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II

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Robardic, quoiqu’il fût devenu le favori du seigneur, continuait à mener paître son troupeau. Mais, maintenant que le vieux sanglier n’était plus à craindre, les bêtes allaient où elles voulaient, cherchaient librement les bons endroits, se régalaient d’herbe savoureuse et engraissaient à plaisir. Leur jeune gardien, de son côté, quand il les voyait bien installées dans quelque gras pâturage, profitait de sa liberté pour se promener aux alentours et jouir des beautés de la forêt. Il en découvrait chaque jour de nouvelles. Tantôt c’était quelque chêne gigantesque, au tronc colossal, à l’immense ramure, tantôt c’étaient des rochers bizarres, couverts de mousse et de fleurs sauvages, tantôt une claire fontaine, jaillissant d’un roc tout enguirlandé de verdure et courant, avec un murmure agréable, sur les cailloux de son lit.

Un jour, il arriva près d’un vieux château entouré de ronces et d’épines, et à demi enfoui sous le lierre. On l’aurait dit abandonné depuis plus de cent ans.

Écartant avec son bâton les grandes traînes de ronces qui s’attachaient à ses vêtements, coupant avec son couteau les herbes folles qui enchaînaient ses pas, il parvint, non sans peine, jusqu’à une petite porte dans l’épaisseur du mur. Elle s’ouvrit à la première pression, et il pénétra dans une cour absolument déserte.

Il voulut alors visiter l’intérieur du château, mais il ne put y réussir, les serrures, solidement fermées, défièrent tous ses efforts. Il allait s’en retourner, quand il remarqua, à l’angle de la cour, un bâtiment, dont la porte, très basse et très étroite, était restée ouverte. Il y entra, et, à sa grande surprise, se trouva dans une vaste et belle écurie. Un beau cheval noir y dormait sur la paille fraîche, en compagnie d’un joli chien, noir aussi.

Sur une table massive, étaient posés une armure, un casque et une épée, couleur de la lune. Robardic, saisi d’admiration, ne se lassait pas de manier et de contempler ces belles armes. Mais apercevant une porte qui conduisait dans une autre salle, il y courut et vit un cheval encore plus beau que le premier. C’était un coursier de bataille d’un gris d’acier, un lévrier gris se tenait gravement assis auprès de lui.

Au mur, étaient pendus une armure, un casque et une épée, couleur des étoiles.

Robardic, toujours plus ébloui d’admiration, ne s’arrêta pourtant que peu d’instants à regarder ces merveilles, car dans une troisième salle, à la suite de la seconde, rayonnaient, comme des soleils, une cuirasse d’or ciselé, un heaume, une épée et un bouclier en or aussi. Un magnifique cheval blanc, dont la longue queue touchait le sol, portait fièrement une housse dorée, et un beau chien blanc, avec un collier d’or, lui tenait compagnie.

«A qui donc peut appartenir tout ceci? se dit Robardic; je le verrai sans doute sur le collier du chien.»

L’animal le laissa approcher et il lut:

J’appartiens au sanglier, le roi de la forêt.

«Bon! s’écria notre jeune gars tout joyeux, j’ai tué le sanglier: son château et ses biens sont ma conquête. Je suis le maître de ces beaux chevaux, c’est à moi que seront ces brillantes armures! Je veux les essayer!»

Tour à tour, il se revêtit des armes couleur de la lune, couleur des étoiles et couleur du soleil. Par un prodige qui le ravit, ces armes, dons de féerie, s’ajustèrent à sa taille comme si elles avaient été faites pour lui.

Il s’en dépouilla, bien à contre-cœur; mais le soleil se couchait tout rouge derrière la tour carrée du château: il était temps de songer au retour.

«Je ne suis qu’un pâtre, se dit Robardic, mais j’ai du cœur, je suis vigoureux et adroit; voici des armes et des chevaux, je veux devenir un chevalier!»

Il sortit du château et retrouva son chemin sans peine. Ses bêtes étaient encore où il les avait laissées, il les ramena au logis et s’alla coucher tout rêveur, après avoir soupé du bout des dents, car il ne pensait qu’aux choses merveilleuses vues ce jour-là.

Contes du pays d'Armor

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