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L’ARCHITECTURE MILITAIRE
EN
FRANCE AU MOYEN AGE

Table des matières


’ARCHITECTURE militaire en France ne date guère que de l’époque de la Féodalité.

«Sous la première race, dit M. de Sismondi, les seigneurs avaient rarement fortifié leurs châteaux ou demandé la permission de le faire, parce que les peuples germaniques conservaient encore leur haine pour les enceintes de murailles et leur mépris pour un pont ou un escalier mobile. Dans le second type, le donjon se liait aux fortifications du pourtour de l’enceinte et faisait en quelque sorte corps avec elle; alors il n’offrait pas un diamètre aussi considérable. C’était une tour d’observation plus élevée que le reste de l’édifice, mais qui ne pouvait en demeurer indépendante.»

Les Normands, qui étaient de très habiles constructeurs, furent les premiers qui environnèrent leurs donjons et les transformèrent en châteaux fortifiés.

«Le château normand du XIe siècle, dit M. Viollet-le-Duc, ne consistait qu’en un donjon carré ou rectangulaire, autour duquel on élevait quelques ouvrages de peu d’importance, protégé surtout par un fossé profond pratiqué au sommet d’un escarpement. C’était là le véritable poste normand de cette époque, destiné à dominer un territoire, à fermer un passage ou à contenir la population des villes. Les barons normands, devenant seigneurs féodaux, en Angleterre ou sur le continent, se virent bientôt assez riches et puissants pour augmenter singulièrement la dépendance du donjon qui, dans l’origine, était le seul point sérieusement fortifié. Les enceintes primitives, faites souvent de palissades, furent remplacées par des murs flanqués de tours.»

Le donjon était une nécessité du système de défense du moyen âge. En effet, ce système consistait à construire une série d’ouvrages défensifs qui devaient se protéger les uns les autres. Il ne fallait pas qu’en prenant un de ces ouvrages, sa prise entraînât la prise du suivant. La garnison devait avoir toujours un refuge, si l’ensemble des ouvrages de la place venait à être pris, et ce refuge c’était nécessairement le donjon.

Les donjons, situés le plus souvent au sommet de pics escarpés, avaient un aspect sauvage et sinistre, fait pour inspirer la terreur. «Les donjons en pierre, dit M. de Caumont, se reportent presque tous à deux types principaux. Le type le plus habituel présente une tour carrée, distincte des deux autres bâtiments de la place, dans laquelle on ne pouvait entrer que par une porte placée haut dans le mur, et qui répondait au niveau du premier étage.»

Parmi les types de donjons les plus remarquables, il faut citer la tour de Beaugency, les donjons des châteaux de Domfront, Nogent-le-Rotrou, Loches, etc.

La tour de Beaugency était divisée en quatre étages. Les murailles avaient, dans le bas, 20pieds d’épaisseur. L’autel où se célébrait la messe se trouvait dans l’embrasure d’une fenêtre, et les escaliers, très étroits, étaient pratiqués dans l’épaisseur des murs.

«Au rez-de-chaussée, dit M. de Caumont, existait une salle, séparée du premier étage par une voûte d’une extrême solidité, portée sur de gros piliers carrés, dont six étaient engagés dans les murs du pourtour et deux se trouvaient au centre de la salle.

«Cette route que j’ai observée plusieurs fois, a été récemment détruite. On voit une porte communiquant à un escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur, et par lequel on descendait dans les caves voûtées dont je viens de parler. Effectivement, il ne faut pas regarder les ouvertures qui donnent entrée aujourd’hui dans ce rez-de-chaussée comme anciennes. On évitait toujours d’accéder par le rez-de-chaussée dans les donjons. C’était par le premier étage et par des ouvertures que bien des observateurs ont prises pour des fenêtres, qu’on entrait dans ces forteresses, soit au moyen de ponts-levis, soit au moyen d’échelles ou d’escaliers mobiles. Ainsi l’entrée de la tour de Beaugency était une ouverture fort élevée au-dessus du sol, et qui se trouve au niveau du pavé dans la salle du premier étage.»

Dans les châteaux du XIIe siècle, le donjon, autrefois carré, devient cylindrique et est accompagné de constructions diverses.

