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IV

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Même auparavant, Stepan Pelaguschkine était doux, mais les derniers temps il étonnait le directeur, les surveillants et ses compagnons par le changement qui s’était opéré en lui. Sans en avoir reçu l’ordre, et bien que ce ne fût pas son tour, il se chargeait des travaux les plus pénibles, entre autres, le vidage du cuveau. Malgré cette humilité, ses compagnons le respectaient et le craignaient, car ils connaissaient son courage et sa grande force physique, surtout après une histoire avec deux vagabonds qui l’avaient attaqué et dont il s’était débarrassé après avoir cassé le bras à l’un deux. Ces vagabonds s’étaient entendus pour tricher aux cartes afin de dépouiller un jeune prisonnier qui avait de l’argent. Et, en effet, ils le dépouillèrent. Stepan intervint pour lui et reprit aux vagabonds l’argent qu’ils lui avaient gagné. Les vagabonds se mirent à l’injurier, et ensuite le frappèrent, mais il les terrassa tous les deux. Le directeur ayant ordonné une enquête pour savoir la raison de la querelle, les vagabonds dirent que c’était Pelaguschkine qui, le premier, avait commencé à les frapper. Stepan ne se défendit point et accepta docilement la punition qu’on lui infligea: trois jours de cachot et le transfert dans la cellule.

La cellule lui était pénible parce qu’elle le séparait de Tchouieff et de l’évangile, et surtout parce qu’il craignait le retour des spectres noirs. Mais il n’eut pas de visions. Toute son âme était pleine d’un sentiment nouveau, joyeux. Il eût été heureux de son isolement s’il avait pu lire et avoir l’évangile.

On lui aurait bien donné l’évangile, mais il ne savait pas lire.

Étant enfant il avait commencé à apprendre à lire d’après la méthode ancienne, mais par manque de capacité il n’était pas allé au-delà de l’alphabet et n’avait jamais pu comprendre la formation des syllabes; aussi était-il resté illettré. Maintenant il résolut d’apprendre à lire et demanda au surveillant l’évangile.

Le surveillant le lui apporta, et il se mit au travail. Il reconnut les caractères, mais impossible de composer les syllabes. Il avait beau se travailler la cervelle pour apprendre comment les mots se composent de lettres, rien n’en sortait. Il ne dormait pas la nuit. Il ne voulait plus manger, et sous l’influence de l’angoisse, il fut envahi par une telle quantité de poux qu’il ne pouvait s’en débarrasser en se grattant.

— Quoi! Tu n’y arrives toujours pas? Lui demanda une fois le surveillant.

— Je n’y arrive pas.

— Mais, connais-tu le Pater?

— Oui.

— Si tu le connais, alors, lis-le, le voilà.

Et le surveillant lui indiqua dans l’évangile le passage où se trouve cette prière.

Stepan se mit à lire en comparant les lettres qu’il connaissait avec les sons qu’il connaissait.

Et tout d’un coup, le mystère de la composition des syllabes lui fut révélé: et il commença à lire. Ce fut une grande joie. Depuis il se mit à lire, et le sens qui se dégageait peu à peu des mots difficilement compris, recevait pour lui une importance encore plus grande.

Maintenant l’isolement ne lui pesait plus mais le réjouissait, et il fut contrarié quand on le plaça de nouveau dans la salle commune, parce qu’on avait besoin de sa cellule pour des criminels politiques qui venaient d’être amenés.

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