Читать книгу Le monde vu par les artistes : géographie artistique - René Ménard - Страница 27
AMÉRIQUE CENTRALE
ОглавлениеPopulation primitive. — Mexique. — Amérique centrale. — Antilles.
Population primitive. — Antérieurement à la domination espagnole, les Toltèques, et après eux les Aztèques, s’étaient élevés à un degré de civilisation assez remarquable. On attribue aux Toltèques la construction des monuments dont les ruines immenses étonnent encore aujourd’hui les voyageurs. Leur histoire, très confuse, paraît remonter au VIIe siècle de notre ère: après une période de quatre siècles, ils auraient été refoulés dans le Yucatan par les Aztèques, qui s’établirent dans le centre du pays et dont le dernier roi fut Montezuma.
C’est aujourd’hui une préoccupation constante des Américains de rattacher l’histoire de leurs origines à celle de l’ancien monde. Aux pieds d’une statue monolithe en porphyre découverte à Palenqué, on voit un scarabée, qui naturellement fait songer à l’Égypte. De nombreux cachets, trouvés dans les ruines de l’antique cité, reproduisent des images symboliques exécutées en relief, et dans lesquelles on pourrait à la rigueur trouver une certaine parenté avec ceux de la Babylonie. Ces rapports toutefois ne sont pas assez frappants pour accepter certaines théories historiques, qui sont loin d’être encore convaincantes.
Le monument typique de ces indigènes est le Teocalli ou maison de Dieu. Le Teocalli est une pyramide quadrangulaire tronquée formée d’assises superposées. Elle est toujours orientée. Des escaliers conduisant à la plate-forme qui domine le monument sont disposés sur les quatre côtés. Sur la plate-forme, des tours renferment les idoles, une table de pierre sert aux sacrifices. Le Teocalli possède aussi des pièces intérieures où l’on enterre les rois. Autour de la pyramide régnait une vaste enceinte réservée aux logements des prêtres et aux magasins de guerre de la tribu, qui transformait au besoin l’édifice religieux en citadelle. Le peuple, qui n’a pas le droit de pénétrer dans l’enceinte sacrée du monument, se contente de voir à distance la procession des prêtres qui montent sur la plate-forme de la pyramide pour adorer le soleil.
Les ruines les plus importantes se trouvent dans la partie méridionale du Mexique ou dans le Yucatan. Nous signalerons d’abord, à quelques kilomètres de Puebla, la fameuse pyramide de Cholula dont la base a 492 mètres sur chaque face et 59 mètres d’élévation. On monte par un escalier de 120 marches au sommet de ce Teocalli, qui présente une plate-forme où on voyait jadis une statue du dieu de l’Air, qu’on a remplacée par une chapelle de la Vierge. L’intérieur renfermait une chambre dans laquelle on a trouvé des ossements, des vases et quelques idoles. Ce gigantesque édifice passe pour un ouvrage non terminé et qui aurait dû s’élever à une hauteur beaucoup plus grande. D’après une légende locale, les dieux, effrayés de voir les hommes entreprendre un aussi immense travail, firent tomber une pluie de feu sur les ouvriers qui construisaient la pyramyde. Cholula, située dans une contrée volcanique, était au temps de Montezuma, une ville extrêmement florissante, qui, suivant Las Casas, contenait 150,000 habitants.
Fig. 158. — Pierre de la croix à Palenqué.
Nous n’avons pas l’intention de décrire ici toutes les ruines américaines, et nous ne pouvons nous arrêter qu’aux plus caractéristiques. Il faut donc se contenter, malgré l’intérêt qu’ils présentent pour l’archéologie, de nommer en passant les restes d’Isamal et de Chichen-Itza, mais nous ferons une petite halte dans les ruines de Palenqué. Nous suivrons ici la description qu’en a donnée Viollet-le-Duc, dans un texte destiné à servir de commentaire aux photographies que M. Charnay a exécutées d’après les monuments mexicains.
