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I

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Il y avait une fois trois frères, qui se nommaient: Yvon, Goulven et Guyon. Leur mère étant morte, ils demandèrent à leur père de donner à chacun d’eux la part qui lui revenait dans la succession, car ils voulaient aller chercher fortune par le monde.

«Hélas! mes enfants, dit le vieillard, vous savez que nous ne sommes pas riches. Je n’ai à vous donner qu’un chat, un coq et une échelle. Ce n’est pas grand’chose, comme vous voyez, mais partagez-les entre vous, car c’est là tout votre héritage.

–Eh bien! dirent les trois frères, nous nous en contentons! Tirons les lots à la courte paille.»

Le père prit trois brins de paille d’une longueur inégale: l’un représentait le chat, l’autre le coq, le troisième l’échelle, et les présentant à Yvon, l’aîné, il lui dit de tirer le premier. Goulven vint ensuite et Guyon eut le dernier brin restant. Alors on vit que le sort avait donné le chat à Yvon, le coq à Goulven, l’échelle à Guyon. Ils prirent leur part d’héritage, tel qu’il leur était échu, et se disposèrent à partir. Leur père accompagna ses trois fils jusqu’à un carrefour voisin où se croisaient quatre chemins. Là, ils se firent leurs adieux, s’embrassèrent en pleurant, prirent L’engagement de se retrouver au même endroit, au bout d’un an et un jour, et s’éloignèrent par trois routes différentes; le père, avant de prendre la quatrième pour retourner chez lui, s’assit sur une pierre et, tristement, les regarda s’éloigner.

La route qu’avait prise Yvon le conduisit au bord de la mer. Il suivit longtemps le rivage, sans rencontrer d’habitation, et, pendant plusieurs jours, lui et son chat n’eurent d’autre nourriture que des moules, des palourdes et des patèles. Enfin, il aperçut à l’horizon, sur la falaise, les murs et les tours d’un château. Il se dirigea de ce côté et trouva d’abord un moulin, qui dépendait du château. Il s’arrêta sur le seuil, portant son chat sur le bras gauche, et ouvrit de grands yeux à la vue de ce qu’on faisait à l’intérieur du moulin. Quatre hommes, en bras de chemise, armés de gros bâtons, couraient deçà delà, après des souris, qui trottaient partout. Ils se démenaient tant qu’ils pouvaient, et n’arrivaient à rien, car leurs coups de bâton tombaient toujours à côté des malignes bêtes, qui filaient entre leurs jambes pour aller se cacher dans les trous.

Yvon riait silencieusement, en voyant tout ce manège.

«Qu’avez-vous à rire ainsi? dit un des hommes, en épongeant sur sa manche la sueur qui dégouttait de son front.


TRISTEMENT, LE PÈRE LES REGARDA S’ÉLOIGNER.

–C’est que vous vous donnez une bien grosse peine pour bien peu de chose, répondit Yvon.

–Comment? pour peu de chose!–Vous ne savez pas que si nous laissions faire ces maudites souris, elles troueraient nos sacs, mangeraient la farine et le blé et nous réduiraient à mourir de faim ?


«QU’AVEZ-VOUS A RIRE AINSI?»

–Vous n’avez donc pas de chat? dit Yvon.

–De chat? Qu’est-ce que vous voulez dire avec vos chats? On ne connaît pas cela dans ce pays-ci.»

Yvon montra Minet, qu’il caressait de la main.

«Voilà Monseigneur le chat, dit-il, en riant. A lui seul, en moins d’une heure, il fera plus de besogne que vous quatre en toute une année. Il vous aura bien vite délivrés de vos souris.

–Allons donc! vous plaisantez! Ce petit animal-là! Il n’a pas l’air méchant du tout; il est là, tout pelotonné sur votre bras.

––Voulez-vous le voir travailler?

–Oui, voyons un peu ce qu’il sait faire?»

Yvon lâcha Minet, qui, ayant grand faim, ne se fit pas prier pour entrer en chasse. Les souris n’avaient jamais vu de chat, elles ne s’en défiaient pas; en moins de cinq minutes, il en fit un massacre effrayant. Les quatre hommes, étonnés, le regardaient faire.–Une heure après, tout le sol du moulin était jonché de souris mortes; on les ramassait au râteau, pour en faire des tas. Un des meuniers courut au château et dit au seigneur:

«Hâtez-vous de venir au moulin, monseigneur; vous y verrez la chose la plus étonnante que vous ayez jamais vue de votre vie.

–Et quoi donc? dit le seigneur.

–Il est arrivé, nous ne savons pas de quel pays, un homme avec un petit animal, qui a l’air bien doux et qui, en un clin d’œil, a tué toutes les souris contre lesquelles nous avions tant de peine à défendre votre blé et votre farine.

–Est-il possible! Je voudrais bien que cela fût vrai!» s’écria le seigneur, et il vint en hâte au moulin.

En voyant la besogne du chat, il resta saisi d’admiration, la bouche ouverte et les yeux écarquillés; puis, apercevant l’auteur de tout ce carnage, qui, repu, tranquille, clignotant, assoupi sur le bras d’Yvon, faisait ronron, comme le rouet que tourne une filandière, il demanda:

«C’est cet animal, si paisible et si doux, qui a travaillé si vaillamment?

–Oui, monseigneur; lui tout seul, dirent les garçons meuniers.

–Quel trésor qu’un pareil chasseur! Ah! si je pouvais l’avoir! Voulez-vous me le vendre, l’ami?

–Je ne dis pas non, dit Yvon en caressant son chat.

–Combien en voulez-vous?

–Six cents écus, le logement et une bonne pension pour moi-même, dans votre château, car Minet ne travaillerait pas bien si je ne restais pas avec lui.

–C’est entendu. Topez là!»

Et ils se frappèrent dans la main.

Le seigneur emmena avec lui Yvon dans le château, l’installa au mieux et le traita de même. Notre gars n’avait rien à faire que manger, boire, se promener, chasser et pêcher. Il n’oubliait pas son ami Minet, et allait tous les jours lui faire une petite visite au moulin. Au bout de quelque temps Yvon, qui était aimable et gai et de plus fort joli garçon, conquit si bien l’amitié du seigneur et les bonnes grâces de sa fille, qu’il devint l’heureux époux de celle-ci

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