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BANQUET DONNÉ PAR LE CONSEIL DE LA COMPAGNIE DU CHEMIN DE FER DE STRASBOURG.

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Table des matières

Pendant que ce voyage s’accomplit, les fêtes de l’inauguration se continuent pour les personnes qui avaient pris le plus de part à l’achèvement de la grande ligne qui unit Strasbourg à Paris.

Un banquet de soixante-dix couverts, donné par le conseil d’administration de la Compagnie du chemin de fer, a réuni à l’Hôtel de Paris les représentants délégués des divers chemins de fer d’Allemagne. Les ingénieurs de l’État, qui ont contribué à la construction de la ligne, et les représentants délégués des chemins de fer français, avaient été également invités.

La réunion était présidée par M. le comte de Ségur, ancien pair de France, président du conseil d’administration de la Compagnie de Paris à Strasbourg, assisté de MM. le baron Jayr, ancien ministre et ancien pair de France; Perdonnet, Baignères, Blaque-Belair, Clary, Roux, Carayon de Vendeul, Arnoux, baron d’Hervey, Dubochet, de Grimaldi, Fol, tous membres du conseil d’administration.

On remarquait parmi les convives MM. Hachette, ingénieur, chargé du contrôle de la ligne; de Sazilly, qui a achevé la gare monumentale de Paris, commencée par M. l’architecte Duquesnay; Marinet, ingénieur en chef; Guibal, Michel, Jacquinet, Malard, Lyautey, Boulanger, tous ingénieurs en chef des ponts et chaussées; l’inspecteur divisionnaire Schwilgué, qui présenta, en 1842, le premier projet du chemin de fer entre Hommarting et Strasbourg; Vuignes, ingénieur en chef de la Compagnie; Lemoine, ingénieur chargé de la construction de la voie; Bossange, secrétaire général de la Compagnie; Hallopeau, chef de l’exploitation générale; Strohl, directeur des chemins de fer d’Alsace, et précédemment directeur des bateaux à vapeur de Cologne sur le Rhin; Léopold Javal, représentant la compagnie du chemin de fer de Mulhouse à Thann, et d’autres directeurs de chemins de fer.

A la fin du banquet, M. le comte DE SÉGUR, au nom du conseil de la Compagnie, s’est levé et a prononcé le toast suivant:

«Messieurs,

«Permettez-moi de vous remercier d’avoir bien voulu répondre à l’appel que nous avons eu l’honneur et le plaisir de vous faire.

«Notre réunion ici est d’une grande signification.

«Jusqu’à ce jour, messieurs, les gouvernements n’ont été occupés qu’à rendre difficile l’entrée des États. L’isolement paraissait une condition de la sûreté.

«On se félicitait d’avoir pour frontière des montagnes inaccessibles ou des fleuves rapides et profonds. A ces obstacles de la nature, on ajoutait des travaux de toute sorte avec une activité incessante et aux prix de dépenses considérables.

«Aujourd’hui la même activité se déploie, mais dans un but tout opposé.

«On veut faciliter les relations; on les appelle. Les chemins de fer se relient pour n’en faire qu’un seul; les capitales se touchent. La rapidité de la circulation est devenue un besoin si impérieux, qu’en crainte de la retarder on simplifie de toutes parts les formalités des passe-ports et des douanes.

«Les chemins de fer ne sont plus réduits à la proportion de simples entreprises commerciales; ils ont toute la portée d’institutions nouvelles; ils créent, en effet, un progrès nouveau; en rapprochant les nations, ils mêlent les intérêts; ils font disparaître les distances, et avec elles les rivalités et les antagonismes.

«Ils font plus pour le maintien de la paix générale que tous les appareils de la force militaire.

«Ce que je vous dis là, messieurs, n’est ni une théorie, ni une utopie; c’est une idée pratique, et je n’en veux d’autre preuve que notre heureuse rencontre avec vous.

«Nous avions hâte de voir arriver ce jour, et c’est au prix des plus grands sacrifices qu’à travers les circonstances les plus difficiles nous avons pu terminer notre œuvre et toucher directement la frontière d’Allemagne.

«Persévérant dans cette pensée de relations nouvelles et d’union plus intimes, nous n’avons pas attendu l’achèvement de notre ligne pour envoyer un des nôtres vers vous et pour vous convier à ce banquet d’une bonne et utile fraternité. Partout, en Allemagne, on a répondu à notre appel, et nous sommes heureux de voir réunis ici les représentants de tant d’intérêts industriels et commerciaux.

«Aussi, dès ce premier jour, venons-nous vous demander votre concours pour arrêter de concert les mesures les plus favorables pour faciliter l’accès et le mouvement dans nos différents pays. Nous n’aurons pas à débattre des questions internationales, nous consulterons les intérêts communs, nous oublierons la carte géographique, nous croirons à une nationalité européenne.