«Oubliés au milieu des forêts, les monuments de Palenqué ont échappé à la fureur de destruction des conquérants européens. Les édifices, ni comme plan, ni comme construction, ni comme décoration, ne ressemblent à ceux de la péninsule yucatèque. L’édifice principal de Palenqué, bâti au sommet d’une plate-forme, se compose d’une succession de grosses piles portant une voûte en encorbellement. Bâties en blocages, ces piles sont revêtues de stucs très durs ornés de sculptures autrefois peintes. Cependant les artistes qui ont élevé ces édifices savaient sculpter la pierre, et le bas-relief dit de la croix (fig. 158) a soulevé plus d’une question que je ne chercherai point à discuter ici; je me bornerai à l’examiner au point de vue général de l’art. M. Charnay en a photographié la partie principale et la seule qui soit encore à Palenqué. Grâce à cette reproduction, dont on ne peut discuter l’exactitude, il est facile de voir que le personnage debout à côté de la croix, et qui semble faire une offrande au coq qui la surmonte, ne présente nullement les traits des figures d’Isamal, de Chichen-Itza et d’Uxmal; son front déprimé, ses yeux saillants, son nez busqué, la distance énorme qui sépare le menton des narines, la compression de l’occiput, établissent un caractère de race étrangère à celles qui sont reproduites dans les sculptures de l’Yucatan.» — Viollet-Le-Duc.
Les ruines de Palenqué, qui occupent un emplacement extrêmement vaste, ont été découvertes au milieu du dernier siècle et ont été regardées pendant longtemps comme le reste le plus important de l’ancienne civilisation mexicaine. Aujourd’hui que la contrée est mieux connue, on attache généralement plus d’importance aux ruines de Mitla, qui sont situées dans la province d’Oaxaca, à environ 200 kilomètres de cette ville.
Voici la description que Charnay fait des ruines de Mitla. «Les ruines de Mitla, qui occupaient au temps de la conquête un immense emplacement, ne présentent plus aujourd’hui que l’ensemble de six palais et trois pyramides ruinées. La place du village contient une bâtisse en carré long dont les revêtements de pierre n’offrent aucune sculpture; d’une longueur de trente mètres sur une largeur de quatre environ, elle n’a qu’une seule ouverture, sur l’un des petits côtés. La destination funéraire des palais de Mitla pourrait aussi lui être appliquée, en admettant, vu sa simplicité, que cette sépulture était réservée à quelques personnages de second ordre.
«La maison du curé est le premier édifice au nord, sur la déclivité de la colline. C’est un enchevêtrement de cours et de bâtisses, avec parements ornés de mosaïques en relief du dessin le plus pur. Sous les saillies des encadrements, on retrouve des traces de peintures toutes primitives où la ligne droite n’est pas même respectée: ce sont de grossières figures d’idoles et des lignes formant des méandres dont la signification nous échappe.
Fig. 159. — Vue extérieure d’un des palais de Mitla.
«Ces peintures se reproduisent avec la même imperfection, dans tout palais où un abri quelconque sut les préserver des atteintes du temps.
«L’incorrection de ces dessins accolés à des palais d’une architecture si correcte, ornés de panneaux de mosaïques d’un si merveilleux travail, jette l’esprit dans d’étranges pensées: ne pourrait-on trouver l’explication de ce phénomène dans l’occupation de ces palais par une race moins avancée que celle des premiers fondateurs? C’est une simple hypothèse que j’émets.
«J’ai donné à cette première ruine l’appellation de maison du curé, car le vénérable prêtre qui l’occupe depuis un demi-siècle a su profiter des murs inébranlables de l’édifice ancien pour se ménager une retraite vaste et confortable, recouverte aujourd’hui d’un toit moderne.
«L’église du village, attenant à cette construction, est tout entière composée des matériaux du vieux palais.
«Au-dessous, à gauche, se trouve la pyramide tronquée d’origine. indienne, surmontée d’une chapelle moderne. La pyramide est pourvue d’un escalier de pierre. Les Espagnols eurent soin de faire disparaître jusqu’au moindre vestige de l’ancien temple qui devait la surmonter. Le grand palais, dont l’ensemble est encore entier et dont la toiture seule est absente, se compose d’une immense bâtisse en forme de tau, dont la façade principale regardant le sud est la plus belle, la plus considérable et la mieux conservée des divers monuments de Mitla. Elle a quarante mètres de face et enveloppe une pièce de même étendue, dont six colonnes monolithes d’environ quatorze pieds soutenaient la couverture. Trois portes larges et basses donnaient accès dans la pièce, dont le sol était couvert d’une épaisse couche de ciment.
Fig. 160. — Grande salle du palais de Mitla.
«Sur la droite, un couloir obscur communique avec une cour intérieure également cimentée, dont les murs. comme la façade principale, sont couverts de panneaux de mosaïque et de dessins avec encadrements de pierre. La cour est carrée et donne jour à quatre pièces étroites et longues, couvertes de haut en bas de mosaïques en reliefs dont les dessins en bandes se superposent en variant jusqu’à la toiture. Les linteaux des portes sont d’énormes blocs qui atteignent cinq à six mètres.
