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LE DINER DE MALDENT

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A MOINS d’appliquer aux traiteurs, cafetiers et marchands de vin, l’usage du paiemen d’avance, comme au théâtre, ces marchands de consommations seront toujours exposés à nourrir ou à désaltérer des clients de hasard sans le sou en poche pour payer leur dépense, et c’est ce qui leur arrive souvent à en juger par ceux des consommateurs qu’ils font arrêter dans le nombre.

Nous disons: dans le nombre, parce qu’en général ils laissent aller les pauvres diables qui se sont contentés d’un repas sommaire indiquant l’impérieuse exigeance d’un estomac affamé ; quant à ceux à qui il faut, comme à Maldent, du vin cacheté, du dessert, le café et le pousse-café, ils les font conduire chez le commissaire de police et ont absolument raison.

Maldent: J’ai dit à ce gargotier que j’avais 25 sous à dépenser.

Le Traiteur: C’est faux! j’en lève les deux mains (et il les lève).

Maldent: Si le bon Dieu était juste, il vous laisserait les deux bras comme ça jusqu’à la fin de vos jours.

Le Commissaire: Taisez-vous!


Maldent: Ça le gênerait pour se moucher.

Le Traiteur: Au lieu de faire le farceur, qui ne lui va pas, le sieur Mal aux dents aurait mieux fait...

Maldent: Mal aux dents!... comment Mal aux dents?

Le Commissaire: Voulez-vous vous taire!.

Maldent: Je me sais, mais je m’appelle Maldent.

Le Traiteur: S’il m’avait dit qu’il voulait dépenser 25 sous, je ne lui aurais pas donné déjà une bouteille de cacheté à 30 sous et une douzaine d’huîtres.

Le Commissaire (à l’inculpé): Ah! vous pensiez que pour 25 sous on vous donnerait des huîtres et du vin à 1 fr. 50?

Maldent: Je ne pensais rien du tout; il m’a donné ce qu’il a voulu; seulement je me suis dit: La maison est bonne et pas chère, je reviendrai.

Le Traiteur: Oui, mais si vous revenez, je vous reconnaîtrai.

Le Commissaire: Alors il vous a offert 1 fr. 25?

Maldent: Offert, non; j’ai mis mon argent sur la table en disant: «Voilà ! et 2 sous pour le garçon.» Alors, voilà Monsieur, au lieu de s’expliquer tranquillement, qui envoie chercher les gendarmes.

Ah! mon commissaire, quand j’ai vu que, croyant dépenser 25 sous, j’en avais pour 6 fr. 75 et que j’allais être plongé dans le fond des gendarmeries! Ah! voyez-vous, si j’avais eu un revolver...

Maldent n’achève pas sa pensée, mais c’est évidemment celle d’Arnal dans Riche d’amour: Je l’aurais bien vendu 6 fr. 75

D’ailleurs (ajoute-t-il) je n’aurais pas pu donner davantage n’ayant plus de macaroni.

Le Traiteur: Du macaroni? il n’en a pas pris.

Le Commissaire: Quel macaroni?

Maldent: Quel... ah oui... c’est l’argent, je l’appelle le macaroni parce que ça file...

Le Traiteur: Il m’a dit alors, qu’il avait, à une adresse, que je ne me rappelle plus, un ami qui lui prêterait de l’argent et il me demande d’y aller avec lui. Je consens; nous allons ensemble; c’était une blague.

Maldent: Oh! à preuve, voilà ; je dis au concierge, si mon ami Pailleux est chez lui, il me dit que oui; je lui dis de dire s’il faut que je monte; il va demander s’il faut que je monte et me dit qu’il faut que je monte; alors je dis à Monsieur: «Faut que je monte:» Là-dessus je monte et v’là monsieur aussi qui monte; je lui dis qu’il ne faut pas qu’il monte.


Le Traiteur: Parce que vous me montiez le coup, vu que le concierge m’a prévenu qu’il y avait une autre sortie.

Le Commissaire: Enfin, l’ami?

Le Traiteur: L’ami, nous y avons été ; il nous a envoyés coucher.

Maldent: C’est un mufle, je lui dirai quand je le verrai.

Ordre est donné de conduire Maldent au Dépôt, en attendant sa comparution en police correctionnelle.

Maldent: Un homme que j’ai été à sa noce!... c’est un mufle! v’là mon caractère.

Le bureau du commissaire

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