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L’ART ROMAN

Table des matières


N ne possède qu’un chiffre très restreint de monuments de l’époque mérovingienne et de l’époque carlovingienne.

Cette rareté tient à deux causes principales: la première, c’est qu’ils étaient très mal bâtis; la deuxième cause est que, pendant les IXe et Xe siècles, la France fut exposée très souvent aux invasions normandes et à une série de destructions et de pillages tels que les peuples de l’antiquité n’en ont pas connu de semblables.

Il y avait pourtant eu une renaissance sous Charlemagne et Charles le Chauve, ces deux rois aimant les Arts, les Sciences et les Lettres.

Mais les invasions normandes bouleversèrent tout, les pillards incendièrent nos monastères et nos églises, et ce ne fut qu’à la fin du Xe siècle, aux abords de l’an mil, que commença une véritable renaissance dans l’art de bâtir.

Après que l’an mil fut passé, les peuples chrétiens reprirent courage et se mirent à élever de nombreuses églises, en nombre si incalculable que les chroniqueurs en parlèrent avec enthousiasme.

Le moine Raoul Glaber constate ainsi ce mouvement de renaissance: «Vers la troisième année après l’an mil, dit-il, les basiliques sacrées furent réédifiées en nombre dans l’Italie et dans les Gaules.

«C’était une émulation générale parmi les peuples chrétiens à qui élèverait les basiliques chrétiennes les plus riches, les plus somptueuses. On crut que le monde entier avait dépouillé ses antiques haillons pour se revêtir d’une nouvelle parure. Les fidèles ne se contentèrent pas de reconstruire les basiliques épiscopales, ils reconstruisirent jusqu’aux simples églises de village.»

En effet un nombre considérable d’églises furent rebâties.

C’est surtout sous les règnes de Robert le Pieux, d’Henri Ier, qu’on vit se construire une foule d’édifices religieux. Citons:

L’église de Saint-Bénigne à Dijon, par les soins de l’abbé Quellin.

L’abbaye de Marmoutier, construite sur l’ordre du comte Eude de Champagne en1005;

L’église de Saint-Germain-des-Prés en1009.

On reconstruisit ou on restaura:

L’église de Saint-Philibert à Tournus;

Les églises de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, de Saint-Aignan, de Saint-Pierre, à Orléans;

La cathédrale de Chartres (réédifiée par les soins de l’abbé Fulbert);


Le clocher de l’église Saint-Germain-des-Prés. (Dessin de JULES SYLVESTRE.)

L’église de Saint-Hilaire à Poitiers;

L’église de Saint-Gratien à Autun;

L’église de Notre-Dame à Étampes;

L’église de Saint-Nicolas-des-Champs, à Paris;

L’église de Notre-Dame à Reims.

Sous le règne de Henri Ier, on restaura, en1049, la fameuse église de Saint-Rémy de Reims; on reconstruisit l’église de Laon en1056; celle de Saint-Nicaise de Reims en1061.

Ce fut, comme on voit, un grand mouvemement de restauration générale.

Tous ces constructeurs d’églises, de monuments religieux, étaient animés d’un zèle, d’une ardeur incroyable pour chercher des formes nouvelles, pour élever des édifices plus solides, plus durables.

L’expérience cruelle des siècles passés avait prouvé que si les églises et les monuments duraient si peu, c’était surtout à cause des dangers du feu.

Les neuf dizièmes de ces édifices avaient été détruits par le feu. Tous les édifices de cette architecture qui avait précédé l’architecture romane, présentaient un caractère commun: ils n’étaient recouverts que par des charpentes généralement apparentes, avec le luxe de tentures, de luminaires fort grand qu’exigeaient les besoins du culte. Tout cela formait une prise facile pour les incendies.

Le feu se répandait fort vite des luminaires aux tentures et de là aux charpentes; une fois les charpentes en feu, l’église était perdue.

Les architectes nouveaux firent un style, le style roman différent du précédent. Ils comprirent que le principal moyen de préserver ces édifices c’était d’isoler le monument des charpentes des combles.

