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XI

La veille au soir, Georges, se méfiant des faits et gestes de M. Râle, avait recommandé, avant de quitter Brevannes, de tout refuser, s’il se présentait. Lui-même était parti pour Paris, avant l’heure légale, afin de se soustraire à toute difficulté et empêcher ses adversaires de gagner du temps. La matinée était à peine commencée, que maître Râle, sorti de l’ahurissement où l’avait jeté la descente de Georges chez lui, vint au chalet réclamer les papiers.

–Il n’était pas permis, disait-il, d’abuser de la confiance, comme l’avait M. de la Jarnage, et il en aurait raison.

Flavia fut comme le dogue qui défend la porte de son maître, elle ne laissa pas passer M. Râle, qu’elle renvoyait aux Trévanon.

Il y fut en effet. Là, après avoir, avec une hypocrite déférence, réclamé les pièces qu’il avait maladroitement laissées s’échapper de ses mains, il commença à s’emporter en face de l’attitude de l’oncle qui soutenait la conduite de Georges. Toutefois, s’apercevant qu’il allait un peu loin dans sa nouvelle manière d’agir, il crut pouvoir encore protester de son dévouement pour les enfants de Trévanon, dévouement qui l’avait poussé à se faire leur défenseur; mais, pour toute réponse, le vieillard, d’un ton d’autorité, où il mit toute sa force, répondit:

–M. de la Jarnage est chargé par moi de prendre en mains cette affaire, et de la poursuivre autant que sa condition d’étranger lui permettra.

M. Râle, à ces mots, laissa éclater la colère qui, depuis quelques heures, travaillait ses nerfs et son cerveau. Le vieillard et les enfants eurent à subir une suite de reproches insensés et de menaces qui les firent trembler en raison de la méchante nature de leur cauteleux conseiller de la veille. Le voile qui leur avait caché tant bien que mal jusque-là la fourberie et la rapacité de cet homme, ce voile venait de tomber.

Mais cette scène d’emportement, révélatrice de la déception d’une bonne affaire manquée chez M. Râle, avait eu des témoins.

Le bon docteur avait promis, pour ce jour-là, d’accompagner un de ses amis dans le voisinage. Craignant toutefois quelque mauvais tour de l’homme d’affaires dépossédé, il n’était pas sans inquiétude au sujet des Trévanon. Il décida donc son ami à faire un détour par Brevannes. Lorsqu’ils y arrivèrent, M. Râle venait d’y pénétrer et, introduits dans la pièce voisine, ils avaient tout entendu.

Cette circonstance allait profiter à la cause. Du reste, l’affaire, confiée par Georges à un avocat en renom, parut bientôt prendre une tournure tout à fait favorable aux enfants de Trévanon.

Huit jours après, M. Râle fut arrêté sous la prévention de faux; et il ne fut pas difficile aux experts de démontrer que cet intermédiaire de confiance avait pris la plupart des pièces portant la signature de M. de Trévanon, pour étudier cette signature et la reproduire. Sur certaines pièces même on découvrit les traces irrécusables d’un décalque.

Ces faux presque prouvés, c’était évidemment l’annulation des billets, la cause gagnée pour les orphelins et la condamnation des réclamants.

Nos Américains (épisodes de la guerre de sécession)

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