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XXI

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Le printemps avait, ce jour-là, comme un pâle sourire de soleil malade.

Nous longeâmes la Souchez, qui, traînant lentement ses eaux grises à fleur de ses rives, reflétait, sous les herbes et les pissenlits, le ciel tendre et neutre à peine azuré à sa voûte. Les premières hirondelles rayaient l’air de leurs traits noirs, si près de l’eau, qu’elles y trempaient, par instants, leur ventre blanc...

Nous prîmes le sentier vert qui s’enfonce dans le bois. Des taillis d’aulnes, de saules et de trembles s’entre-croisaient, innombrables, semblables à un brouillard violâtre, et se couvraient comme d’une poussière verte de leurs feuilles naissantes.

De temps en temps, les fossés qui les traversaient venaient finir à nos pieds, dans des mares, au milieu des joncs droits et immobiles.

A leur limpidité, à leur tranquillité, on pouvait compter les plantes moussues qui s’élevaient de leur lit et d’où s’échappaient d’adorables fleurs blanches, si fraîches, si fragiles, légèrement rosées, en forme de candélabres.

A chacun de nos pas, c’étaient des plongeons de grenouilles bronzées et dorées. Au milieu des verdures pâles, des demoiselles d’émeraude et de feu cinglaient les roseaux de leurs ailes rapides; et, presque à fleur d’eau, des nichées de têtards, fraîchement éclos, pullulaient, ivres d’un premier soleil, et faisaient incessamment vibrer les mille queues flamboyantes de leur fol et noir tourbillon.

J’avais le cœur gros.

Je cueillis des poignées de joncs pour en faire des gayolles (petites cages), et des branches de saule pour les transformer en sifflets, comme cela se fait, en décollant adroitement l’écorce après l’avoir longtemps frappée du manche du couteau.

Sur les bords des fossés, des plantes dressaient de hautes aigrettes pourprées.

J’avais le cœur gros.

Mon oncle ne parlait pas.

Nous entrâmes dans le bois, où les anémones blanches et des violettes très pâles tremblaient au passage.

Là, mes regards furent attirés, pour la première fois, par ces charmants pompons jaunes si parfumés qui fleurissent en touffes aux branches d’une espèce de saule que nous appelons paquet. Des essaims d’abeilles les enveloppaient de leur vol bourdonnant, et celles qui les fouillaient en détachaient une poussière d’or embaumée qui s’attachait à leurs pattes et dont une partie s’écroulait en minuscule avalanche de lumière

Je jetai mes joncs et mes sifflets et je me fis un bouquet de ces radieux pompons jaunes, qui, soudain, avaient fait passer dans mon âme triste comme un éclair de gaieté.

Je cueillis ce bouquet pour l’apporter à Louis. Il me semblait que la joie qu’il en ressentirait le guérirait aussitôt.

Le cœur me battait en rentrant à la maison. Mais Louis ne fit pas mine de voir mon bouquet et je compris qu’il était bien malade...

Alors je me coulai dans un coin du jardin et mes larmes tombèrent silencieusement...

La vie d'un artiste : Art et nature

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