leurs banderoles aux couleurs nationales. La magnifique façade de l’édifice était ornée de drapeaux attachés en faisceaux et d’écussons aux armes de Louis-Napoléon.

La galerie qui conduit au salon de réception était garnie d’arbustes et de fleurs, de guirlandes et de trophées.

Le salon présentait l’aspect le plus riche et le plus pittoresque. Des fleurs couvraient les murs. De grandes bannières vertes étoilées d’or et portant le chiffre de S. A. Impériale étaient placées aux quatre coins. A l’une des extrémités se trouvait le buste du Prince; à l’autre, une aigle d’or aux ailes déployées sortait d’un buisson de fleurs.

Une foule considérable se pressait sur la place et dans les rues que devait parcourir S. A. Impériale. Deux bataillons du 33e de ligne, colonel en tête, étaient rangés eu bataille aux abords de la gare.

A huit heures, tous les ministres, M. Baroche, président, du Conseil d’État, en costume, M. le général Magnan, commandant en chef de l’armée de Paris, M. le préfet de la Seine, M. le préfet de police, et un nombreux cortège de sénateurs, de députés, de conseillers d’État, de magistrats et de hauts fonctionnaires, étaient réunis dans la gare. L’honorable M. Lefebvre-Duruflé, ministre des travaux publics, accompagné de M. Thil, chef de son cabinet, et de plusieurs membres du conseil général des ponts et chaussées, s’était assuré dès le matin que toutes les dispositions étaient prises pour le voyage impérial.

Bientôt le Prince est arrivé dans une élégante calèche découverte, attelée de quatre chevaux, conduite à la Daumont par des jockeys portant la livrée verte et or et escortée d’un détachement de carabiniers. Dans la rue Charonne, où la foule était compacte, S. A. Impériale a donné l’ordre d’aller au pas. Elle a été accueillie par les cris mille fois répétés de: Vive Napoléon! vive le Président!

Le Prince était en uniforme de général de division et portait le grand cordon de la Légion d’honneur. Il était accompagné do M. le général comte Roguet, commandant la maison militaire de S. A. Impériale; des généraux Canrobert, de Goyon, ses aides de camp; du colonel de Béville, préfet du palais; du colonel Fleury, premier écuyer; de M. Mocquard, chef de son cabinet; de plusieurs officiers d’ordonnance et du docteur Conneau, son médecin.

En descendant de voiture, il a été reçu par le conseil d’administration de la Compagnie, ayant à sa tète M. le comte de Ségur, ancien pair de France, son président, et immédiatement conduit dans le salon disposé pour la solennité.

A son entrée dans la gare, la musique du 33e de ligne, placée dans les galeries, a exécuté l’air de la reine Hortense: Partant pour la Syrie.

S. A. Impériale, accompagnée du ministre des travaux publics et des membres du conseil d’administration, a examiné, avec un vif intérêt, ce bel édifice; et, après s’être entretenue avec M. le ministre de l’intérieur, elle est montée dans le wagon d’honneur, élégamment décoré pour cette fête. Les ministres et les hauts fonctionnaires qui ne faisaient pas partie du voyage se tenaient devant le wagon Impérial, où ont pris place quatre ministres: M. le général de Saint-Arnaud, ministre de la guerre; M. Lefebvre-Duruflé, ministre des travaux public; M. Turgot, ministre des affaires étrangères; M. Bineau, ministre des finances, et M. le comte de Ségur, président du conseil d’administration de la Compagnie.

M. le général comte Roguet; les généraux Canrobert, de Goyon et de Lourmel; le colonel de Béville, le colonel Fleury; le commandant de Toulongeon, le capitaine Tascher de la Pagerie, officiers d’ordonnance; M. Mocquard, chef du cabinet; M. le docteur Conneau, député ; M. Thil, chef du cabinet du ministre des travaux publics; les aides de camp et le sous-chef du cabinet du ministre de la guerre, M. de Lépine; le commandant de Castagny, du 6e bataillon de chasseurs; Déplace, chef d’escadron, ont pris simultanément les places réservées dans les wagons numérotés de A à G. Par cette prudente mesure d’ordre, chacun des invités a trouvé sa place sans confusion et immédiatement.

