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Donc nous avons de nouveau des soldats dans le village.

Nous allons sur la place où on leur distribue des vivres. Il y a là quantité de sacs, sur l’un desquels Louis Mémère va s’asseoir. Le sac se délie et il en sort du riz qui se répand à terre. Ce que voyant, le pauvre garçon se relève effaré, car un soldat furieux lui allonge une vigoureuse taloche qu’il esquive subtilement en filant vite et en dérobant sa tête à la façon des tortues. Le bras va frapper l’air. Et c’était très drôle. Mais rien ne m’amuse aujourd’hui. Je suis triste. Mon frère Louis ne nous a pas suivis, parce qu’il est malade à la maison. On a descendu son lit dans la petite salle où marraine (c’est ainsi que nous appelons notre grand’mère) ne le quitte pas. Ce matin elle se penchait sur son lit, l’œil triste...

Cependant il m’a souri. C’est un charmant enfant et nous nous aimons tant! Je ne puis jamais faire un pas sans l’entendre derrière moi.

On l’appelle Mademoiselle Louise, à cause qu’aucune fille n’a de plus beaux yeux bleus, des cheveux plus clairs, plus blonds et plus capricieux. Ces cheveux font le désespoir de mon oncle, impuissant à les maintenir érigés en toupet. Il a beau les tirer, les tordre, les mouiller, ils finissent toujours par reprendre leur ondulation naturelle. Notre voisin, le père Lhiver, barbier et coiffeur, a déclaré qu’on n’en viendrait jamais à bout, «parce qu’il y a là un nid.»

Hier, les clairons qui logent chez la cousine Catherine, sachant qu’il y a un malade chez nous, ont demandé si cela le distrairait d’entendre de la musique. Ils sont venus dans notre cour, se sont mis en rond et ont joué. Louis a dit que cela l’amusait, mais je crois que c’est pour leur faire plaisir, par bonté, car il est encore meilleur que beau.

Ce matin, le malade ne va pas mieux. Les clairons reviennent dans la cour pour recommencer... Louis me dit tout bas que cela lui fait mal à la tête. Je vais les prier de ne plus jouer, et ils partent tout tristes... Tout le monde est triste, papa absent...

On ne travaille pas aujourd’hui. Marraine ne rit pas, elle qui rit toujours... Mon oncle va, vient dans la maison, erre d’une place à l’autre, de la cour au jardin... Me voyant chagrin, il me dit: «Ça ne sera rien, viens, nous irons faire une promenade au marais.» De notre salle d’étude, j’ai souvent regardé le marais, qui, selon la vitre de couleur, apparaît rouge, jaune, violet, vert ou bleu.

La vie d'un artiste : Art et nature

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