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IV
LE LOGIS DE MAITRE JUSTIN OYSEL.

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Table des matières

La vision bizarre qu’eut Wilhem Jacobus pendant son sommeil bachique lui trotta dans la tête pendant toute la journée.

Le soir, ce n’était plus une vision dans son esprit, la chose avait eu réellement lieu; donc il s’assit dans sa boutique et attendit patiemment le retour de sa chère momie, qu’il avait livrée à maître Justin Oysel.

–Demain, se disait-il, j’irai à la Haye, où je la vendrai une seconde fois.

Cependant, vers les neuf heures du soir, comme ma sœur Anne, ne voyant rien venir, il résolut d’aller voir maître Justin Oysel pour s’assurer si la reine d’Égypte y était encore.

Il ferma donc sa boutique et sortit.

La maison de maître Justin Oysel était située dans une des rues les moins fréquentées de Rotterdam. C’était un vieux petit château urbain, flanqué de tourelles étiques, à clochetons à girouettes, avec fenêtres à ogives grillées. Sur la porte d’entrée en chêne sculpté, noirci par le temps, une chauve-souris immense étendait ses ailes crochues et une orfraie montrait à côté son plumage gris et blanc et son bec carnassier. On eût dit la demeure d’un chasseur ou d’un seigneur de l’ancien temps.

Après une légère hésitation, Wilhem Jacobus se décida à tirer la chaîne d’une sonnette qui fit entendre au dedans un carillon des plus désagréables.

La gouvernante de maître Justin Oysel vint ouvrir, une lumière à la main.,

C’était une grande vieille femme sèche, ridée. et dont la peau avait la couleur jaunâtre du parchemin.

–Que voulez-vous?

–Maître Justin Oysel, répondit le juif.

–Attendez ici.

Et elle partit laissant Jacobus dans l’obscurité.

Heureusement qu’il faisait un superbe clair de lune et qu’à cette lueur bienfaisante Wilhem aperçut, posée provisoirement dans l’antichambre, la précieuse boite qui renfermait Cléopâtre,

Le juif l’ouvrit en tremblant.

La reine d’Égypte n’avait pas bougé.

Il allait déjà lui reprocher sa déloyauté, quand une idée mauvaise s’empara de son esprit:

–Si je l’emportais? se dit-il.–Il n’hésita pas longtemps: il se saisit de la momie et entr’ouvrant la porte de la rue, toujours déserte,–il la plaça dans l’ombre de la tourelle puis il revint pour fermer la boîte restée ouverte; mais il n’en eut pas le temps, la gouvernante l’appelait:

Venez, dit-elle, mon maître vous attend.

Et elle conduisit Wilhem Jacobus dans le cabinet particulier de maître Justin Oysel.

Ce cabinet était une salle immense encombrée de vieilleries. Là, c’étaient des débris romains, des briques d’un camp de César, des lances, des crânes de centurions; ici, des lampes des catacombes, des reliques de martyrs; plus loin on voyait des coquilles anté diluviennes, des trilobites, des ancrines, des polypes et des coraux carbonisés; ailleurs des médailles romaines et étrangères, des monnaies du moyen âge; puis des bustes, des statues, des peintures antiques, des bas-reliefs précieux; enfin dans des bibliothèques fermées avec des vitraux remarquables se trouvaient des livres de prix, des elzevirs, des manuscrits, des bibles, etc., etc. Pour terminer, le plafond et les murs étaient revêtus de nattes, de flèches, de lances, d’arquebuses et d’armes de toutes sortes.

C’est au milieu de ce capharnaüm que le petit clerc André écrivait toute la journée sous la dictée de maître Justin Oysel.

–Que voulez-vous? dit le savant.

Jacobus fut interdit. Il avait oublié de choisir un prétexte.

–Que voulez-vous? répéta maître Oysel.

–Je venais, balbutia Jacobus, au sujet de

–De quoi?

–Hé! j’ai tantôt, en venant ici, oublié mon parapluie!

–Au diable! votre parapluie! la peste! il vient me déranger pour un parapluie! Encore si c’était une antiquité.

–Hé mais! répliqua Jacobus, à qui le flair commercial rendit la parole et l’aplomb, mon parapluie ne date pas d’hier: il a appartenu à Cornelius Tromp qui le tenait de Ruyter.

–Si le fait est vrai, répondit maître Justin Oysel, il doit y avoir la date de1672sur le manche. S’il est chez moi, je vérifierai. Adieu, bonsoir, maître Jacobus, à demain, à bientôt. Jacobus se retira promptement.

En sortant de chez le savant, son premier soin fut de courir à la tourelle pour prendre la momie précieuse qu’il y avait déposée, mais elle avait disparu.

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