Parmi les invités qui ont pris place dans les autres wagons du train Impérial, nous avons remarqué M. le général d’Haut-poul, grand référendaire; M. Lacrosse, secrétaire du Sénat; MM. Achille Fould, ancien ministre; les généraux Schramm, Lyautey, Allard, ce dernier conseiller d’État; Amédée Thayer; Dumas, ancien ministre; M. Heeckeren, ancien représentant; Schneider, vice-président du Corps législatif; Fouché-Le-pelletier, Eschasseriaux, Dugas, Hébert, le général Wast-Vimeux, Migeon, le baron Hallez-Claparède, le général Petiet, députés; Tourangin, Leroy-Saint-Arnaud, Denjoy, Frémy, conseillers d’État; Thierry, maître des requêtes; Delangle, procureur général de la cour de cassation; Chevreau, secrétaire général du ministère de l’intérieur; Blanche, secrétaire général du ministère d’État; le colonel Bouffet-Montauban, Le-pelletier-d’Aunay, Samson-Davillers; le général Piobert, membre de l’Institut; Combes, inspecteur général des mines; Poirée; inspecteur général; Schwilgué, de Sermet, inspecteurs divisionnaires des ponts et chaussées; Regnault, membre de l’Institut, ingénieur en chef des mines; Lordeux, ingénieur en chef des mines; Chatelus, ingénieur en chef et chef de la division des chemins de fer; de Franqueville, ingénieur en chef des ponts et chaussées, chef de la division de la navigation; Lechâtellier, ingénieur en chef des mines, chargé du contrôle des chemins de fer; Hachette, ingénieur des ponts et chaussées; Sazilly, id., et Lami-Fleury (des mines).

Les administrations des Compagnies de chemins de fer étaient représentées par l’élite de leurs chefs.

M. Délebecque et M. Émile Péreire représentaient la Compagnie du Nord;

MM. le baron Paul de Richemond, député, et Marc, celle d’Orléans et du Centre;

M. de l’Espée, celle de Rouen;

M. l’ingénieur en chef Baude et M. Courpon, celle de l’Ouest.

M. Isaac Péreire, celle de Saint-Germain;

MM. Girard et de la Gravière, celle de Strasbourg à Bâle.

Parmi les étrangers de distinction, nous avons remarqué les jeunes princes Stir-Bey, fils du prince régnant de Valachie, et MM. Fairbain et David Salomons, ex-membres de la Chambre des communes.

Un grand nombre de journalistes français et de correspondants anglais avaient été invités.

Ainsi, la politique, la magistrature, l’armée, l’administration, l’industrie, les arts, les sciences, la littérature, la presse, le commerce, se trouvaient représentés.

En partant, S. A. Impériale a pris congé de MM. les ministres de la justice, de l’intérieur, de l’instruction publique, de la marine et de la police générale, qui restent à Paris.

Le convoi, outre le wagon d’honneur du Prince, se composait de dix voitures de première classé, toutes neuves. Le tender et la locomotive étaient pavoisés d’aigles et de drapeaux aux couleurs nationales.

Le signal du départ étant donné, le train s’élance à toute vapeur, conduit par M. Edwards, ingénieur en chef du matériel, auprès duquel se trouvaient MM. Hallopeau, chef de l’exploitation, et Grenier, inspecteur principal de la voie.

Je ne ferai pas la description des contrées que traverse la voie ferrée jusqu’à Bar-le-Duc. Cette partie du chemin est depuis longtemps livrée à la circulation.

La section de Paris à Meaux a été inaugurée le 10 juillet 1849;

Celle de Meaux à Épernay, le 21 septembre de la même année;

Celle d’Épernay à Châlons-sur-Marne, le 10 novembre suivant;

Celle de Châlons à Vitry-le-Français, le 5 septembre 1850;

Celle de Vitry à Bar-le-Duc, le 29 mai 1851.