«Le second palais se distingue dans la façade orientale par des panneaux beaucoup plus allongés. Quatre palais, les plus importants peut-être, se trouvent au sud-ouest; ils sont à moitié rasés et enterrés, car les murailles ne s’élèvent plus qu’à trois ou quatre pieds au-dessus du sol; les énormes assises, les blocs immenses qui les distinguent, leur prêtent une importance plus considérable que celle des palais debout aujourd’hui. Les Indiens se sont emparés de ces ruines, ont fixé leurs demeures au milieu des cours, et les murailles leur servent de clôture.»
Fig. 161. — Intérieur d’une chambre du palais de Mitla.
Viollet-le-Duc regarde la salle que reproduit la figure 161 comme une des plus caractéristiques de l’architecture mexicaine. «Cette salle est entièrement tapissée au moyen de cet appareil de petites pierres en forme de briques composant des dessins de méandres très variés. Comme la grande salle, cette pièce était couverte par un solivage en bois et ne recevait de jour que par la porte. C’était là, il faut en convenir, un singulier intérieur, surtout si l’on se figure ces mosaïques saillantes, revêtues de peintures; mais les salles des palais égyptiens n’étaient ni plus ouvertes, ni d’un aspect moins sévère.» Il est bon aussi de noter que les colonnes qu’on voit sur la figure 160 sont les seules qu’on ait retrouvées jusqu’ici dans les anciennes constructions de l’Amérique.
Dans la presqu’île de Yucatan, on trouve, à peu de distance de Mérida, les ruines d’Uxmall, qui méritent aussi de nous arrêter un moment.
M. Charnay les décrit ainsi: «Voici la disposition et l’orientation des ruines. Je ne parlerai que des principales; car. sur un diamètre d’une lieue, le sol est couvert de débris, dont quelques-uns recouvrent des intérieurs fort bien conservés. La première au nord est le palais des Nonnes. Au sud-est, à cent mètres de distance, la pyramide surmontéé de l’édifice connu sous le nom de maison du Nain; sur la même ligne, mais à l’ouest, à cinq cents mètres environ, la Prison; au sud le palais du Gouvernement, avec la maison des Tortues, sa dépendance; à l’ouest sur la même ligne, la maison des Colombes; au sud de ces édifices, et fort rapprochées l’une de l’autre, deux immenses pyramides autrefois surmontées de temples, dont il ne reste plus rien aujourd’hui. Tout l’espace qui sépare les palais que nous venons d’énumérer est couvert de ruines de moindre importance et de débris de toute sorte.
«Le palais des Nonnes se compose de quatre corps de logis disposés en carré formant une cour de quatre-vingts mètres de côté.
«La façade nord, qui commande l’édifice et semble avoir été la demeure principale du maître du palais, est élevée sur une plate-forme de douze à quinze pieds, dans laquelle se trouvaient disposés des logis bas et de petite dimension, probablement à l’usage des serviteurs. On arrive à la plate-forme par un escalier de face correspondant à l’entrée du palais, percée dans la partie sud. Une petite voie cimentée, bordée de dalles, menait de l’une à l’autre. Cette façade, fort délabrée aujourd’hui, présente un développement de cent sept mètres, et déborde les bâtiments des deux ailes; elle est percée de quatorze ouvertures correspondant au même nombre de salles doubles d’égales dimensions, ne recevant le jour que par la porte commune.
«Les linteaux des portes sont en bois, comme partout à Uxmal, et soutiennent l’encadrement saillant d’une vaste frise où l’art indien semble avoir épuisé toutes ses ressources.
«Chaque porte, de deux en deux, est surmontée d’une niche merveilleusement ouvragée que devaient occuper des statues diverses. Quant à la frise elle-même, c’est un ensemble extraordinaire de pavillons, où de curieuses figures d’idoles superposées ressortent comme par hasard de l’arrangement des pierres et rappellent les têtes énormes sculptées sur les palais de Chichen-Itza. Des méandres de pierres finement travaillées leur servent de cadre et donnent une vague idée de caractères hiéroglyphiques; puis viennent une succession de grecques de grande dimension, alternées, aux angles, de carrés et de petites rosaces d’un fini admirable. «Le caprice de l’architecte avait jeté çà et là, comme des démentis à la parfaite régularité du dessin, des statues, dans les positions les plus diverses. La plupart ont disparu, et les têtes ont été enlevées à celles qui restent encore.