Ils imaginèrent de recouvrir les édifices de voûtes entières, de sorte que la présence de ces voûtes pût empêcher les incendies de se communiquer aux combles. Les incendies se trouvaient ainsi localisés.

Les conséquences de l’adaptation des voûtes furent encore plus considérables. La différence même qu’il y avait à élever des nouvelles constructions obligea les architectes à une foule de recherches qui développa chez eux une ingéniosité particulière et à former une nombreuse escouade d’habiles ouvriers.

Elle les obligea à chercher des formes nouvelles, aussi y eut-il une différence absolue entre les édifices construits avant l’an mil et ceux construits après.

Les édifices construits avant l’an mil, et qui appartenaient à l’art gallo-romain, étaient construits à la romaine; ils se différencient même tellement parfois des édifices construits dans la première période de l’époque romane, que si on ne connaissait les types intermédiaires, on ne pourrait croire que ces types aient pu procéder des types précédents.

Comme nous l’avons dit, on chercha à couvrir la nef des édifices à l’aide de voûtes en berceau. Cette adaptation amena des modifications importantes dans toutes les proportions des édifices.

En effet, la voûte en berceau a l’inconvénient d’exercer une poussée sur les murs des édifices, car elle est d’un poids considérable.

Plus l’espace que la voûte occupe est large, plus la hauteur est grande et plus il est difficile de maintenir l’aplomb.

La première conséquence fut d’augmenter dans une proportion considérable l’épaisseur de tous les murs de l’édifice.

Il fallut recourir alors, à un grand parti et modifier complètement les proportions antiques; on dut sacrifier la hauteur du monument ou bien restreindre sa largeur.

Suivant les pays on se décida à faire le sacrifice de la largeur ou celui de la hauteur.

Dans le Midi on sacrifia la hauteur et dans le Nord on sacrifia la largeur. Ce qui fait que les édifices du Midi ont un aspect extraordinairement trapu tandis que ceux du nord de la France paraissent au contraire élancés.

Dans le Midi, les murs augmentèrent d’épaisseur dans des proportions énormes.

A la place des délicates colonnes de la nef, on construisit d’énormes piliers de maçonnerie reliés par de puissantes arcades. On avait tellement peur d’affaiblir les piliers que les ouvertures des fenêtres furent de toutes petites ouvertures, très peu élevées.

Dans le nord de la France, ce fut tout le contraire. On conserva aux édifices leur hauteur, mais alors on diminua la largeur et on restreignit l’écartement des pieds-droits de l’édifice. Les édifices prirent des proportions en hauteur plus grandes que celles des édifices antérieurs. On chercha à diminuer à l’œil les caractères trapus et à exagérer les caractères d’élancement.

On rencontre dans certaines parties de la France des formes intermédiaires.

Les architectes prirent le parti de voûter les bas-côtés, la partie principale de l’église renferma toutes les richesses du monument. Dans beaucoup d’églises on vit un chœur moins élevé que la nef. Dans l’Ile-de-France, les monuments religieux furent bâtis dans ce système.

On peut dire qu’il n’y eut jamais, à aucune époque de l’histoire de l’Art, plus de logique que dans l’époque de l’art roman.

Les architectes du moyen âge hésitèrent à ouvrir de larges fenêtres. Ils les firent si petites qu’elles devinrent des espèces de meurtrières; on les fit ébrasées, c’est-à-dire qu’on les élargit progressivement de dehors au dedans.

A partir du XIe siècle, dans les édifices de l’art roman, les fenêtres sont toujours ébrasées.–Pour les portes, on applique le même système qu’aux fenêtres, on les ébrase, et pour en rendre l’aspect plus agréable, plus artistique, on imagine de percer les murs par une série d’arcades formant des sortes de voussures qui auront toutes leur pied-roit spécial qui sera presque toujours une colonnette.

Le tympan fut décoré avec une grande élégance.


Coupe d’une fenêtre ébrasée.


Coupe d’une fenêtre non ébrasée.


On peut citer comme le plus bel exemple le tympan de l’abbaye de Vezelay.