La section que l’on inaugure aujourd’hui est celle de Nancy à Sarrebourg, qui, avec la section de Sarrebourg à Strasbourg; inaugurée depuis le 29 mai 1851, termine la grande ligne de Paris à Strasbourg.

Je ne vous parlerai donc ni de la charmante vallée de la Marne, que l’on suit pendant les deux cents kilomètres qui séparent Paris de Vitry-le-Français; ni de la vieille basilique de Meaux, qui possède la tombe de Bossuet; ni de Château-Thierry, où naquit la Fontaine, cet autre génie du grand siècle; ni des admirables vignobles d’Epernay, cette jolie ville, riche de deux souvenirs historiques, celui de Henri IV, qui y entra en vainqueur en 1592, et celui de Napoléon, qui s’y reposa un instant dans la maison de M. Moet, à l’époque de la bataille de Montmirail; ni de Châlons, assise sur ses trois rivières et entourée de ses vertes prairies; ni de Vitry-le-Français, qui garde toujours le nom de son fondateur le roi François Ier; ni de l’aspect pittoresque et enchanteur de Bar-le-Duc.

C’est à la station de Meaux que S. A. Impériale devait s’arrêter pendant quelques minutes.

M. A. de Magnitot, préfet de Seine-et-Marne, avait annoncé le voyage Impérial aux habitants de ce département, par la proclamation suivante:

«Habitants de Seine-et-Marne!

«Les nouvelles qui parviennent des départements annoncent que de tous les côtés le Prince-Président a été accueilli dans son voyage par les sympathies les plus vives et les plus universelles.

«Cet élan et cet enthousiasme, il les avait rencontrés tout d’abord dans le département de Seine-et-Marne, où nos populations, si dévouées, se sont empressées les premières de lui porter leurs hommages et leurs respects.

«A Meaux et à la Ferté-sous-Jouarre, les autorités civiles et militaires du département; le clergé, ayant monseigneur l’Évêque à sa tête; le Conseil général, les fonctionnaires et les agents des diverses administrations, ont eu l’honneur de le recevoir et de le complimenter.

«Dans ces mêmes localités, plus de cinq cents maires ou adjoints, représentant plus particulièrement les arrondissements de Meaux et de Coulommiers; huit cents pompiers venus de loin, malgré les travaux pressants de la moisson; et, à la Ferté, les braves ouvriers de notre industrie meulière, n’avaient pu résister au bonheur de venir saluer le chef de l’État de leurs cordiales acclamations.

«J’ai été assez heureux pour recueillir, à plusieurs reprises, le témoignage de la haute satisfaction du Prince et celui des regrets qu’il éprouvait de ne pouvoir rester plus longtemps au milieu de nos populations; c’est un devoir pour moi de vous les transmettre en son nom.

«A la Ferté-sous-Jouarre, un pieux incident s’est produit; il intéresse et honore le département tout entier, Je dois vous le faire connaître:

«Sœur Hélène, supérieure de l’hospice de Jouarre, a consacré

«sa vie, depuis cinquante et un ans, au culte de Dieu et à la pratique

«de la charité. Dans ce long intervalle, il n’est pas un pauvre

«autour d’elle qu’elle n’ait secouru, pas de souffrances qu’elle

«n’ait soulagées. Le modeste hospice qu’elle avait trouvé dénué

«de toutes ressources, il y a cinquante ans, est aujourd’hui,

«grâce à ses soins, grâce au zèle le plus évangélique que la

«charité puisse inspirer, un établissement où le bien se fait et se

«multiplie avec d’inépuisables largesses, où de nombreuses jeunes

«filles reçoivent en outre, gratuitement, les bienfaits d’une éducation

«chrétienne et religieuse.»

«Le Prince ne pouvait et ne devait ignorer tant de pieux efforts et de si heureux résultats. Il les a récompensés en donnant à la sœur Hélène la croix de la Légion d’honneur.