Il est entouré d’un fossé et accessible uniquement par un pont-levis.

Ce donjon est alors le refuge de la garnison en cas d’attaque. Les autres tours deviennent cylindriques comme le donjon.

L’adoption de la forme cylindrique pour les tours et les donjons dut être déterminée par des motifs sérieux. Les tours cylindriques pouvaient mieux résister aux attaques des machines que les tours carrées, leur surface convexe offrant partout la même solidité; l’introduction des voûtes élancées en ogive devait d’ailleurs faire abandonner les larges donjons à planchers droits; on trouva tout simple de voûter les tours et de consolider ces voûtes au moyen d’arceaux reposant sur des colonnettes et des consoles espacées également et formant pour les appartements une décoration analogue à celle des églises. Enfin les toits coniques des donjons cylindriques offraient moins de surface et moins de danger, en temps de siège, que les toits à quatre pans des larges donjons carrés, qui étaient quelquefois incendiés par les brandons du dehors.

La grande révolution qui s’était opérée dans l’architecture en général par l’avènement du style ogival, avait dû réagir sur l’architecture militaire; il fallut donner plus d’élévation aux étages, mettre les tours en harmonie avec les constructions voisines.

Ce changement, d’ailleurs, est si intimement lié avec l’introduction du style ogival, qu’on voit la forme carrée persister dans les régions de la France qui conservèrent le style roman de transition concurremment avec le style ogival, telles que les provinces du Sud, du Sud-Est, de l’Est, et c’est surtout dans le royaume de France, où l’architecture ogivale se montrait si belle au XIIIe siècle, que le donjon cylindrique développe ses belles formes.

On donnait le nom de courtines aux murailles comprises entre les tours, dans les châteaux de la période du moyen âge. La première enceinte extérieure renfermait un large espace découvert dans lequel se trouvait habituellement la chapelle, et qu’il fallait traverser pour arriver à la seconde enceinte qui comprenait le donjon. La grande porte d’entrée du château, fermée par d’épaisses portes battantes en chêne bardées de fer, était ordinairement défendue de chaque côté par une tour. En avant de cette porte était souvent un ouvrage extérieur appelé barbacane et destiné à défendre l’entrée du pont. La partie supérieure des tours avait une charpente en saillie garnie de murs en planches appelés hourds, servant à garantir les soldats.

Les intervalles ménagés pour lancer les projectiles s’appelaient mâchicoulis.

Comme spécimen de l’architecture militaire en France au XIIIe siècle, on peut citer le château de Coucy, les châteaux de Chinon, d’Étampes, de Montargis, de Bourbon-l’Archambault, de Gisors, etc.

«Le château de Coucy, dit M. Batissier, édifié au commencement du XIIIe siècle par Enguerrand le Grand, pouvait passer pour un des plus beaux monuments d’architecture militaire. Il était précédé d’une basse-cour ou esplanade fortifiée, dans laquelle on pénétrait en passant sur un pont porté sur cinq piliers qui soutenaient autant de portes fortifiées. Il avait la forme d’un trapèze, aux quatre angles duquel s’élevait une tour ronde ayant environ cent pieds de hauteur, et portant des corbeaux saillants destinés à recevoir des hourds et percés d’embrasures.

«La principale porte, munie d’une double herse, offrait à droite et à gauche les salles des gardes; dans la cour du château étaient disposés des magasins voûtés, appuyés contre les courtines, un bâtiment d’habitation à trois étages et une chapelle. Le donjon, placé sur le côté du trapèze, existe encore: c’est une tour cylindrique divisée en trois étages, munie d’un puits et se terminant supérieurement par une plate-forme, qui est entourée d’un parapet très élevé. Ce parapet est percé de vingt-quatre fenêtres ogives et d’autant de meurtrières. On monte aux divers étages par un escalier à vis ménagé dans l’épaisseur du mur.»


(Croquis de M. F. BOURNAND.)

