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LA MALAISIE

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Archipel Malais. — Iles de la Malaisie.

Archipel Malais. — Ce groupe d’îles est habité par une race au teint cuivré, aux cheveux longs et aux pommettes saillantes. Les Malais sont de beaucoup supérieurs aux sauvages qui peuplent la plupart des îles de l’Océanie, mais leur demi-civilisation est tout entière empruntée à l’Asie. Du reste les Malais ne sont pas les seuls habitants de l’Archipel malaisien. Les îles de Sumatra el de Bornéo sont en grande partie peuplées de sauvages qui appartiennent à d’autres races. Outre les îles de la Sonde, Java, Sumatra et Bornéo, la Malaisie comprend l’île de Célèbes, l’archipel des Moluques et celui des Philippines.

Madame Ida Pfeiffer, dans son Voyage autour du monde, dépeint ainsi les Malais:

«Les Malais sont mahométans, mais diffèrent de ceux de l’Orient par des coutumes qui leur sont particulières. Leurs femmes jouissent de beaucoup de liberté, elles sortent seules et sans voile; elles sont même trop légèrement vêtues, car la plupart ne portent que le sarong, morceau de toile de coton fixé au-dessous ou au-dessus de la gorge et descendant jusqu’aux genoux. D’autres complètent leur costume avec une courte jaquette (kabay), ou une robe de dessus plus longue (padjou). Les femmes des classes élevées sortent, il est vrai, fort peu; mais il faut l’attribuer à leur paresse et non à la défense de la loi, car chez elles elles reçoivent toute espèce de visites.

«Le costume des hommes diffère peu de celui des femmes: ils portent, comme celles-ci, le sarong, le kabay, et quelques-uns même le padjou; plusieurs mettent sous le sarong des pantalons courts. Au premier abord on ne distinguerait pas souvent les sexes, si les hommes ne portaient des mouchoirs roulés autour de la tête, tandis que les femmes n’ont d’autre coiffure que leurs cheveux.

«Les mariages se font et se rompent sans beaucoup de cérémonies. Chacun des époux a le droit de divorcer. On trouve des hommes et des femmes jeunes qui en sont déjà à leur sixième divorce.

«La race malaise ne se distingue pas par sa beauté. Ils sont encore mieux de corps que de figure. Celle-ci est déformée au dernier point par une large mâchoire très saillante, par une grande bouche, des dents noires, limées, et une lèvre inférieure très flasque et très saillante. Leurs dents sont teintes d’un noir très brillant, qu’ils composent avec de l’antimoine, du gambir et d’autres ingrédients. Cette singulière mode passe chez les Malais pour une grande beauté. Beaucoup liment aussi leurs dents jusqu’à la moitié, ou bien les affilent en pointe aiguë.

«La demeure du riche Malais se compose, comme celle du pauvre, d’une seule pièce; seulement elle est plus grande, et a souvent 50 pieds carrés; indépendamment des clambous, elle contient encore quelques petits compartiments, formés par de basses cloisons de feuilles. On y voit quelquefois des tapis et de jolies nattes; mais la principale richesse consiste dans des gongs, des armes et des balangas. Les balangas sont des vaisseaux de terre en forme de vases, hauts de deux à quatre pieds, ornés d’arabesques, et qui à première vue ne semblent d’aucun prix. Je n’en aurais pas fait le moindre cas, et j’étais tentée de les prendre pour de grands vases à eau, lorsqu’on me fit connaître leur prix, et je fus bien étonnée d’apprendre que ces vases valaient de cent à mille roupies et au delà, ce qui est probablement un peu exagéré. Le possesseur d’un tel vase trouve, dit-on, facilement, quand il a besoin d’argent, quelqu’un qui lui avance en échange une partie ou la totalité de sa valeur. On ne connaît ni l’origine ni l’usage de ces vases; on suppose qu’ils viennent de Chine. Les Chinois imitent aujourd’hui les balangas d’une manière frappante; mais les connaisseurs distinguent au premier coup d’œil les véritables de ceux qui ne sont qu’imités.»