Fig. 162. – Détail du côté sud de la façade dite égyptienne, à Uxmal.
«Les intérieurs de dimensions variées suivant la grandeur des édifices, sont les mêmes qu’à Chichen: deux murailles parallèles, puis obliquant pour se relier par une dalle. Cette définition peut s’appliquer à toutes les ruines. Des salles étaient enduites d’une couche de plâtre fin qui existe encore. Elles sont percées à chaque extrémité de quatre ou huit trous se faisant face deux à deux, destinés à soutenir des rondins de bois rouge, auxquels les habitants de ces palais suspendaient leurs hamacs.
«Les ouvertures ne laissent apercevoir aucun vestige qui puisse faire supposer l’emploi des portes; les montants de pierre, parfaitement intacts, n’offrent aucune trace de mortaises ou de trous quelconques qu’auraient occupés des gonds de cuivre ou de bois: mais si l’on observe l’intérieur, on remarque de chaque côté de l’ouverture, à égale distance du sol et du linteau de la porte, plantés dans la muraille de chaque côté des supports, quatre crochets en pierre.
«Il est alors très facile de se figurer la manière employée par les anciens habitants pour clore leurs demeures. Il s’agissait tout simplement d’un plateau de bois appliqué de l’intérieur contre l’ouverture, et maintenu par deux barres transversales et parallèles, s’emboîtant dans les crochets de pierre.
«L’aile droite de la façade égyptienne n’a que soixante-quatre mètres de développement et cinq ouvertures; mais les salles sont beaucoup plus vastes et plus élevées que dans la façade que nous venons de décrire,
«La décoration se compose d’une espèce de trophée en forme d’éventail, qui part du bas de la frise en s’élargissant jusqu’au sommet du bâtiment. Ce trophée est un ensemble de barres parallèles terminées par des têtes de monstre. Au milieu de la partie supérieure, et touchant à la corniche, se trouve une énorme tête humaine, encadrée à l’égyptienne, avec une corne de chaque côté. Ces trophées sont séparés par des treillis de pierre qui donnent à l’édifice une grande richesse d’effet. Les coins ont toujours cette ornementation bizarre, composée de grandes figures d’idoles superposées, avec un nez disproportionné, tordu et relevé, qui fait songer à la manière chinoise. L’aile gauche, façade du Serpent, presque entièrement ruinée, devait être la plus belle. Son nom lui vient d’un immense serpent à sonnettes courant sur toute la façade, dont le corps, se roulant en entrelacs, va servir de cadre à des panneaux divers.
«Il n’existe plus qu’un seul de ces panneaux: c’est une grecque, que surmontent six croisillons, avec rosace à l’intérieur; une statue d’Indien s’avance en relief de la façade, il tient à la main un sceptre; on remarque au-dessus de sa tête un ornement figurant une couronne. La tête et la queue du serpent se rejoignent à l’autre extrémité, et l’on reconnaît parfaitement l’appendice caudal qui distingue le serpent à sonnettes (fig. 163).
«La partie écroulée laisse voir l’intérieur de deux salles, où l’on distingue encore les trous destinés aux hamacs.
«Les petites niches en forme de ruche qui ornent les dessus de porte de la quatrième façade lui ont fait donner le nom de façade des Abeilles. C’est un ensemble de colonnettes nouées dans le milieu trois par trois, séparées par des parties de pierres plates et les treillis qu’on rencontre si souvent; ce bâtiment est d’une simplicité relative, comparé à la richesse des trois autres. Comme la cour, il est en contre-bas, et la grande entrée du palais le partage en deux.
Fig. 163. — Bas-relief de l’Indien sur la façade des Serpents, à Uxmal.
«La maison du Nain est un temple placé sur une pyramide artificielle de soixante-quinze à quatre-vingts pieds d’élévation. Placé à cent mètres environ du palais des Nonnes, il se compose d’un corps d’habitation avec deux salles intérieures, et d’une espèce de petite chapelle en contre-bas tournée à l’ouest; ce petit morceau est fouillé comme un bijou; une inscription paraît avoir été gravée, formant ceinture au-dessus de la porte. Ses caractères, brisés pour la plupart, disparaîtront bientôt avec le bâtiment, aujourd’hui dans un état déplorable de dégradation.
