Читать книгу La vie d'un artiste : Art et nature - Jules Breton - Страница 25

XXIII

Оглавление

Table des matières

La joie rayonne à la maison. La cloche tinte. Joseph m’apporte une énorme Pâque, tout embaumée et ruisselante de rosée, cueillie dans le voisinage, car nous n’avons pas d’aussi grand buis.

Louis Mémère et François Lhiver arrivent endimanchés, tenant à la main deux grêles et misérables Pâques. Il faudra qu’ils les tendent bien haut en montant sur le banc, lorsque M. le curé passera avec son goupillon. Ils ont bien, en sortant, la ressource de les tremper dans le bénitier; mais c’est défendu.

Le din-din sonne le dernier coup.

Nous suivons les fidèles qui se rendent à l’église. les hommes en vestes courtes dont les poches laissent sortir l’étui de leur pipe; les femmes en larges mantelets noirs ou lilas, avec capuchon, les plus riches ornés de fourrures. Les femmes pauvres portent des carrés d’étoffe noire couvrant la tête et tombant sur la taille avec un seul petit ornement brodé en soie de couleur: une croix, un saint sacrement.

Nous rencontrons des petits camarades fiers de leurs Pâques; les grandes personnes se contentent d’une mince branche de buis tenue entre les doigts. L’église regorge de monde et s’emplit de la senteur des mille rameaux.

M. le curé fait le tour de l’église avec son goupillon et, à son passage, toutes les pâques se lèvent comme un massif de buis.

Sur les degrés du banc de communion qui traverse l’église, fermant le chœur et les autels latéraux de sa haie de feuillages sculptés, se presse, s’agenouille ou s’asseoit une longue file d’écoliers, les uns dégourdis et polissons, les autres sages comme des images.

Il y a là toute une variété de têtes larges ou pointues avec des oreilles plus ou moins écartées, des cheveux où domine le blond ardent, allant parfois jusqu’au blanc jaune, si hérissés qu’ils font penser aux éteules d’un champ après la moisson et que leur rébellion résiste à une épaisse couche de saindoux.

Parfois un profil, couvert de taches de rousseur, se retourne, le nez retroussé, les dents longues et blanches, l’oeil bleu, pétillant de malice. Tout ce petit monde se pousse du coude, remue les épaules et se gratte.

Le curé sort de l’église avec les chantres et les enfants de chœur: on lui ferme la porte au nez et il faut qu’il frappe trois coups pour qu’on la lui rouvre. Ce jeu m’amuse. Après l’ite, missa est, les gamins, se dérobant aux taloches du maître, se précipitent au bénitier où ils trempent leurs Pâques, et soulèvent une tempête qui agite l’eau bénite et la répand sur les dalles.

Trois jours après mon frère Émile, étant au bras de sa bonne, affirme avoir vu passer dans le ciel les cloches partant pour leur long voyage de Rome, tandis qu’au village on entendait le bruit crépitant des premières crécelles.

La vie d'un artiste : Art et nature

Подняться наверх