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IV
LE CABINET DE TOILETTE DU PRÉSIDENT

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Table des matières

Le président était un homme ambitieux; mais c’était un véritable savant, et comme sa science servait de marchepied à son ambition, il ne reculait devant rien pour la rendre de plus en plus transcendante.

Tous ses domestiques avaient servi à ses expériences.

Sa femme, elle-même, était depuis dix ans affligée d’une gastrite aiguë amenée par un régime spécial du docteur qui essayait un remède efficace de son invention.

Du reste tout cela se passait secrètement.

Les domestiques expérimentés étaient morts avant d’avoir pu faire des révélations et la femme du docteur ne se doutait même pas qu’elle fût un sujet pour son mari.

Le docteur logeait sur la place principale de la ville; son cabinet de consultations, son salon et sa chambre à coucher avaient vue au dehors; le cabinet de toilette seul prenait son jour du côté des jardins.

Il était grand, ce cabinet de toilette! et il contenait des choses bien étranges!

Quand je vous aurai dit qu’au lieu de savons, d’essences et d’odeurs, on y trouvait des acides, des réactifs, des instruments de chimie, de physique, etc., etc., vous ne serez peut-être pas étonnés d’y retrouver sur trois tables de marbre noir les cadavres ramassés au pied du gibet.

Le président entra dans son cabinet peu de temps après qu’on y eut déposé les corps et ferma sa porte à double tour.

–Vol, viol, meurtre! dit-il, en regardant successivement les trois cadavres; pourquoi? comment? l’origine? le but? Je vais interroger, la science va-t-elle me répondre?

Le vol! causes multiples: l’ambition, la vanité, le besoin, la paresse, la faiblesse.... Comment s’y reconnaître?

Le viol: l’amour, la passion, le tempérament. Le meurtre! tout cela, plus la violence!...

La VUE ROUGE!

On a cherché dans les bosses de la tête, dans les rides des mains, dans la coupe de la face. on a cru trouver, on n’a rien trouvé; c’est à refaire.

Tout cela est du domaine des nerfs qui produisent leurs effets de mille façons différentes.

Ainsi parlait le docteur en disposant les différentes pièces d’une pile électrique.

Tout à coup, Bénédict, ranimé par le froid, se souleva sur sa table de marbre et murmura:

–Où suis-je?...

–Hein? fit le docteur, il n’est pas mort? Bah! nous allons l’interroger. Oh! oh! cela va mieux que je ne l’aurais cru.

Il appela un étudiant, son secrétaire, et le pria d’écrire tout ce qu’il allait entendre.

–Voyons, dit le président à Bénédict, c’est toi qui es le voleur?

–Le voleur! balbutia Bénédict, comment! l’on sait?... Qu’est-il donc arrivé?...

–Tu as volé le grand juge!

–Tout se sait! mon Dieu! mon Dieu! Perdu! Je suis perdu!

–Tu as volé le grand juge, et le grand juge t’a condamné à être pendu.

–Moi? j’ai été pendu? exclama Bénédict.

–Très bien!–mettez en marge: Perte de mémoire, dit le président en s’adressant à l’étudiant, puis il reprit:

–Tu as été pendu avec ton camarade qui a commis le rapt de la jeune fille du juge adjoint, et avec ton autre camarade, lequel s’est permis de tuer l’autre juge adjoint.

–Mais du tout1du tout! s’écria Bénédict qui commençait à s’apercevoir .d’une méprise sans pourtant se l’expliquer. Du tout! Lui, Urbain, il a tué, oui, mais c’est lui qui a commis le viol et non moi; quant à Eudes, celui-là, il est certain qu’il ne peut nier qu’il a commis le rapt. Mais d’ailleurs, qu’importe! Puisque d’autres ont été pendus pour nous, justice est faite. Elle ne serait pas juste si elle donnait deux peines pour un crime. La justice procède avec la loi et la morale. Or, la loi dit que le crime doit être puni– remarquez qu’elle ne dit pas: le criminel. Le crime a été puni, donc la morale est vengée!

Mettez-nous à la porte!

Le docteur était stupéfait!

A ce moment, les deux autres, Urbain et Eudes sortirent de leur engourdissement. En deux mots, Bénédict les mit au courant de la situation. Les trois coquins ne furent pas longs à se décider; ils sautèrent de leurs tables de marbre et dépouillèrent de leurs vêtements le docteur et l’étudiant.

En une minute, ceux-ci furent mis nus comme des vers.

Pendant qu’Eudes et Bénédict s’habillaient, Urbain, le plus vigoureux, gardait à vue le président et son secrétaire.

C’était curieux de voir ces trois hommes nus dont l’un, Urbain, avait des formes athlétiques tellement belles que, malgré sa situation critique, le docteur, tout à la science, ne put s’empêcher de dire à l’étudiant:

–Regardez-donc, monsieur, ces magnifiques pectoraux.

Ace moment, l’on frappa à la porte!

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