La Prison, à l’ouest, dans le bois, semble être une copie du même édifice à Chichen-Itza; même architecture en dehors, avec plus de simplicité. Le palais des Colombes ne présente plus aujourd’hui qu’une muraille dentelée de pignons assez élevés, percés d’une multitude de petites ouvertures, qui donnent à chacun la physionomie d’un colombier.
Fig. 164. — Détail de la porte principale du palais du Gouverneur, à Uxmal.
«Cette muraille, espèce d’ornementation bizarre, est élevée en surplomb d’un monument à quatre corps de logis plus considérable encore, comme étendue, que le palais des Nonnes; malheureusement, les quatre façades sont entièrement ruinées et ne présentent plus que des débris où toute trace d’ornementation a disparu.
«Le palais du Gouverneur est la pièce capitale des ruines d’Uxmal; de proportions plus harmonieuses, plus sobre d’ornements, avec plus d’ampleur, du haut de ses trois étages de pyramides, il se dresse comme un roi, dans un isolement plein de majestueuse grandeur.
«Le corps du palais mesure plus de cent mètres; il est élevé sur trois pyramides successives; la première de ces pyramides a deux cent vingt mètres et sert, pour ainsi dire, de marchepied à la seconde; la seconde, de deux cents mètres environ sur quinze pieds d’élévation, a formé une immense esplanade pavée autrefois, avec deux citernes, comme dans la cour des Nonnes.
Fig. 165. — Idole aztèque.
«Un autel, au centre, soutenait un tigre à deux têtes, dont les corps reliés au ventre figurent une double chimère. Un peu plus à l’avant se dressait une espèce de colonne dite pierre du châtiment, où les coupables devaient recevoir la punition de leurs fautes.
«La troisième pyramide, qui sert de plate-forme au palais, n’a guère que dix pieds d’élévation; un large escalier aboutit à l’entrée principale du monument.
«Quant à l’édifice, l’ornementation se compose d’une guirlande en forme de trapèzes réguliers, de ces énormes têtes déjà décrites, courant du haut en bas de la façade et servant de ligne enveloppante à des grecques d’un relief très saillant, reliées entre elles par une ligne de pierres en carré diversement sculptées; le tout sur un fond plat de treillis de pierre. Le dessus des ouvertures était enrichi de pièces importantes, que divers voyageurs ont eu le soin d’enlever. Quatre niches, placées régulièrement, contenaient des statues, absentes aujourd’hui.
Fig. 166. — Idole aztèque.
«La frise se termine par un cordon rentrant sur la saillie de l’encadrement, et figure, par une ligne courbe s’enroulant sur une ligne droite, un ouvrage de passementerie moderne.
«Deux passages à angle rentrant s’ouvraient autrefois de chaque côté du palais; les constructeurs eux-mêmes durent les condamner pour les remplacer par deux chambres de moindres dimensions que les autres. Le palais contient vingt et une salles, ne recevant de jour que par l’ouverture des portes; mais les pièces du milieu se distinguent par leurs dimensions colossales; elles mesurent vingt mètres de longueur sur une hauteur approximative de vingt-cinq pieds.
«Au-dessus de la porte principale se trouve l’inscription du palais; les caractères sont parfaitement visibles, et donneraient, si l’on en possédait la clef, le nom du prince ou du dieu en l’honneur de qui le monnument fut élevé. Au-dessous de l’inscription, un buste, dont la tête manque et dont les bras sont cassés, semble un buste de femme. Le piédestal est orné de trois têtes à rebours, bien ciselées et d’un type presque grec. En somme les ruines d’Uxmal nous paraissent être la dernière expression de la civilisation américaine.»
La sculpture mexicaine n’est pas moins étrange que l’architecture du même pays, mais elle est beaucoup plus imparfaite. Malgré l’incorrection flagrante du dessin, les traits du visage sont assez bien caractérisés et présentent un certain intérêt pour l’ethnographie et pour le costume. Le diadème représenté sur la figure 165 et surtout le casque en tête d’animal que montre la figure 166 sont extrêmement curieux.
Fig. 167. — Tête à Vulpates.
Il est bon de noter au surplus que ces idoles appartiennent aux Aztèques, et nullement aux auteurs des vastes édifices dont nous avons parlé plus haut. Les aztèques sont venus à une époque très postérieure, et le temps de leur domination sur le Mexique est regardé comme une période de décadence.
La figure 167, bien qu’elle représente un type moins franchement écrit que la précédente, montre pourtant un art en quelque sorte plus avancé et qui dans tous les cas suit une voie différente. Cette tête, qui a été trouvée à Vulpates, dans l’Amérique centrale, offre même une certaine régularité dans les traits, mais les caractères de la race disparaissent à peu près complètement.
