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DÉFINITION DE L’ART
ОглавлениеL’Art est l’imitation idéale de la nature et, non simplement sa copie.
L’artiste qui fait une œuvre d’art, met en plus de la copie qu’il fait de la nature, quelque chose qui est son idée propre: c’est ce quelque chose qui a reçu le nom d’idéal.
L’Art est l’interprétation de la réalité et non la copie. L’artiste qui n’est pas un créateur idéaliste, n’est qu’un émule du photographe
L’idéal sera fort variable, il variera selon le pays de l’artiste, selon l’état des mœurs et des esprits de son siècle, selon son éducation et son propre caractère.
Pour un grave Flamand aux mœurs bourgeoises, l’idéal ne sera pas le même que pour un Italien du XVIe siècle aux mœurs raffinées, que pour un Espagnol catholique, un Français vicieux du XVIIIe siècle, ou un Allemand raisonneur et philosophe.
Une preuve que faire une œuvre d’art ce n’est pas imiter seule ment la nature, c’est qu’une photographie, aussi fidèle que possible, nous laissera complètement froids, tandis qu’une œuvre d’art réveillera en nous mille sensations, nous rappellera un grand nombre de souvenirs.
Les sculptures de Notre-Dame de Paris évoquent en nous le souvenir des légendes mystiques du moyen âge; un tableau de Lebrun ou de Lorrain reportera notre pensée vers l’éclat pompeux de la cour de Louis XIV; le portrait d’une infante par Velasquez nous rappellera les mœurs catholiques, monacales, de cette froide cour d’Espagne où le sourire même était banni.
L’Art étant l’expression la plus haute de la civilisation d’un peuple, les divers états des mœurs, des esprits, de la littérature, de l’éducation, du climat, auront une grande influence sur le développement et la nature des œuvres d’art.
D’ailleurs, à l’appui de notre thèse, nous pouvons citer cette définition d’un grand philosophe: «L’Art, a dit Bacon, c’est l’homme ajouté à la nature.»
Le grand poète Lamartine a dit aussi: «Pour tout peindre, il faut tout sentir.»
Chaque artiste représentera, selon les mœurs et les caractères de son pays, la nature et l’idéal sous un aspect différent; c’est ainsi que pour représenter le Christ, l’Italien Léonard de Vinci lui donnera la noblesse d’un dieu, et Michel-Ange l’aspect d’un juge, tandis que Rembrandt, le représentant le plus grand de l’art bourgeois des Pays-Bas, nous montrera un Christ populaire, un vrai type flamand, d’homme du peuple; le Christ au tombeau de l’Allemand Hans Holbein sera un véritable ver de terre, un cadavre d’homme près de se décomposer.
Le sujet ne signifie rien dans les Arts, les plus grands artistes, Michel-Ange, Raphaël, Corrège, Rubens, n’ont-ils pas fait des chefs-d’œuvre en représentant toutes sortes de sujets?
Dans la Kermesse de Rubens, qui est au musée du Louvre, l’idéal est la fureur de l’orgie, la rage de la chair brutale; dans la Galatée de Raphaël, l’idéal est la représentation de la beauté féminine, fière, gracieuse, sereine. Dans un même pays, dans une même école, l’idéal des artistes, tout en conservant le caractère propre aux mœurs du pays, variera suivant le tempérament de chacun d’eux. C’est ainsi que Léonard de Vinci nous représentera une madone gracieuse, le fier et hautain Michel-Ange nous la montrera austère, et Raphaël rendra ses vierges suaves et divines.
La littérature, les belles-lettres exerçant sur les œuvres d’art une très grande influence, les poètes, les littérateurs, les écrivains sont des maîtres que les artistes consultent souvent pour exprimer les pensées du siècle où ils vivent, les mœurs de ceux qui les entourent.
Les fresques à la fois touchantes et énergiques qui couvrent les murs des vieilles églises de Toscane, n’ont-elles pas été inspirées par la Divine Comédie du Dante?
Les poésies du Dante, de celui qui a réellement le plus fait pour l’unité de l’Italie, ont été les leçons principales de grands artistes de la Renaissance. Chaque œuvre de Michel-Ange porte l’empreinte de l’héritage dantesque.
Les œuvres de Lebrun, des paysages de Claude-Lorrain n’ont-ils pas quelque chose de la majesté et de l’éclat des sermons de Bossuet, de Bourdaloue, des écrits de Racine, de Corneille?