Lorsque les Musulmans envahirent Java, un grand nombre d’habitants qui ne voulaient pas renoncer à leur culte s’enfuirent dans les montagnes du sud-est de cette île. Ils se fixèrent de ce côté et donnèrent le nom de leur dieu Brahma au volcan qui s’élevait près de leur résidence. Les prêtres, eux, se réfugièrent avec leurs idoles dans l’île de Bali, qui devint tout naturellement le centre de la religion persécutée dans l’archipel indien. Aussi est-ce dans cette île qu’on a retrouvé le plus grand nombre d’idoles appartenant à l’ancien culte de Java, où le brahmanisme et le bouddhisme ont passé tour à tour (fig. 104). Cependant on a découvert aussi, dans l’île même de Java, un certain nombre de statues dont le musée de Leyde s’est enrichi. Ce musée est le plus riche de l’Europe pour les antiquités de la Malaisie.

Fig. 104. — Divinité de Bali.


Fig. 105. — Ganesa.


La statue de Ganesa, que reproduit notre figure 105, est tirée du musée de Leyde qui en possède plusieurs autres à peu près analogues, et quelques-unes d’entre elles de grandeur colossale. Ces statues, trouvées dans les ruines d’édifices dont Java possède encore quelques restes assez imposants, appartiennent au style brahmanique, et ne diffèrent pas des images des mêmes divinités qu’on trouve dans l’Indoustan. Mais il n’en est pas de même des idoles trouvées dans l’île de Bali, qui accusent presque toutes un caractère indo-chinois très prononcé. Voici par exemple une image de Siva (fig. 106), qui n’a plus l’air d’appartenir à l’Inde, quoique Siva fasse partie du panthéon hindou. Il en est de même pour la légende brahmanique de l’enlèvement de Sita par Ravana, qui a été traduite d’une façon tout à fait particulière par un sculpteur malais ou cochinchinois fort éloigné des traditions de l’Inde (fig. 107).

Les dieux de l’Indoustan, tout surchargés d’attributions symboliques, parés souvent de membres multiples et de formes empruntées à l’animalité, se reconnaissent, lorsqu’ils ont une face humaine, à une mine hébétée et presque toujours dépourvue de toute expression dans les traits. En Chine, c’est le contraire qui a eu lieu, et la recherche de l’expression y est poussée souvent jusqu’à la grimace; c’est dans ce pays qu’il faut chercher les traditions qui guident le plus souvent les artistes de l’Indo-Chine et de la Malaisie.

C’est d’après cette tradition qu’ont été conçues les statuettes trouvées en si grand nombre dans l’île de Bali. Quelques-unes, comme celles que nous avons vues précédemment, représentent des personnages du panthéon brahmanique, mais il y en a aussi un grand nombre qui montrent des divinités locales, transformées peut-être par des influences venues de l’Inde, mais originaires de la contrée, ou tout au moins de pays voisins. De ce nombre sont les figures auxquelles on donne le nom de Raksasa, et qui répondent aux dieux lares de l’antiquité classique. Ces personnages, armés d’une lance, sont caractérisés par une bouche démesurément ouverte et qui montre deux rangées de dents aiguës. Quelquefois Raksasa porte en main un bouclier sur lequel est peinte une tête monstrueuse faisant l’office de tête de méduse (fig. 108 et 109). Ou bien encore sa main droite est disposée pour recevoir un kriss, et creusée de façon que le radjah, en rentrant chez lui, puisse y placer l’arme protectrice de sa demeure: de là le titre de gardien du poignard donné à cette idole (fig. 110).

Toutes les divinités pourtant n’ont pas ces allures redoutables. On en voit même qui ont une figure humaine, et dont la bouche, à peu près proportionnée, demeure fermée sans faire de grimace. Ces personnages n’en sont pas moins fort laids, car on ne doit pas s’attendre à trouver un sentiment quelconque de beauté dans des divinités malaises (fig. 111 et 112). Le goût des proportions bien équilibrées et des contours gracieux ne se trouve guère en dehors des peuples qui habitent l’Europe.

Fig. 106. — Siva.


Fig. 107. — Enlèvement de Sita par Ravana.


Fig. 108 et 109. — Raksasa (Génies, dieux lares).


Fig. 110. — Le gardien du poignard.


Fig. 111. — Bayandol, divinité de Bali.


Fig. 112. — Panggeran, divinité de Bali.


Pour la représentation des animaux qui dans l’extrême Orient prennent volontiers une allure fantastique, les Malais se rattachent purement à la tradition chinoise, et se contentent de reproduire en les affaiblissant les types que nous étudierons en parlant de l’Asie (fig. 113 à 115). En somme, la sculpture malaise, qui ne s’est jamais élevée bien haut, et qui n’a apporté dans l’art aucun élément nouveau, mériterait à peine d’être mentionnée, si elle n’établissait la supériorité au moins comme éducation de la race malaise sur les autres peuples de l’Océanie. Encore ne peut-on voir qu’un souvenir historique dans les figures que nous avons montrées, car, depuis que la domination hollandaise s’est établie dans la contrée, les indigènes ont cessé absolument de se livrer à des travaux de ce genre.