De curieuses miniatures montrent des sujets qui se rattachent aux anciennes guerres mexicaines. La figure 168 est le fac-simile d’un manuscrit mexicain représentant la conquête d’Ascaputzalco.
Tout au coin du tableau, en bas et à droite, un roi assis, sur un fauteuil, la tête ceinte du diadème, tient à la main un arc; derrière le roi est un serpent hérissé de petits dards, figurant le nom du monarque. Une petite ligne pointée, signifiant la parole, s’échappe de la bouche du roi, et transmet un ordre au combattant placé au-dessus de lui. Celui-ci est coiffé d’un casque orné de trois rangs de plumes et est armé d’une lance et d’un bouclier. La bande qui traverse le tableau dans toute sa longueur représente la rivière qui circonscrit l’emplacement circulaire de la ville d’Ascaputzalco, point qu’il s’agit d’attaquer, et au milieu est représenté un petit animal qui est l’emblème de la ville. Le prince qui règne sur la ville est, comme son ennemi, assis sur un fauteuil, mais de l’autre côté de la rivière, et au côté gauche du tableau. De sa bouche, un ordre, exprimé par une ligne ponctuée, va dans la direction de son général, qui tient son arc en face de l’autre guerrier, et dont le nom est figuré par une tête de daim placée au-dessus de sa tête. Comme ce personnage a péri dans la lutte, on voit une tête de mort entre ses jambes, et au-dessous de lui est un homme enseveli dans ses bandelettes, qu’une tête de daim placée sur le lit fait reconnaître pour le même héros. Enfin au-dessous de la ville, on voit figurée la prison dans laquelle le roi vaincu fut enfermé et mis à mort.
Fig. 168. – Fac-simile d’un manuscrit mexicain représentant la conquête d’Azcaputzalco.
Fig. 169. — Vase de quartz trouvé à Comayaga.
Les anciens Mexicains travaillaient assez habilement le quartz: le vase représenté sur la figure 169, qui a été trouvé dans l’Amérique centrale, donne assez bien l’idée du genre d’ornementation qui leur était habituel et qu’ils appliquaient principalement aux poteries.
Albert Jacquemart définit ainsi les caractères principaux de la céramique américaine. «D’une pâte tantôt rouge, très fine, dure et lustrée, tantôt noire ou grisâtre un peu moins fine et rendue luisante par frottement, la terre américaine est souvent ornée de reliefs, de gravures et même, sur la terre rouge, de dessins tracés avec un noir qui n’est pas sans analogie avec l’encre ordinaire; quelques pièces sont recouvertes d’une glaçure jaunâtre ou brun verdâtre avec reflets métalloïdes.» La forme de ces vases est extrêmement variée: tantôt purement ornementale, tantôt affectant les apparences d’un homme ou d’un animal, elle offre assez souvent une conception bizarre, comme on a pu s’en convaincre par les poteries américaines exposées en 1878.
Nous terminerons ce que nous avions à dire sur les Mexicains, en rappelant que, parmi les objets qui ont été recueillis, il y en a un certain nombre qui se rattachent à la vie intime de l’ancienne population mexicaine. Sur la figure 170 nous voyons la manière employée par tous les peuples primitifs pour obtenir du feu à l’aide d’un briquet de bois. Toutefois cette image consacre en même temps un rite religieux, car elle montre le prêtre allumant le feu sacré du temple. Il en est de même pour la grande partie des petits objets mexicains, qui sembleraient au premier abord complètement étrangers au culte. Ainsi la pipe représentée sur la figure 171 est un brûle-parfum dans lequel on brûlait du copal devant l’autel, et dont le fourneau est formé d’une petite figure d’un dessin assez grossier (fig. 171).
Fig. 170. — Briquet.
Fig. 171. — Brûle-parfum.
Mexique. — Le Mexique s’étendait autrefois assez profondément vers le nord et le nord-est, sur le territoire des États-Unis, là où se trouvent actuellement le Texas et la Nouvelle-Californie. Au sud, il allait jusqu’à l’isthme de Panama. Le Mexique est habité par des blancs, des métis et surtout des indigènes, qui composent les deux tiers de la population: il se divise en vingt-deux États.
