Читать книгу Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11 - George Gordon Byron - Страница 14

LETTRE CCXXXII

Оглавление

À M. MOORE

5 janvier 1816

«J'espère que Mrs. M. est entièrement rétablie. Ma petite fille est née le 10 décembre dernier; on l'a nommée Augusta Ada (le second de ces noms est très-ancien dans la famille, et n'a pas été porté, je crois, depuis le règne du roi Jean). Elle est venue au monde, et est encore très-grasse et en très-bon état: on dit même qu'elle est très-forte pour son âge. – Elle ne fait que crier et téter: – cela vous suffit-il? Quant à la mère; elle se porte très-bien, et elle a recommencé à se lever.

»Il y a eu un an le 2 de ce mois que je suis marié-hélas! – Je n'ai vu personne depuis peu qui vaille la peine d'être cité, à l'exception de S*** et d'un autre général des Gaules, avec lesquels je me suis trouvé une ou deux fois à dîner dehors. S*** est un beau cavalier, à la tournure étrangère, à l'air scélérat et spirituel; au total, c'est un homme très-agréable. Son compatriote, qui est plus jeune que lui, tient plus du petit-maître; mais je ne lui crois pas les mêmes facultés intellectuelles qu'au Corse, car vous savez que S*** l'est, et de plus cousin de Napoléon.

»Est-ce qu'on ne vous verra plus jamais en ville? À la vérité, il n'y a pas ici un seul des quinze cents individus qui remplissent ordinairement les salons où l'on étouffe, et qu'on appelle le monde à la mode. Nous avons été retenus ici par l'approche de ma paternité, afin d'y être à portée des médecins; et quant à moi, il m'est aussi indifférent d'être ici que partout ailleurs, de ce côté du détroit de Gibraltar.

»J'aurais fait avec joie, ou plutôt avec tristesse, le chant funèbre que vous me demandez pour la pauvre fille 14 en question; mais comment me serait-il possible d'écrire sur quelqu'un que je n'ai jamais vu ni connu? D'ailleurs vous le ferez bien mieux vous-même. Moi, je ne puis composer sur rien sans en avoir quelque expérience personnelle ou en connaître les bases, à plus forte raison sur un sujet de cette nature. Pour vous, vous avez tout cela; et vous ne l'auriez pas que votre imagination y suppléerait: – ainsi, vous ne pouvez jamais manquer de réussir.

Note 14: (retour) Je lui avais fait part d'un sujet digne d'exercer tout son talent pour le pathétique; c'était un triste événement qui venait de se passer dans mon voisinage, et auquel j'ai fait allusion moi-même dans une des Mélodies Sacrées: «Ne la pleurez pas.»(Note de Moore.)

»Voilà un griffonnage bien insipide, et je suis moi-même un insipide personnage. Je suis absorbé par cinq cents réflexions contradictoires, quoique n'ayant en vue qu'un seul objet. – Mais n'importe, comme on dit quelque part, «l'azur du ciel s'étend sur tout le monde.» Je voudrais seulement que celui qui s'étend sur moi fût un peu plus bleu, un peu plus semblable «au ciel azuré avec lequel se confond le sommet bleuâtre de l'Olympe,» qui, par parenthèse, était tout blanc la dernière fois que je le vis.

»Toujours tout à vous.»

En lisant cette lettre, je fus frappé du ton de mélancolie qui y régnait; et sachant bien que celui qui l'écrivait avait coutume, lorsqu'il était tourmenté par quelque chagrin ou quelque dégoût, de chercher du soulagement dans ce sentiment de liberté qui lui disait qu'il existait pour lui au monde d'autres asiles, je crus apercevoir dans ses souvenirs du sommet bleuâtre de l'Olympe quelque retour de cet esprit inquiet et errant que le malheur ou l'irritation évoquait toujours en lui. Déjà, au moment où il m'envoya les vers mélancoliques: Il n'y a point de plaisir que le monde puisse donner, etc., etc., j'avais éprouvé quelque crainte vague sur cet accès d'abattement auquel je le voyais se livrer; et lui accusant réception de ses vers, j'avais cherché à l'en distraire par des plaisanteries. «Mais pourquoi donc retombez-vous ainsi dans l'ornière de la mélancolie, maître Stéphen? cela ne vaut rien du tout. – Il y aurait de quoi envoyer en diable tous les devoirs positifs de la vie, et il faut que vous lui disiez adieu. La jeunesse est le seul tems où l'on puisse être triste impunément; à mesure que la vie elle-même devient sérieuse et sombre, la seule ressource qui nous reste est d'être, autant que possible, tout le contraire.» Mon absence de Londres, pendant tout le cours de cette année, m'avait privé de pouvoir juger par moi-même du degré de bonheur que lui promettait sa situation domestique. Je n'avais rien appris non plus qui pût me porter à croire que le cours de sa vie conjugale fût moins paisible que ne le sont ordinairement de pareilles unions, du moins en apparence. Les expressions vives et affectueuses dont il s'était servi dans quelques-unes des lettres que j'ai données, pour m'assurer de son bonheur (assurance que sa franchise ne pouvait me rendre douteuse), avaient aussi puissamment contribué à calmer les craintes que le sort qu'il s'était choisi avait excitées en moi à la première vue. Je ne pus cependant m'empêcher de remarquer que ces indices d'un cœur content ne tardèrent pas à cesser. Il ne parla plus que rarement et avec réserve de la compagne de son existence, et quelques-unes de ses lettres me parurent empreintes d'un esprit d'inquiétude et d'ennui qui réveilla en moi toutes les sombres appréhensions avec lesquelles j'avais d'abord envisagé son sort. Cette dernière lettre surtout me frappa comme remplie des plus tristes présages; et dans le courant de ma réponse, je lui exprimai ainsi l'impression qu'elle avait faite sur moi. «Ainsi donc, il y a une année entière que vous êtes marie!