«L’effet produit par cette haute distinction a été des plus vifs et des plus attendrissant; car, lorsque nous avons vu le Chef de l’État attacher de ses mains le signe éclatant de l’honneur sur le noble cœur de sœur Hélène, tous, nous avons compris qu’en récompensant l’humble et modeste sœur de charité il avait voulu saisir, avant tout, cette nouvelle occasion de rendre hommage aux principes que son gouvernement proclame chaque jour avec énergie, et de glorifier les vertus que lui-même recherche et récompense avec tant de sollicitude.

«Quelques moments après, le Prince Louis-Napoléon accordait la même distinction à deux de mes dignes collaborateurs, magistrats éprouvés par la lutte et par le dévouement. Ces nouvelles faveurs ont été sanctionnées à l’instant même par l’enthousiasme général.

«Comme chef de ce département, j’ai été fier et heureux de ces récompenses aussi dignement placées. Elles honorent assurément ceux qui les ont méritées; mais elles honorent et font bénir le Prince qui sait les distribuer avec tant de discernement.

«Habitants de Seine-et-Marne, en portant ces faits à votre connaissance, j’ai voulu que ceux qui n’ont pas eu le bonheur d’en être les témoins n’y restassent pas complétement étrangers; j’ai trouvé cette occasion toute naturelle de remercier publiquement ceux d’entre vous qui sont venus en aussi grand nombre se presser sur les pas du Prince, et lui apporter l’hommage de leur respectueuse sympathie. Enfin, j’ai voulu vous mettre tous à même de tirer un grand enseignement de ce spectacle du chef de l’État, acclamé avec tant d’élan par les populations qui lui ont confié naguère les destinées de la France, et répondant aujourd’hui à cette même confiance en assurant la prospérité du pays, en honorant les services rendus et en récompensant la vertu.»

Les populations de Seine-et-Marne avaient répondu à l’appel de leur habile et intelligent préfet. Elles étaient venues toute la nuit de tous les points du département, précédées des maires, des conseillers municipaux; et la plupart des communes avaient à leur tète leurs curés et desservants.

Dès sept heures du matin, les membres du clergé des paroisses, les maires, les autorités des cantons, et leurs habitants, avec leurs bannières, se massaient aux abords de la gare, tous animés du même sentiment d’enthousiasme et de patriotisme.

M. de Magnitot est arrivé à la gare avec M. de Sorbier de Pougnadoresse, sous-préfet de l’arrondissement de Meaux, et M. Roy, sous-préfet de Coulommiers, et suivi des membres des tribunaux, des juges de paix, tous en robes; du général commandant le département, des colonels des 6e et 7e cuirassiers, du corps d’officiers, et d’un nombreux cortége de fonctionnaires.

A l’approche du convoi Impérial, un cri unanime, spontané, a retenti de toutes parts: Vive Napoléon! vive l’Empereur! C’est le signal des acclamations qui doivent accueillir S. A. Impériale sur toute la ligne.

M. le préfet s’est approché du wagon Impérial, et a adressé au Prince quelques paroles de bienvenue.

A sa descente du wagon, S. A. Impériale a été haranguée par M. le maire de la ville de Meaux, entouré de ses adjoints et du conseil municipal. Les acclamations ont redoublé lorsque le Prince a passé devant le front de la garde nationale et des troupes réunies sur un vaste terrain derrière les bâtiments du chemin de fer.

La ville a une physionomie de fête. La gare est transformée en une vaste tente décorée de guirlandes de chêne et de fleurs. Des faisceaux d’armes et de drapeaux aux couleurs nationales entourent le buste de Louis-Napoléon. Les armes du chef de l’État sont encadrées en lettres d’or, et, à chaque pas, sont des écussons portant L. N. Des piquets des 6e et 7e cuirassiers forment la haie. La musique de la ville fait retentir ses fanfares joyeuses. Sa petite artillerie gronde de toutes ses forces, et le carillon de la vieille basilique se mêle aux éclats du canon. Monseigneur l’évêque de Meaux et son clergé sont au milieu des autorités, qui se pressent pour rendre hommage au chef de l’État.

