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LA MOMIE I
WILHEM JACOBUS L’EMPAILLEUR.

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Table des matières

Huit heures du soir sonnaient au beffroi de Rotterdam lorsque Wilhem Jacobus rentrait chez lui.

Au lieu d’aller faire sa petite partie chez son compère Van Coppen, le marchand d’arsenic, au lieu d’aller voir Mlle Elisabeth, sa bonne amie, Wilhem, le vieux Wilhem, rentrait chez lui.

Nous autres historiens, qui avons le privilège de tout savoir avant tout le monde, disons d’abord que notre héros, Wilhem, était gris.

Oui, ce brave naturaliste-empailleur avait trop bu.

Il avait trop bu chez le directeur du cabinet anatomique de Rotterdam qui venait de lui faire une commande magnifique.

Il s’agissait d’empailler trois ibis de la Haute-Égypte, deux phénicoptères, un lama, un ours blanc, trente-sept oiseaux-mouches, un aigle, un condor, quinze tortues, et deux boas.

Wilhem Jacobus n’avait jamais empaillé tant de bêtes à la fois.

Il y avait bien, ma foi, de quoi griser un juif.

Il rentra donc chez lui en titubant et, tout d’abord, il alluma une petite lampe qui jadis avait servi à honorer les corps des premiers martyrs chrétiens.

C’est alors qu’on put voir l’intérieur de cet illustre praticien.

Dans une chambre, aussi vieille que vaste, se trouvaient les uns sur les autres, entassés sans ordre et couverts de poussière, les animaux les plus monstrueux et les plus disparates.

Un éléphant énorme semblait dormir à côté d’une panthère noire de Java. Un lion d’Afrique était accroupi, non loin de là, sous un énorme crocodile pendu au plafond, lequel, dominant le roi du désert, faisait l’effet d’une épée de Damo-clès. De tous côtés, des oiseaux de toutes sortes, des fossiles, des minéraux, des plantes marines, des coraux, des coquillages et des insectes.

Dans un coin, à peu près caché à tous les yeux, se dressait la nouvelle acquisition de Wilhem Jacobus.

La description de ce trésor, car c’était un trésor! demande quelques préliminaires.

Wilhem, habile empailleur, était un pauvre ignorant; mais son ignorance ne l’empêchait pas d’être un usurier des plus adroits.

Dans ses petits trafics d’argent, il était rarement déçu. Ses précautions étaient toujours bien prises et les renseignements qu’on lui donnait passaient toujours par une série de contrôles des plus sûrs.

Le matin même, un riche étranger s’était présenté chez lui pour contracter un emprunt important.

Wilhem commença par assurer qu’il n’avait pas d’argent, puis peu à peu ouvrit l’oreille.,

Il s’agissait de donner une dizaine de mille francs en échange d’une. (j’hésite. tout autre que moi hésiterait bien plus!)

D’une. momie!

Une momie!

Mais cette momie était un trésor.

La boîte précieuse, recouverte d’hiéroglyphes et de dessins bizarres, contenait le corps parfaitement conservé de Cléopâtre, la reine d’Égypte.

Des papyrus, des parchemins contenant les attestations des savants du monde entier et de tous les temps étaient joints à la fameuse relique. Le doute n’était plus permis.

Wilhem Jacobus douta cependant. Muni des précieux documents, il alla trouver le directeur du cabinet anatomique de Rotterdam, lequel le retint à dîner en lui affirmant qu’il trouvait ces pièces authentiques.

Avant le dîner, le juif, prétextant une affaire, avait été rendre visite à maître Justin Oysel un puits de science en cette matière, et maître Justin Oysel ayant regardé les papyrus et les parchemins, lui avait dit en termes précis: «que s’il possédait la momie de Cléopâtre, il la lui achetait comptant, le double de ce qu’elle lui avait coûté.»

L’affaire ne fut pas longue à faire. Wilhem compta trois mille écus au riche étranger qui les accepta sans réplique, abandonnant à tout jamais ses droits sur la relique historique,– et revint chez maître Justin Oysel, qui s’engagea, par écrit, à payer dix mille écus à Wilhem Jacobus, en recevant chez lui les restes de la fameuse maîtresse des triumvirs romains.

Voici pourquoi Wilhem Jacobus avait un trésor dans sa boutique.

Et voici pourquoi le succulent repas qu’il avait pris chez le directeur du cabinet anatomique de Rotterdam l’avait complètement grisé

Plus tard, nous dirons quel était le riche étranger.

En attendant.

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