»L'an dernier je te protestais encore cette douce impossibilité.

»Savez-vous, mon cher B., qu'il y a quelque chose dans votre dernière lettre, une espèce d'inquiétude mystérieuse qui, jointe à l'absence totale de votre vivacité ordinaire, n'a cessé depuis de me tourmenter l'esprit de la manière la plus pénible? Il me tarde d'être près de vous pour connaître réellement ce que vous éprouvez, car ces lettres ne disent rien du tout, et un mot, a quattr'occhi, vaut mieux que des rames entières de correspondance. En attendant, dites-moi seulement que vous êtes plus heureux que votre lettre ne m'a porté à le croire, et je serai satisfait.»

Ce fut quelques semaines après cette lettre que lady Byron prit le parti de se séparer de lui. Elle avait quitté Londres à la fin de janvier pour aller voir son père dans le Leicestershire, et Lord Byron devait la suivre peu de tems après. Ils s'étaient séparés pleins de tendresse: – elle lui écrivit en route une lettre pleine d'enjouement et d'affection; et aussitôt qu'elle fut arrivée à Kirkby Mallory, son père écrivit à Lord Byron pour lui apprendre qu'elle ne retournerait plus vivre avec lui. Au moment où il reçut ce coup inattendu, ses embarras pécuniaires, qui s'étaient rapidement augmentés pendant le cours de la dernière année (puisqu'il n'y avait pas eu moins de huit à neuf saisies dans sa maison durant cette époque), étaient parvenus à leur comble; et au moment où, pour me servir de ses énergiques expressions, il était «seul dans ses foyers avec ses dieux pénates brisés et dispersés autour de lui,» il dut aussi recevoir la nouvelle foudroyante que la femme qui venait de le quitter en parfaite harmonie se séparait de lui-pour jamais.

Ce fut à peu près vers cette époque que le billet suivant fut écrit.

A M. ROGERS

8 février 1816.

«Ne vous y méprenez pas; – je vous ai réellement rendu votre livre, par la raison que je vous ai dite, et pas autre chose: il a trop de valeur pour un individu aussi insouciant. – Je me suis défait de tous mes livres, et très-positivement je ne veux pas vous priver de la moindre «particule de cet homme immortel.»

»Je serai bien aise de vous voir, si vous voulez venir, quoique je lutte maintenant contre les traits et les flèches de la fortune cruelle, dont quelques-uns m'ont atteint d'un côté d'où assurément je ne les attendais pas. Mais n'importe, «il y a un monde ailleurs,» et je ferai de mon mieux pour m'ouvrir un chemin dans celui-là.

»Si vous écrivez à Moore, dites-lui que je répondrai à sa lettre quand je pourrai en trouver le tems et la force.

»Toujours tout à vous.»Bn.

Ce ne fut que plus d'une semaine après que le bruit de la séparation arriva jusqu'à moi, et je me hâtai de lui écrire en ces termes: «Je suis extrêmement anxieux d'avoir de vos nouvelles, quoique je ne sache pas trop si je dois parler du sujet qui cause toutes mes inquiétudes. Si cependant ce que j'ai appris hier par une lettre de Londres est vrai, vous comprendrez immédiatement ce que je veux dire, et vous m'en communiquerez autant ou aussi peu que vous croirez convenable; seulement je voudrais en savoir quelque chose de vous-même, aussitôt que possible, afin de pouvoir me fixer sur la vérité ou l'imposture du rapport qui m'a été fait.» Voici la réponse qu'il me fit.

Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11

Подняться наверх