Plusieurs allocutions sont adressées au Prince. Monseigneur l’évêque de Meaux, arrivé la veille de Rome, a dit:

«J’arrive de Rome, monseigneur, et le Saint-Père m’a exprimé combien il était heureux des sentiments qui animent votre gouvernement, et de la situation actuelle de la France.»

S. A. impériale a remis plusieurs décorations. M. Delzant, major du 7e cuirassiers, a reçu la croix d’officier.

Au bout de vingt minutes, le convoi s’est remis en marche. M. le préfet de Seine-et-Marne a eu l’honneur de prendre place dans le wagon Impérial.

A la Ferté-sous-Jouarre, une population compacte a salué le Prince des cris de: Vive Napoléon! Vive l’Empereur! Les autorités s’unissaient à la foule dans ces manifestations patriotiques en faveur de l’Élu de sept millions cinq cent mille suffrages.

Le Prince a été reçu par l’autorité municipale, entourée du clergé, des religieuses de Saint-Vincent-de-Paul et des juges de paix des cantons voisins.

Sœur Hélène, supérieure de l’hospice de Jouarre, qui a consacré sa vie, depuis cinquante et un ans, au culte de Dieu et à la pratique de la charité, a reçu des mains de S. A. Impériale la croix de la Légion d’honneur. Ce pieux incident a produit un effet des plus vifs et des plus attendrissants. Lorsqu’on a vu le chef de l’État attacher de ses mains le signe éclatant de l’honneur sur la noble poitrine de sœur Hélène, on a compris qu’en récompensant l’humble et modeste sœur de charité il avait voulu avant tout saisir cette nouvelle occasion de rendre hommage aux principes que son gouvernement proclame chaque jour avec énergie et de glorifier les vertus que lui-même recherche avec tant de sollicitude.

Aussi les acclamations ont-elles éclaté avec transport quand S. A. Impériale est remontée dans son wagon.

A quelques minutes de cette station se trouve le souterrain de Nanteuil.

C’est dans cette construction que dix-neuf ouvriers ont été engloutis pendant treize jours. On les a fait vivre, pendant ce temps, en leur faisant passer des provisions par la rigole d’écoulement qui n’avait pas été envahie par l’éboulement. Bien des larmes de mères de famille ont arrosé cette terre. La Providence a exaucé leurs vœux.

A Château-Thierry, foule, empressement, vivats.

M. Beaumont-Vassy, préfet de l’Aisne, remplace M. le préfet de Magnitot. Le Prince remet la médaille militaire à deux gendarmes, l’un de la résidence de Montreuil-aux-Lierres, et l’autre de Condé-sur-Brie.

M. Boselli, préfet de la Marne, vient recevoir le Prince à Épernay et prend place dans le wagon impérial.

En quelques instants nous arrivons aux coteaux renommés d’Aï, de Sillery, de Bausy, et à Épernay, où l’on s’arrête un instant.

Mêmes acclamations, même empressement.

Après une revue des troupes, la médaille militaire est remise à un gendarme de la résidence de Poissesse.

C’est près d’Épernay qu’est le point de départ de l’embranchement sur Reims, dont l’exécution présente de grandes difficultés. Quoiqu’il n’ait qu’un développement de trente et un kilomètres, la dépense est évaluée à quatorze millions, dont neuf millions sont affectés à un tunnel de deux mille neuf cents mètres de longueur. Quelle que soit l’habileté des dispositions prises, quelle que soit l’activité qui est déployée, on ne peut espérer que cet embranchement soit livré avant 1854.

A Châlons, les abords de la station sont gardés par deux bataillons du 9e de ligne et par le 9e régiment de chasseurs à cheval. Nous retrouvons là le vénérable évêque dont la voix onctueuse avait saisi si vivement l’auditoire le jour de l’inauguration du chemin. C’est monseigneur de Prilly, ancien officier de cavalerie. Le prince vient à la rencontre du vénérable prélat et lui donne le bras pour l’aider à monter les degrés qui conduisent à la tente où sont réunies les autorités. Les cris de Vive Napoléon! retentissent à l’envi.