Les bas-reliefs qui décorent les portes romanes étaient généralement peints et se détachaient sur un fond d’or. Les chapiteaux étaient peints également. Les parois des murailles, les fûts des colonnes, les archivoltes des arcades, étaient toujours couverts d’ornements colorés, consistant en arabesques, rinceaux de feuillages et combinaisons de figures géométriques.

Sur les tympans se déroulent presque toujours des sculptures représentant les scènes les plus terribles de la religion, comme on peut le lire aux façades des églises de Conques, de Beaulieu, de Vezelay, d’Autun.

Parfois, la façade entière est historiée du haut en bas, ainsi qu’on peut le voir aux églises de Notre-Dame de Poitiers, de Sainte-Croix à Bordeaux.

Sur l’intransept les moines architectes élevèrent presque toujours une tour qui eut primitivement la forme carrée et par la suite la forme octogonale.

On commença à prolonger les galeries et le chœur; il n’y eut même pas seulement un chœur comme autrefois, quelques chapelles, mises sur les côtés, vinrent s’y adjoindre. Dans les églises importantes, les bas-côtés étaient recouverts d’une galerie appelée triforium, qui ouvrait sur la nef principale par deux ou trois arcades pour chaque travée. Les travées, placées sur chacun des côtés de la nef, étaient ordinairement en nombre impair.

Les tours eurent peu d’élévation; d’un aspect massif, elles étaient généralement percées d’arcades à plein cintre. Une disposition très commune, appelée arcade géminée, qui. avait été employée primitivement à Constantinople, montrait deux petites arcades appuyées sur une colonne centrale commune, et comprises toutes deux sous une arcade plus grande. Les arcades qu’on appelle simulées ou aveugles, très communes dans les édifices romans, étaient des arcades bouchées qui servaient simplement à la décoration des murailles. Au lieu d’être formées d’arcs posés les uns à la suite des autres, elles étaient souvent formées d’arcs enlacés l’un dans l’autre.


Chapiteau roman à la cathédrale du Puy. (Dessin de JULES SYLVESTRE.)

Parmi les plus beaux édifices de cette époque, il faut citer particulièrement: l’église de Saint-Pierre à Moissac; le cloître de Saint-Trophime à Arles, une merveille comme architecture et sculpture; l’église de la Madeleine à Vezelay; l’église Notre-Dame à Corbeil; l’église Saint-Germain-des-Prés à Paris; l’église Saint-Sernin à Toulouse; l’église de Saint Gilles, près Nîmes; l’église de Tournus; la belle église de Saint-Martin d’Ainay à Lyon; l’église de Sainte-Croix à Quimperlé, etc.


Parmi les églises du XIIe siècle, on peut voir à Paris la vieille église Saint-Pierre de Montmartre.

Son abside est appelé le Chœur des Dames; on y voit encore des chapiteaux de marbre provenant d’une chapelle mérovingienne. On peut admirer à l’intérieur de l’église deux colonnes en marbre vert antique ayant appartenu à un temple païen, ainsi qu’un calvaire avec une grotte.

Les monastères et les abbayes de l’époque étaient de grandes et vastes constructions presque toujours accompagnées de fabriques:

«Quelques abbayes réunissaient les travaux industriels aux travaux agricoles: on y voyait, par exemple, des frères brasseurs, des frères huiliers, des frères corroyeurs, des tisserands, des cordonniers, des maréchaux, des charpentiers, etc. Chaque série avait son frère inspecteur ou contremaître, et à la tête de tous ces travailleurs était un père directeur, ou patron, qui distribuait la besogne: il existait très anciennement, dans l’abbaye de Saint-Florent de Saumur, une manufacture où les moines tissaient des tapisseries ornées de fleurs et de figures d’animaux. Cette manufacture devint très florissante, et, en1133, l’abbé de Saint-Florent, Mathieu de Loudun, y fit exécuter une tenture complète pour son église. Dans le chœur, c’était les vingt-quatre vieillards de l’Apocalyse; dans la nef, des chasses et des bêtes fauves.»


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