Fig. 113. — Animal fantastique (attribut de la divinité).


Fig. 114. — Animal fantastique

(attribut de la divinité).


Fig. 115. — Dragon.


Lorsque les Mahométans s’emparèrent de Java, ils s’efforcèrent de détruire l’ancien culte et ruinèrent de fond en comble les édifices qui lui étaient consacrés. Des débris qui couvrent une énorme étendue de terrain attestent l’importance de ces monuments, qui, pas plus que les statues, n’affirment un style bien original, mais qui montrent du moins un certain développement de civilisation. Le monument le plus important de Java et de toute la Malaisie est le temple de Boro-Bœdor; c’est à la fois le plus grand et le mieux conservé. On en fait remonter la construction, sans beaucoup de preuves à l’appui, au huitième ou au neuvième siècle de notre ère. Cet édifice consiste en une série de terrasses élevées sur une colline naturelle et faisant corps avec elle, ce qui, de loin, lui donne un aspect de grandeur assez imposant. Il forme un carré long qui a sept enceintes décroissant à mesure qu’on s’élève sur la colline, et le sommet est formé par un dôme qui a quinze mètres de diamètre. La dernière enceinte est accompagnée de soixante-douze édicules, avec une quantité de petites niches contenant toutes une image vénérée du culte bouddhiste, car c’est à Bouddha et non à Brahma que le temple était consacré. L’édifice contient encore un grand nombre de statues du dieu, et est, de plus, décoré d’une quantité innombrable de bas-reliefs représentant les principaux traits de sa vie.

Les principaux temples de Java affectent la même forme pyramidale, avec une succession de terrasses, forme qui rappelle celle de quelques anciens édifices assyriens. Nous la retrouverons de même dans les monuments religieux du Mexique.

L’industrie des peuples de la Malaisie n’a jamais été bien avancée; cependant la fabrication des armes avait une certaine importance chez eux, et nos collections en renferment quelques échantillons remarquables. C’est, d’ailleurs, une industrie purement rétrospective, car les armes dont se servent aujourd’hui les Malais viennent presque toutes des fabriques d’Europe qui ont l’avantage inappréciable de pouvoir les fournir à meilleur marché.

«Les armes des Malais, dit le Catalogue de la galerie ethnographique, sont aussi remarquables par leurs formes typiques que par le travail des matières qu’on y emploie. Les lames sont faites en damas (fig. 116), et l’on ne saurait trop admirer l’habileté que l’on met dans ce pays à en varier les effets. On sait que le travail du damas consiste à souder entre elles, par une forte chaleur, des lamettes de fer et d’acier, et à les forger de manière à obtenir à la surface divers dessins. La pièce une fois forgée et limée, on fait paraître ces dessins au moyen d’un acide étendu dans l’eau, qui laisse le fer brillant et met à nu les molécules du charbon qui entre dans la composition de l’acier. L’arme nationale des Malais est le kriss, poignard dont la lame affecte la forme dite flamboyante. Ces armes, de dimensions très différentes, sont souvent incrustées de métaux précieux, et leurs poignées sont ornées de ciselures et de gemmes (fig. 117, 118 et 119). Les Malais portent deux kriss, un derrière l’épaule et un plus grand à la ceinture. Ils ont des lances dont les fers affectent aussi la forme flamboyante (fig. 120). Le fusil et ses accessoires sont chez eux en usage comme en Europe (fig. 123).»

Fig. 116. — Coupe-tête malais. (Musée du Louvre.)


Fig. 117. — Kriss.


Fig. 118. — Fourreau de kriss.


Fig. 119. — Kriss.


Fig. 120. — Lance employée dans les gerdses (postes de police).


Fig. 121. — Klevvangs, sabres des Dayaks

de Bornéo.


Fig. 122. — Klevvangs, sabres des Dayaks

de Bornéo.


Fig. 123. — Crosse de fusil de Bornéo.


