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PREMIÈRE PARTIE

Table des matières

I

Par une chaude journée d’août, les promeneurs qui circulaient au milieu de ces gracieuses villas échelonnées sur les coteaux de Montmorency, et à demi perdues sous les bosquets, remarquaient un chalet de confortable apparence et surtout admirablement situé. Des fenêtres, des jardins et aussi de la terrasse, qu’une retombée de la toiture couvrait d’ombre, on pouvait apercevoir la vallée tout animée de cultures, toute réjouie de luxuriantes luzernes et d’arbres chargés de fruits. Puis, dans le lointain, apparaissait la grande ville ensoleillée!

Mais l’œil curieux du passant était plus particulièrement attiré sur le petit groupe qui occupait la terrasse de cette habitation.

Enfoncée dans un grand fauteuil, dont le velours cramoisi faisait ressortir la blancheur de son front maladif et doux, une femme, jeune encore, écoutait, dans l’attitude fixe et résignée des personnes qui ont beaucoup souffert, la conversation de l’étrange compagne agenouillée près d’elle.

C’était une négresse, dont la tête noire et luisante se détachait comme un marbre poli sur l’étoffe mate des vêtements de deuil de sa maîtresse. Cet être dépaysé, d’aspect un peu repoussant pour nos fiertés d’hommes blancs, eût été vengé en ce moment de l’injuste verdict qui ridiculise sa race, si l’on avait pu lire dans son regard la fidélité, le dévouement, l’angoisse des peines partagées. Il y avait, dans cette servante accroupie aux pieds de celle dont elle s’efforçait de consoler la vie (qu’on m’en pardonne la comparaison), quelque chose de l’instinctive et vigilante tendresse du chien, avec toutes les délicatesses intelligentes de la tendresse humaine.

–Maîtresse, pas pleurer. disait la bonne Flavia, en tournant, vers le visage pâle et encore si beau de la jeune femme, ses grands yeux caressants. Maîtresse, pas pleurer. pensez à M. de la Jarnage… du ciel, s’il voyait vous pleurer… maîtresse, courage… puis joie!… joie!… enfants vont venir!

Un rayon de bonheur illumina le front de la malade.

Oui, ils allaient venir; elle sentirait leurs chaudes caresses ranimer sa vie épuisée. Elle touchait à la fin du grand sacrifice qu’elle avait cru devoir faire à la mémoire de son mari et au désir, si souvent exprimé par lui, de voir donner une éducation plus complète à ses enfants dans les meilleures institutions de France. Ces jours de séparation qui, dans sa vie brisée, marquaient une longue abstinence de bonheur, allaient cesser. Désormais elle les posséderait tout à fait à elle.

–Oui, tout à fait, maîtresse, répétait Flavia, et ils sont si bons, si beaux!… maîtresse vivre longue vie pour Georges et Madeleine.

–Oh! oui, longue vie, dit avec un regard d’incrédulité la pauvre mère. Ce devrait être.

Elle allait retomber dans quelque pressentiment douloureux, lorsque le bruit d’une voiture arriva de l’avenue voisine. La grille s’ouvrit bruyamment: Georges et Madeleine étaient dans ses bras, l’entourant de caresses, de baisers et de bonheur.

Flavia s’était doucement retirée, non sans avoir embrassé ces deux beaux enfants qu’elle avait nourris de son lait.

Discret témoin de cette scène attendrissante, le frère de Mme de la Jarnage, le bon oncle Charles, qui venait de ramener Georges et Madeleine à leur mère, se tenait un peu à l’écart. Il goûtait cependant une joie profonde. Ce retour était pour lui comme le retour de l’espérance, Mme de la Jarnage allait revivre. Il le croyait du moins.

Nos Américains (épisodes de la guerre de sécession)

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