Les Mexicains sont, parmi les peuples de l’Amérique, celui qui semble montrer les plus grandes dispositions naturelles pour le dessin et les arts qui en dépendent. Les petites figurines costumées, dont on voit des échantillons dans presque tous les musées d’Europe, dénotent quelquefois chez ceux qui les font une aptitude singulière pour la sculpture pittoresque: quelques-unes sont vraiment jolies de tournure, et, à l’exception des mannequins suédois et norvégiens, nous n’avons en Europe aucune industrie correspondante à celle-ci. Mexico (200,000 hab.), capitale du Mexique, est une ville très riche et située dans une belle plaine entourée de hautes montagnes. Cinq lacs qui remplissaient autrefois ce vaste bassin sont aujourd’hui en partie desséchés. Mexico, avec ses trois cents églises, ses palais et ses grands établissements d’instruction publique, est, au point de vue monumental, la première ville du nouveau monde. Ses rues droites et larges, ses belles places, ses fontaines qu’alimentent de beaux aqueducs, et ses jardins publics pleins d’ombre et de fraîcheur, lui donnent en outre un aspect très séduisant. La grande place, où se trouve la cathédrale, le palais du gouvernement et plusieurs autres constructions importantes, est remarquable par son aspect et son animation.
Fig. 172. — Mexique.
La cathédrale, extrêmement vaste, est bâtie dans le style un peu lourd qui prévalut en Espagne après le seizième siècle. Deux tours carrées servent de clochers et sont reliées entre elles par une façade classique surmontée d’un fronton. Une autre grande église, le Sagrario, est annexée à la cathédrale (fig. 173): elle est d’une architecture toute différente et caractérise assez bien ce qu’on a appelé le style jésuite. La façade, très surchargée d’ornements dans certaines parties, est au contraire assez nue dans d’autres. La bizarrerie de la décoration contraste avec la régularité froide de la cathédrale. Ce style bâtard est assez fréquent dans l’Amérique espagnole, et on en trouve un autre échantillon assez important dans le couvent de Saint-François (fig. 174).
Fig. 173. — El Sagrario, église de Mexico.
Mexico, bâtie sur l’emplacement de la ville où régnait Montezuma, n’a conservé aucun édifice de l’ancien empire mexicain, mais on y a trouvé de nombreuses antiquités, et le musée qui les renferme est extrêmement précieux pour l’archéologie américaine. Ce musée, qui occupe un des étages supérieurs du palais de l’Université, a été fondé en 1822. Naturellement les collections qui le composent se rattachent aux antiquités mexicaines. Ces antiquités, fort nombreuses autrefois, aujourd’hui assez rares, étaient impitoyablement détruites, avant qu’on ne leur ait donné cet asile. Les grands cylindres en pierre, portant des dédicaces au soleil, étaient brisés pour servir au pavage des places. Il a fallu tout l’acharnement d’un antiquaire convaincu, pour empêcher de détruire un de ces grands cylindres couvert de sculptures, qu’on fait remonter au quinzième siècle, et qui est aujourd’hui une des pièces capitales du musée.
La collection renferme une riche série de statuettes ou d’objets appartenant au culte, entre autres un grand monolithe sculpté en relief, qu’on croit avoir appartenu au grand temple de Mexico et sur lequel on voit deux rois faisant une libation devant le feu sacré. Il y a aussi des armes assez nombreuses et des instruments de musique, tels que tambours, sifflets, flageolets en terre cuite, etc.
Fig. 174 - Parvis du couvent de Saint-François, à Mexico.
Puebla (85,000 hab.) renferme un très grand nombre d’édifices religieux, dont l’architecture, quelquefois somptueuse, manque généralement d’originalité. Après ces deux cités, qui sont les plus importantes du Mexique, il faut encore citer Guanaxato (63,000 hab.), au centre de la région des mines d’argent; Guadalajarra (70,000 hab.), qui a une université florissante; Queretaro (48,000 hab.), ville d’industrie, et Vera-Cruz, sur le golfe du Mexique, place très commerçante, mais dans une contrée insalubre.
Amérique centrale. — L’Amérique centrale s’étend entre l’isthme de Panama et le Mexique. C’est une contrée volcanique, semblant regarder la mer des Antilles, composée de hautes terres, d’où descendent des cours d’eau nombreux, mais sans importance, et de terres basses très malsaines. De fréquents tremblements de terre la bouleversent (fig. 175).
Fig. 175. — Amérique centrale.
