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MONOGRAPHIE DU COMMISSARIAT

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Tous les grincheux, voisins susceptibles, portières, cuisinières et autres partisans de la justice sommaire, à qui vous conseillerez de soumettre leurs griefs au commissaire de police, vous diront: «Ah! les commissaires de police! à moins qu’on ait été assassiné, de quelque chose qu’on se plaigne à eux, ça ne les regarde jamais. Nous les connaissons, les commissaires de police.»

Et c’est aussi, parce que les commissaires de police les connaissent, qu’ils font la réponse, généralisée comme on l’a vu, à ces clients éconduits.

Or, vous allez voir comme rien ne regarde les commissaires de police:

Il n’y a pas, à l’heure qu’il est, moins de 2,000 ordonnances, de l’exécution desquelles ils sont chargés, et je n’en connais guère qu’une (celleinterdisant les pétards, le jour de la fête nationale), qui soit, de leur part, l’objet d’une négligence, bien excusable d’ailleurs, un jour où l’enthousiasme patriotique se mesure au nombre des détonations et où il serait de mauvaise politique de contrarier les électeurs et leurs héritiers.


Vous me direz que la satisfaction de ces jeunes et vieux citoyens a toujours pour résultat le transport, à l’hôpital, de bon nombre d’estropiés, et, à la morgue. de plus ou moins de passants tués au cri (consolant pour eux, il est vrai) de: Vive la République! Mais songez qu’on n’eût pu éviter ces petits accidents de détails qu’en mécontentant le peuple souverain, et qu’après tout, on ne peut pas célébrer la prise de la Bastille sans rappeler, par le bruit de la poudre, ce siège mémorable qui, du reste, en a coûté beaucoup moins que n’en coûtent ses anniversaires.

Car la prise de la Bastille a ceci de particulier qu’elle a été peu meurtrière et ne l’est devenue véritablement qu’à partir du jour où l’on a institué la fête commémorative d’une lutte héroïque de cent mille patriotes contre 32 suisses et 82 invalides. De sorte que si l’ordonnance en question continue à être exécutée comme elle l’a été jusqu’ici, le siège de Troie, qui n’a fait de victimes que pendant dix ans, n’aura été qu’une escarmouche d’avant-postes, comparé à celui de 1789, dont les funestes effets ont recommencé 90 ans après ce fait militaire, ont continué les années suivantes et continueront, vraisemblablement, jusqu’au jour où l’on respectera la loi, hypothèse à peu près inadmissible.


Donc, excepté l’ordonnance interdisant les pétards, toutes les autres sont strictement exécutées par les commissaires de police: au dehors, à toute heure de jour et de nuit, les incendies, les constatations de crimes, de suicides, de noyés retirés de la Seine; les surprises en flagrant délit, de maisons de jeu clandestines, de maisons de débauches, de femmes ou de maris en rupture de ban conjugal; exhumations, réinhumations, embaumements, moulage des corps (toutes opérations auxquelles le commissaire de police doit assister), etc., etc.

A l’intérieur, les interrogatoires de délinquants, les procès-verbaux qui en sont la conséquence, l’audition obligatoire de toutes les variétés de grotesques, à rendre fou l’homme le plus placide; mais il y a 3 règnes dans la nature, plus l’habitude, qui est une 2e nature: c’est ce qui explique la conservation mentale des commissaires de police.

Ce n’est pas tout: y a-t-il à louer une nourrice avec ses dépendances, il lui faut l’autorisation du commissaire, autorisation aussi à donner aux femmes qui veulent se mettre gardeuses d’enfants; mioche disparu pendant la causerie de sa bonne avec un militaire et qu’on vient réclamer; bébés abandonnés sur la voie publique et qu’on apporte; certificats de toutes sortes, visa des livres de logeurs, bijoutiers et brocanteurs, légalisations, etc., etc., et c’est comme cela, de l’ouverture à la fermeture du bureau. Voilà comment rien ne regarde les commissaires de police.

Nous verrons tout à l’heure les comédies qui se jouent continuellement au commissariat; voyons d’abord le décor, je devrais dire les décors, car ils sont plus ou moins confortables, selon les quartiers, sans que les plus soignés rappellent en rien, d’ailleurs, ceux de Théodora ou de Messalina.

Le bureau du commissaire

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