Deux arcs de triomphe sont élevés; ils sont d’un dessin charmant et d’une grande richesse. Des corbeilles de fleurs sont offertes au prince par de jolies demoiselles vêtues de blanc. - Son Altesse a accueilli cet hommage avec une affabilité qui a pénétré tous les cœurs. Les troupes ont été passées en revue; puis, le Prince a remis les insignes de la Légion d’honneur à un capitaine du 9e léger, M. Picamil; à M. Guérard, capitaine du 9e chasseurs; à M. Debar, maréchal des logis, et à M. Barbier, chef de bataillon du 9e léger; à M. Prevost, secrétaire-archiviste de la préfecture, et à M. Boullero, portier-consigne. Des médailles militaires ont été remises à MM. Casavielle, sergent au 9e léger, Godebert, trompette au 9e chasseurs.

Continuant sa marche, la locomotive nous conduit à Vitry-le-Français. C’est près de là, à Blesme, que se rattachera l’embranchement de Saint-Dizier à Gray. Les ouvriers sont à l’œuvre.

M. A. Langlet, préfet de la Meuse, remplace dans le wagon d’honneur le préfet de la Marne à la limite de ce département.

La première traversée du canal de la Marne au Rhin a lieu à peu de distance de la station de Sermaize. L’établissement thermal qui est près de là, et qui a été récemment inauguré par les préfets de la Marne et de la Meuse, est fort remarquable.

Enfin, nous arrivons à Bar-le-Duc après avoir traversé mu-seconde fois le canal de la Marne au Rhin.

Un accueil enthousiaste attendait le Prince dans cette antique cité. Des arcs de triomphe s’élevaient, chaque maison était pavoisée, la foule abondait dans les avenues de la gare, les rues étaient décorées de plantations improvisées et de guirlandes de feuillages.

A l’arrivée du Prince, qui a été reçu par les autorités, cent jeunes filles de la ville, vêtues de blanc, viennent lui offrir des fleurs. S. A. Impériale se rend à la préfecture au milieu des plus vives acclamations. Toutes les fenêtres sont chargées de spectateurs et de spectatrices aux jolies figures, aux élégantes toilettes. A quelques pas de la préfecture, un homme de le campagne, écartant la foule avec une force musculaire extraordinaire, s’est approché du Prince qui s’est arrêté pour entendre ce paysan. Celui-ci, découvert et se frappant rudement la poitrine, s’est écrié :

«Mon Prince, nous sommes contents de vous voir!»

Et tous les visages, épanouis, reflétant la joie sincère de l’homme du peuple, semblaient répondre: «Il a raison: nous sommes contents!»

Le Prince a été fort touché de ces paroles si simples et si naturelles.

Le 1er cuirassiers et le 29e d’infanterie formaient la haie du côté gauche; le côté droit des rues était occupé par la garde nationale.

Après la réception des autorités à la préfecture, S. A. impériale a passé la revue des troupes.

Deux chefs de bataillon au 29e de ligne, MM. Dabin et Bonnet, ont reçu, des mains du Prince, la croix d’officier de la Légion d’honneur. Cinq croix de chevalier ont été remises à MM. Durand, capitaine au 3e chasseurs; Duplessis, capitaine au 1er cuirassiers; Igiet, capitaine de gendarmerie de la Meuse; Roux, adjudant de place à Verdun, et Francon, maréchal des logis de gendarmerie.

Pendant ce séjour de quelques instants, S. A. Impériale a reçu les témoignages les plus éclatants du dévouement de l’armée et de l’amour du peuple. Les cris de: Vive Napoléon! vive l’Empereur! n’ont cessé de retentir.

Voyage de Sa Majesté Napoléon III, empereur des Français

Подняться наверх