Le pays est divisé en cinq républiques:
La république de Costa-Rica, capitale San-José ;
La république de Nicaragua, capitale Léon;
La république de Honduras, capitale Comayagua;
La république de San-Salvador, capitale San-Salvador;
La république de Guatémala, capitale Guatémala.
Les Antilles. — Les Antilles sont une grande chaîne d’îles qui s’étend en arc de cercle entre les deux continents de l’Amérique. Le groupe des îles Bahama, situées près de la Floride, se compose d’une multitude d’îlots, inhabités pour la plupart et reposant sur un immense banc de corail. L’île de Cuba qui vient ensuite est la plus grande île des Antilles: elle s’étend de l’est à l’ouest sur une longueur de 670 kilomètres et est traversée dans toute son étendue par une chaîne de montagnes. Elle forme aujourd’hui la colonie la plus riche et la plus industrieuse. de l’Espagne (fig. 176).
Fig. 176. — Les Antilles.
LA HAVANE (205,000 hab.) située sur la côte septentrionale de Cuba dont elle est la capitale, possède un port superbe, mais l’aspect de la ville est triste. Les rues sont étroites et sales, et les monuments n’ont, au point de vue de l’architecture, qu’un intérêt secondaire: le tombeau de Christophe Colomb est placé dans la cathédrale. La Havane est une des villes les plus lettrées de l’Amérique espagnole. Santiago (96,000 hab.), au sud-est de l’île, est, après la Havane, la ville la plus importante de Cuba.
La Jamaïque, grande île coupée de montagnes et colonie anglaise très florissante, a appartenu autrefois aux Espagnols. Son port le plus important est Kingston (35,000 hab.), entrepôt d’un commerce immense entre l’Angleterre et l’Amérique espagnole.
Haïti ou Saint-Domingue, la plus grande île du groupe des Antilles après Cuba, était autrefois divisée en deux parties, dont l’une appartenait à la France et l’autre à l’Espagne. Après la révolte des nègres en 1791, les Français perdirent leur colonie, et les Espagnols ne gardèrent la leur que jusqu’en 1822. Aujourd’hui Haïti forme deux États indépendants, qui sont presque toujours en proie à l’anarchie la plus complète. Port-au-Prince (21,000 hab.), ville bâtie presque toute en bois, sur un sol marécageux et malsain, est le port le plus important de cette contrée autrefois florissante.
Porto-Rico, la dernière des grandes Antilles et dont le climat passe pour être relativement assez salubre, appartient aux Espagnols. Sa capitale, Saint-Juan-de-Porto-Rico (20,000 hab.), est bâtie sur une petite. île de la côte septentrionale, jointe à la terre par une chaussée, et formant un excellent port.
Les petites Antilles ou îles Caraïbes comprennent deux grands groupes d’îles: les Iles du vent, depuis les îles Vierges, situées à l’est de Porto-Rico, jusqu’à la Trinité, possession anglaise, en face les bouches de l’Orénoque, et les Iles sous le vent, dont la plus importante est l’île de Curaçao, possession hollandaise. Celles-ci s’échelonnent le long de la côte septentrionale de l’Amérique du Sud. Situées sous un climat torride et généralement insalubre, exposées à des ouragans et des tremblements de terre, les petites Antilles ont pourtant une grande importance par leurs plantations et par leur commerce, qui est extrêmement actif. Toutefois, comme elles sont absolument étrangères aux arts don nous devons nous occuper spécialement ici, nous nous contenterons de dire quelques mots de la Martinique et de la Guadeloupe, à cause de leur importance comme colonies françaises.
Fig. 177. — La Guadeloupe.
La Guadeloupe (fig. 177) est formée de deux parties séparées par un bras de mer extrêmement étroit qu’on désigne sous le nom de Rivière Salée. L’une des deux, qui est la Guadeloupe proprement dite, est une contrée montagneuse et volcanique; l’autre, la Grande-Terre, est au contraire plate et ne contient que des terres arables. Basse-Terre et la Pointe-à-Pitre sont les ports principaux de la colonie. La Pointe-à-Pitre a été ruinée par un tremblement de terre en 1861, mais elle s’est promptement relevée. L’île Marie-Galante, les Saintes, la Désirade et les deux tiers de l’île Saint-Martin relèvent administrativement de la Guadeloupe.
Fig. 178. — La Martinique.
La Martinique (fig. 178) a la forme d’une ellipse très irrégulièrement découpée: c’est une île volcanique et très montagneuse. Saint-Pierre, port très commerçant et Fort-de-France, où résident les autorités, sont les villes les plus importantes de la Martinique.