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LE DRAGON DE Mlle JULIETTE

Table des matières

Beaucoup de dames font de leurs années ce que les avares font de leurs écus: plus elles en ont, plus elles les cachent. Jugez, dès lors, de quelle influence jouit la bonne d’une de ces dames, sur sa maîtresse, dont une circonstance lui a fait connaître l’âge. Et si, en possession de ce secret, elle est à couteaux tirés avec le concierge, préposé de ladite dame, propriétaire de ladite maison, vous voyez tout de suite la déplorable situation du pauvre homme.

Un jour, poussé à bout par les insolences de Mlle Juliette Jarrois (c’est le nom de la bonne), il lui a administré un de ces coups de pied qu’on n’envoie guère qu’aux gamins, d’où la perle de sa loge, et le voici, par-dessus le marché, amené chez le commissaire de police.

Le Commissaire (à la plaignante): Dans quelles circonstances cet homme vous a-t-il frappée?

La Plaignante: Dans la circonstance qu’attendant une lettre de ma mère...

Le Concierge: Votre mère, qui a un casque? C’est un dragon!

La Plaignante: C’est faux!

Le Concierge: C’est faux? même que je l’ai vu monter plusieurs fois par l’escalier de service.

La Plaignante: Pas pour moi.

Le Concierge: Non, qu’on demande à Mlle Anaïs, la cuisinière, en face la porte, c’est elle qui me l’a dit.

La Plaignante: Elle a menti et vous aussi.

Le Concierge: Même que j’en ai prévenu votre patronne; mais comme vous m’avez dit, un jour, que vous saviez son âge et que ça vous permettait de faire ce que vous vouliez...

Le Commissaire: Voyons, pas de discussion ici. (A la plaignante). A propos de quoi cette scène a-t-elle eu lieu?

La Plaignante: A propos que je regardais dans les lettres si la mienne y était; alors Monsieur est arrivé comme un furieux m’arracher les lettres de la main; c’est donc de là...

Le Concierge: Moi, furieux? mais, Messieurs, quand je lui ai retiré les lettres, qu’elle lisait toutes les adresses, ça l’a mise dans un état! Je ne sais pas s’il vous est arrivé d’enlever les petits d’une hyène pendant que la mère était là ; eh bien! ça n’est rien auprès des fureurs de Mademoiselle qui a cherché à me griffer la figure. Aussi je me suis dit: «Doré en avant, je cacherai les lettres, vu l’habitude de Mademoiselle de les farfouiller.»


Le Commissaire: Enfin, c’est à ce propos que vous lui avez lancé un coup de pied.


Le Concierge: Mais, Monsieur, cette demoiselle me persécutait de sa haine, depuis que j’ai parlé à la propriétaire du dragon, à preuve que c’était vrai.

La Plaignante: C’est faux!

Le Concierge: J’ai des certificats de plusieurs locataires qui déclarent comme par lequel cette demoiselle...

Le Commissaire: Ils ne prouveront pas que vous ne l’avez pas frappée.

Le Concierge: Non, mais ça prouve que j’ai été poussé à bout, dont voilà les certificats à la pluie de ce que je dis.

Le Commissaire: C’est une atténuation, mais non une excuse.

Le Concierge: Et j’en ai d’un autre propriétaire chez qui j’ai dirigé la loge avec tant de distinction pendant douze ans, je peux le dire.

Pendant que le secrétaire du commissaire rédige le procès-verbal.

Le Concierge: Oui, Mademoiselle me persécute de sa haine; on ne persécute pas un homme sans motifs; on poursuit un lièvre ou un chevreuil, pour le manger; mais moi! pourquoi me faisait-elle des farces d’un cocasse terrible?

La Plaignante: Je nie ça; vous avez eu la tète montée par votre femme qui est imbécile aussi.

Le Concierge: Comment aussi?

La Plaignante: Avez-vous la prétention de l’être tout seul?

Le Commissaire: En voilà assez?

Et tout cela va recommencer à la police correctionnelle, pour la plus grande joie de l’auditoire.

Le bureau du commissaire

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