Pendant les XIVe et XVe siècles, les châteaux eurent des plans plus réguliers. L’élément militaire disparut peu à peu pour faire une plus large place à l’élément civil. Les ouvrages défensifs se trouvèrent mêlés aux appartements, et les grands corps de logis se lièrent intimement avec les murs fortifiés de l’enceinte. Les tours de celle-ci, tantôt carrées et tantôt rondes, se terminent fréquemment par un toit conique et quelquefois par une plate-forme crénelée. Les fenêtres évasées en dedans prirent le nom d’arbalétriers ou de meurtrières.

On peut citer, comme modèle d’enceinte fortifiée, celle de la cité de Carcassonne. Les courtines très épaisses, sont composées de deux parements de petit appareil cubique; le milieu est rempli de blocs maçonnés à la chaux. Les tours, cylindriques à l’extérieur et carrées à l’intérieur du côté de la ville, s’élevaient au-dessus des courtines, et leur communication avec celles-ci était facile à détruire, de manière à faire de chaque tour une tour indépendante qui pouvait se défendre seule.

Le moyen âge était une époque de guerres continuelles, de luttes incessantes. On en arriva jusqu’à fortifier des églises.

Vers la fin du XIIe siècle, l’influence de la vie militaire se fit sentir sur la vie religieuse. Cela eut un contre-coup pour l’architecture monastique. Et, comme le dit Viollet-le-Duc, «les constructions élevées par les abbés, à cette époque, se ressentent de leur état politique; seigneurs féodaux, ils en prennent les allures. Jusqu’alors les couvents étaient entourés d’enceintes, c’était plutôt des clôtures rurales que des murailles propres à résister à une attaque à main armée; mais la plupart des monastères que l’on bâtit au XIIIe siècle perdent leur caractère purement agricole, pour devenir des villas fortifiées, ou même de véritables forteresses, quand la situation des lieux le permet... Les abbayes, construites sur des penchants de coteaux, ou même des lieux escarpés, s’entourent de défenses établies de façon à pouvoir soutenir un siège en règle ou au moins se mettre à l’abri d’un coup de main.»

Parmi les abbayes qui présentent bien nettement le caractère d’un établissement à la fois religieux et militaire, il faut citer l’abbaye du Mont-Saint-Michel.

L’abbaye, qui occupe le sommet du mont, forme un vaste rectangle au milieu duquel s’élance l’église abbatiale. La porte de l’ancien donjon de1393est flanquée de deux tours qui ont conservé leurs créneaux et leurs mâchicoulis. Un escalier est pratiqué entre ces tours.

Les bâtiments qu’on appelle la Merveille se divisent en trois zones de constructions superposées. Ce sont d’abord de vastes cryptes formant deux salles divisées en plusieurs nefs par des piliers trapus, ronds ou carrés. Ces salles, où les moines distribuaient autrefois leurs aumônes, ont été appelées Montgomeries, depuis une attaque infructueuse des calvinistes, commandés par Montgomery.

L’église de l’abbaye du Mont-Saint-Michel est une véritable cathédrale. «Elle aurait été élevée, dit M. Corroyer, sur les vestiges d’un oratoire, érigé par saint Aubert au VIIIe siècle et sur les ruines d’une église construite au XIe siècle. Il ne subsiste aucune trace de l’édifice du XIIIe siècle; mais de l’église fondée en1020, il reste encore le transept et la plus grande partie de la nef...» Cette nef se composait de sept travées. Le chœur actuel est gothique. «Cette immense construction, dont le sol est à80mètres au-dessus du niveau de la mer, est admirable en tous points.»

Le cloître, achevé au XIIIe siècle, a un préau à ciel ouvert qui occupe le centre de quatre galeries, formées par plus de200fines colonnes, aux rosaces fleuries, aux riches feuillages d’une grande variété.

Il y a un escalier, appelée Escalier de Dentelle, qui prenant naissance dans l’église basse, monte au faîte au-dessus des chapelles.

La pièce la plus célèbre du Mont-Saint-Michel, c’est la Salle des Chevaliers, vaste vaisseau du style gothique le plus pur, dont les deux immenses cheminées datent du XVe siècle.

Après la salle des Chevaliers vient le réfectoire des moines, divisé en deux nefs par de hautes colonnes supportant des nervures qui épanouissent des rosettes de feuillage à leur intersection


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