Il est bon de remarquer que, lorsque la lame est droite au lieu de présenter les légères courbures qu’on y voit ordinairement, la direction de la poignée fait angle avec celle de la lame (fig. 121 et 122). Ces armes n’ont aucun rapport avec celles que de tout temps on a fabriquées en Occident. Elles appartiennent à une autre race, à des hommes aussi éloignés de nous par les habitudes de la vie que par le sentiment artistique. Ce ne sont pas des armes de combat, mais de vengeance; elles ne rappellent pas l’idée de lutte, mais de meurtre. Ce qui domine dans les armes orientales, ce n’est pas l’épée qui attaque son ennemi en face, c’est le poignard qui frappe par derrière. Les armes de ce genre offrent les spécimens les plus remarquables de l’industrie malaise, qui fabrique aussi quelques autres instruments, comme la hachette, et des engins de pêche, comme le trident (fig. 124, 125, 126 et 127).

Fig. 124. — Trident de pêche.


Fig. 125. — Hachette.


Fig. 126. — Couteau de Santri

(prêtre).


Fig. 127. — Fourreau du couteau de Santri

(prêtre).


Les Iles de la Malaisie. — L’île de Java, une des plus florissantes colonies de la Hollande, présente des côtes sablonneuses ou couvertes de marais au nord, et des falaises qui viennent tomber à pic dans la mer au sud. On trouve aussi sur certaines parties du littoral des plaines bien arrosées et excessivement fertiles. A l’intérieur, l’île se compose de plaines semées de pics isolés dont près de quarante sont des volcans. La fertilité du sol est prodigieuse. On tire des forêts de Java beaucoup de bois précieux. Malheureusement, le climat est malsain et enfante des fièvres qui déciment la population.

Fig. 128. — Malaisie.


Batavia (150,000 hab.), la capitale de Java, comprend la ville marchande, située dans une plaine basse et marécageuse, et la ville haute où les Européens résident pour la plupart dans des habitations toujours confortables et souvent luxueuses.

Quoique la ville haute soit plus salubre que la ville marchande, les Européens qui résident à Batavia ont établi à Buïtenzorg une sorte de colonie où ils passent une grande partie de l’année, venant à la ville lorsqu’ils y sont appelés immédiatement pour leurs affaires. Cette petite ville, située à quelques kilomètres de la capitale, à laquelle la relie un chemin de fer, est dans les montagnes et placée à une hauteur suffisante pour qu’on n’ait pas à y redouter l’insalubrité des pays plats qui bordent la côte. Il y a en ce lieu un jardin botanique, dans une situation magnifique, et qui passe pour un des plus beaux parcs du monde.

Samarang et Sourabaya sont après Batavia les deux principales villes de Java. Nous avons déjà parlé des ruines monumentales qu’on trouve dans cette île. Les traces de l’ancienne civilisation se retrouvent encore dans des routes en briques, qui reliaient les grands temples où la dévotion appelait les fidèles, et qui servent encore aujourd’hui de voies de communication pour le commerce intérieur.

L’île de Sumatra est en beaucoup d’endroits marécageuse, basse et malsaine. La côte ouest est si insalubre qu’on lui a donné le nom de Côte de la peste; les terres y sont noyées en permanence. Heureusement, l’intérieur de Sumatra ne rappelle en rien les côtes. Des chaînes de montagnes, où se trouvent plusieurs volcans, produisent de hauts plateaux couverts d’une végétation luxuriante.

L’île de Bornéo a la forme d’un triangle ayant sa base au sud et son sommet dirigé vers le nord. Les côtes en sont généralement basses et marécageuses, par conséquent malsaines. L’intérieur du pays est, paraît-il, tout autre; il est d’ailleurs peu connu. Les indigènes de Bornéo sont les Dayaks.

L’île de Timor est occupée en partie par les Portugais et en partie par les Hollandais. Entre les deux colonies, sont des peuplades peu nombreuses et absolument sauvages.

L’archipel des Philippines comprend un grand nombre d’îles dont les principales sont: Luçon, Mindanao et Mindoro. Les Espagnols ont établi dans les Philippines des colonies dont Manille est le chef-lieu. Cette ville, qui ne compte pas moins de 140,000 habitants, fait un commerce considérable: les cigares qu’on y fabrique sont très renommés. Sous le rapport des arts, Manille n’offre rien de particulièrement intéressant.

Célèbes est une grande île entourée de petites îles volcaniques. Les Hollandais y ont un établissement dont Macassar (20,000 hab.) est la capitale.

L’archipel des Moluques comprend plusieurs îles qui produisent des épices. Les principales sont Tidor, Ternate et Amboine.

Le monde vu par les artistes : géographie artistique

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