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II
CE QUI ARRIVA LE SOIR.

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Le soir, il fit un clair de lune superbe.

La foule, non rassasiée des émotions de la journée, voulut voir la piteuse mine des suppliciés éclairée par les pâles lueurs de la lune.

On y alla en partie de plaisir.

Le fiancé y conduisit la fiancée; le père y alla avec la mère et ses enfants; le Prudhomme du temps dit à son fils: «Vois où conduit l’inconduite!»–Cette ville, réellement, avait l’air d’être très morale. Cependant on arrêta, dès avant minuit, bon nombre de tapageurs et d’ivrognes.

Et ceux-ci, quand on les interrogea, mirent leurs infractions à l’ordre public sur le compte des pendus.

Au fait! ceux-là n’avaient plus rien à craindre!

Vers les minuit, un homme vêtu de noir vint s’asseoir au pied de la potence de Pétrus et ne bougea plus. Comme il était placé dans l’ombre –de la potence, on ne le remarqua pas.

Peu à peu la foule se dispersa et l’inconnu resta seul dans cet endroit funèbre.

Vers les deux heures du matin trois personnages vêtus de pourpoints sombres se dirigèrent , du côté des potences.

–Ah! dit l’un, voici ceux qui payent pour nous.

–Allons-nous-en! s’écria le second.

–Oui! à quoi bon commettre cette imprudence? Fuyons! ajouta le troisième.

–Bah! reprit le premier, ils sont morts et bien morts; quant à nous, nous sommes sauvés!

–Pas encore! murmura une voix étrangère.

–Qui a parlé? Est-ce toi Eudes? Est-ce toi Urbain? Urbain et Eudes répondirent:–Non ce n’est pas moi!

–C’est étrange! reprit le premier qui s’appelait Bénédict. N’avez-vous pas remarqué comme moi que la voix semblait sortir du sommet de cette potence.

–Oui! oui! dirent les deux autres terrifiés. Le pendu n’est pas mort, c’est lui qui a parlé!

–Vous êtes fous! s’écria Bénédict, en les retenant, mais pour vous éviter ces terreurs continuelles, je vais m’assurer si ce brave Pétrus qui s’est, malgré lui, dévoué pour moi, existe encore.

Et Bénédict se mit à grimper après la potence.

Le pendu se balançait au bout de la corde. Saisissant un bon moment, Bénédict s’empara du pied du cadavre et s’y suspendit.

Mais il fut soudain glacé de terreur, en sentant sous sa main le pied qui se contractait et semblait se replier sur lui-même.

Il voulut lâcher prise, mais il ne le put pas: sa main semblait vissée au pied du pendu.

De l’autre main, il essaya de rattraper la potence, mais la potence sembla se reculer. Éperdu, il voulut se laisser retomber par terre, ce fut en vain, ses mains restèrent attachées aux pieds du pendu.

–Hé? Bénédict! cria Eudes, est-ce Petrus qui a parlé?

Bénédict ne répondit pas.

–Parbleu! reprit Eudes, je vais voir si c’est ce pauvre Ghislain.

En disant ces mots, il prit son élan et s’accrocha aux pieds nus de Ghislain, le second pendu.

Chose étrange1le même phénomène se reproduisit pour Eudes comme il s’était produit pour Bénédict.

Urbain, le troisième compagnon, les voyant ainsi, se prit à rire et dit:

–Ma foi, s’il passe quelqu’un par ici, ce sera un singulier spectacle de voir trois potences et six pendus, je vais me suspendre aux pieds d’Yseux.

Et il fit comme il dit.

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