«Si notre exemple, est suivi, il n’y aura plus pour le public du continent qu’une seule compagnie de chemins de fer. De Paris, on assurera, sans quitter le rail, son arrivée aux points les plus éloignés, et de toutes les villes d’Europe on calculera son arrivée à Paris, à heure fixe, sans obstacle et presque sans arrêt.

«En atteignant ce but, nous aurons résolu un grand problème,

«Messieurs! à l’union des intérêts moraux et matériels des nations européennes! A l’union plus immédiate des intérêts allemands et français représentés à ce banquet!»

Ce toast a été accueilli par de vifs applaudissements et par les cris de: Vive-la Compagnie de Strasbourg!

M. d’Hetzel, directeur du chemin de fer de Wurtemberg, lui, a répondu en ces termes:

«Je ne saurais trop vous remercier, messieurs, au nom de mes collègues et au mien, de l’accueil sympathique que nous recevons au milieu de vous. Nous sommes heureux de nous trouver réunis, Allemands et Français, sur les bords de ce fleuve, témoin de nos anciennes guerres, pour faire ensemble des vœux d’alliance et d’union plus intimes.

«Soyez sûrs que notre concours ne vous manquera pas, pour réaliser les idées généreuses qu’exprimait si bien votre honorable président. Nous travaillerons de concert avec vous à ce que les communications entre nos chemins de fer deviennent si simples et si faciles qu’il semble n’y avoir qu’une seule compagnie. Bien des fois les peuples français et allemands se sont rencontrés sous les murs de cette ville où nous portons aujourd’hui des toasts fraternels. Mais désormais, quand les Allemands y viendront, ce ne sera plus au bruit des canons, ce sera au bruit des locomotives, ces machines puissantes du progrès et de la paix.» (Bravos prolongés.)

M. Schwilgué, inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées, a pris ensuite la parole. Il a fait un tableau rapide de l’état des chemins de fer en Allemagne. Il a énuméré ceux qui sont construits et qui restent à construire. Et il a terminé sa brillante allocution en émettant le vœu que les gouvernements étrangers complètent promptement leurs réseaux de chemins de fer, afin que toutes les capitales de l’Europe soient mises en contact.

A la suite de ce banquet, où a régné la plus franche cordialité, trois délégués de la Compagnie de Strasbourg ont pris l’engagement de se rendre à Carlsruhe, pour arrêter les mesures les plus favorables à un arrangement qui unirait les divers chemins de fer aboutissant à la frontière de France.

MM. Émile Péreire, l’un des directeurs du chemin de fer du Nord, et Isaac Péreire, directeur du chemin de fer de Saint-Germain, n’avaient pu assister à ce banquet. Ils se trouvaient à Bade lorsque l’invitation leur a été adressée, et ils l’ont reçue trop tard. Mais, à leur retour, ils se sont empressés d’adhérer aux sentiments et aux idées qui avaient été si noblement exprimés dans cette réunion. Personne plus qu’eux, en effet, n’avait le droit de prendre sa part des vœux formés pour le développement des chemins de fer et des relations internationales. Ce sont eux qui les premiers ont tourné l’attention et les forces du pays vers ces grands et utiles travaux, qui sont aujourd’hui une de nos gloires, et qui, il y a quinze ans à peine, paraissaient à jamais irréalisables.

Ce banquet, où l’industrie de la France et de l’Allemagne était si dignement représentée, a produit une véritable sensation. Il est de nature à avoir du retentissement. Ces rencontres pacifiques où se rapproche l’intelligence de deux pays rivaux, cet échange de paroles fraternelles, ce projet qui va devenir une réalité, de mettre en communications faciles et journalières deux peuples jadis ennemis, et de créer entre eux des relations qui, par les liens tous les jours plus serrés des intérêts, en feront comme une seule nation, nous paraissent, à nous, contenir de grandes garanties pour le présent et l’avenir.

C’est ainsi que, par la force des choses, la guerre devient chaque jour plus impossible. Les chemins de fer n’ont pas seulement pour résultat d’étendre les relations commerciales, de donner une nouvelle force à l’industrie et de lui ouvrir des débouchés, ils rapprochent les hommes, ils unissent entre eux ceux que les grandes distances, la différence de mœurs et de langage avaient divisés, et deviennent ainsi les plus solides fondements de la paix.

