Читать книгу Tous les Contes de Léon Tolstoi (151 Contes, fables et nouvelles) - León Tolstoi - Страница 119
IX
ОглавлениеVassili connaissait cette cellule où on le transféra. Il en connaissait bien le plancher, et dès qu’il y fut enfermé, il se mit à disjoindre les planches du parquet. Quand il eut obtenu une ouverture assez large pour y passer, il se fit de même un passage dans le plafond de la salle qui se trouvait en dessous et qui était le dépôt mortuaire. Ce jour, il y avait un cadavre sur la table du dépôt. Dans ce même dépôt se trouvaient des sacs pour le foin. Vassili savait ce détail et avait compté sur ces sacs. Il tira le mentonnet, sortit par la porte et passa dans des latrines en construction. Au bout du couloir, dans ces latrines, il y avait un trou qui allait du troisième étage au sous-sol. En tâtant, Vassili trouva la porte et retourna dans le dépôt mortuaire, enleva le linceul du cadavre déjà refroidi (en soulevant le linceul il avait touché sa main), prit les sacs et les lia les uns au bout des autres pour en faire une corde, puis porta cette corde dans les latrines. Là il attacha la corde à une poutre et descendit. La corde ne touchait pas le sol. S’en fallait-il de beaucoup ou de peu, il l’ignorait, mais il n’y avait rien d’autre à faire. Il s’y suspendit et sauta. Il se fit mal aux jambes, cependant il pouvait marcher.
Dans le sous-sol il y avait deux fenêtres, assez larges pour qu’on y pût passer, mais elles étaient grillées. Il fallait arracher les barreaux de fer. Mais avec quoi? Vassili se mit à fouiller le sous-sol. Il y avait là des planches. Il trouva une planche avec un bout pointu, et se mit à disjoindre les briques dans lesquelles étaient scellés les barreaux. Il travailla longtemps. Le coq chantait déjà pour la seconde fois et les barreaux tenaient toujours. Enfin, un côté céda. Vassili enfonça la planche, appuya, la grille se détacha, mais une brique tomba avec bruit. La sentinelle pouvait avoir entendu. Vassili se tint immobile. Tout était tranquille. Il grimpa à travers la fenêtre. Pour s’enfuir, il lui fallait escalader le mur. Dans un coin de la cour se trouvait une bâtisse. Il devait grimper sur cette bâtisse, et de là sur le mur. Pour cela il avait besoin d’un morceau de bois, autrement impossible de grimper sur la bâtisse. Vassili retourna au sous-sol. Il reparut bientôt, une planche à la main, et écouta les pas de la sentinelle. La sentinelle, comme Vassili le pensait, marchait de l’autre côté de la cour. Vassili s’approcha de la bâtisse, s’appuya sur la planche et tenta l’escalade. Mais la planche glissa. Vassili tomba. Il était en chaussettes; il les enleva pour s’accrocher avec les pieds. De nouveau il s’appuya sur la planche, bondit, et, avec les mains, saisit le chéneau. «Mon Dieu! Pourvu que ça ne tombe pas!» Il grimpe le long du chéneau et voilà son genou sur le toit. La sentinelle s’approche. Vassili se couche. La sentinelle ne le voit pas, s’éloigne et Vassili s’élance. La ferraille craque sous ses pieds. Encore un pas, deux, voici le mur. On peut le toucher de la main. Une main, l’autre – se tendent et il est sur le mur. Pourvu qu’il ne se tue pas en descendant. Vassili se suspend par les mains, s’allonge, lâche une main, l’autre… «Ah! Seigneur Dieu!» Il est à terre. Et la terre est douce. Ses jambes sont indemnes et il s’enfuit. Dans le faubourg, Mélanie lui ouvre la porte et il se couche sous la couverture chaude faite de petits morceaux.