Après avoir accompagné S. A. Impériale jusqu’au pont de Kehl, M. Lefebvre-Duruflé, ministre des travaux publics, accompagné de M. Renouard de Bussières, député de Strasbourg; Lacrosse, secrétaire du Sénat; de Franqueville, chef de la division de la navigation; Schwilgué, inspecteur divisionnaire; Coumes, ingénieur en chef des travaux du Rhin; Thil, chef du cabinet, et de vingt-huit autres ingénieurs et invités, est allé inspecter les travaux qui s’exécutent sur la rive gauche du Rhin pour assurer la rectification du fleuve. Le bateau à vapeur à hélice le Progrès a transporté les invités jusqu’à Lauterbourg. Le ministre profitera de l’absence du Prince pour inspecter, demain matin, les travaux entrepris sur le Rhin, entre Strasbourg et Huningue.

M. Lefebvre-Duruflé a donné, dans cette circonstance, une preuve de plus de cet esprit exact et pratique qu’il apporte dans l’administration, de cette aptitude si remarquable à régler avec la même sûreté de vue les grandes et les petites choses. Après avoir tant fait depuis si peu de temps pour l’exécution des immenses travaux publics qui viennent d’être organisés sur toute l’étendue de la France, après avoir imprimé à ces entreprises gigantesques une si vigoureuse impulsion, il n’a pas cru au-dessous de lui de s’occuper par lui-même de tous les détails de l’inauguration qui est l’événement du jour. Et le pays l’en félicitera avec nous.

L’administration du chemin de Strasbourg avait pris aussi les mesures les plus intelligentes pour que les nombreux invités n’eussent pas à souffrir des fatigues de la route, et trouvassent partout les égards et les prévenances désirables. Le trajet s’est fait avec une rapidité et un confortable qui nous rappellent l’inauguration du chemin de fer du Nord sous les auspices de M. le baron de Rothschild. A l’aller comme au retour, des buffets de deux cents couverts, élégamment servis aux frais de la Compagnie, attendaient les voyageurs. Il était impossible de faire les honneurs avec plus de grâce et de somptuosité.

La rapidité avec laquelle il a fallu rendre compte de tant d’incidents ne nous a pas permis de nommer, en donnant l’indication des travaux d’art que nous avons aperçus sur la ligne, les ingénieurs auxquels ils sont dus. Plusieurs d’entre eux viennent de recevoir des mains du Prince la récompense qu’ils ont méritée. Nous croyons devoir livrer à la publicité les noms de tous ceux qui ont pris part à ce grand travail.

M. Hachette, ingénieur ordinaire de première classe, a exécuté trois grands ponts sur la Marne, et le souterrain de Chalifert. Il est aussi chargé du contrôle de la ligne sous les ordres de M. Lechâtelier.

M. de Mermet, nommé récemment inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées, a dirigé les travaux de la deuxième section, depuis le bois de Meaux jusqu’à Vitry-le-Français, sur deux cent cinquante-trois kilomètres de longueur. Il a été dignement secondé par les ingénieurs ordinaires Gamin, Gallois, Saint-Denis et Bancelin.

M. Guibal a été chargé de la section de Vitry-le-Français, jusqu’à la limite des départements de la Meuse et de la Meurthe, sur cent trois kilomètres de longueur; M. Decomble a exécuté la partie qui se trouve sur le territoire de la Marne.

M. Michel, qui s’est distingué dans la direction des travaux relatifs à l’embranchement de Metz, a été appelé à remplacer M. Vainchet, qui est mort sur les chantiers.

M. Viller, ingénieur ordinaire, a maintenu un ordre parfait dans les ateliers de cette section, qui ont occupé des milliers d’ouvriers en 1848.

M. Jacquiné, ingénieur en chef, a dirigé les travaux de la quatrième section, comprenant le département de la Meurthe. sur une longueur de cent quarante kilomètres.

Parmi les travaux difficiles et remarquablement exécutés dans cette section, sont les souterrains de Hommartin, de Hoffmult, de Lutzelbourg, les ponts de Fontenoy et de Liverdun sur la Moselle, le pont de Saint-Phlin sur la Meurthe. M. Jacquiné a été secondé dans l’exécution par M. l’ingénieur ordinaire Molard.

M. Duhoux, ingénieur ordinaire de première classe, a construit le beau pont de Lunéville et dirigé tous les travaux entre Varangeville et Embernil.

M. Lyautey, ingénieur ordinaire, a achevé la partie comprise entre Aubermenil et Sarrebourg.

M. Boulanger a exécuté les travaux des stations de la ligne. Elles sont toutes achevées, à l’exception de celle de Strasbourg qui ne pourra être livrée qu’en 1853.

M. Mantion, ingénieur ordinaire de deuxième classe, est préposé au service des ateliers.

Les ingénieurs attachés à la Compagnie n’ont pas moins de titres que les précédents à être cités,

M. Vuignes, ingénieur en chef, a rendu de véritables services dans la direction de la pose des rails, et, sous ses ordres, M. Lemoine, qui a contribué à la promptitude de l’achèvement de la voie, ainsi que MM. Grenier et Lestelle.

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