Читать книгу Le monde vu par les artistes : géographie artistique - René Ménard - Страница 7
L’ATMOSPHÈRE
ОглавлениеLa voûte céleste. — Les nuages. — La pluie. — La neige. — Le brouillard.
Voûte céleste. — Tous les anciens peuples ont fait du Ciel un personnage divin, mais l’art ne l’a jamais personnifié d’une manière significative. Dans l’Olympe grec, Zeus représente, il est vrai, la voûte céleste: il est l’assembleur de nuages, et le maître de la foudre. Mais il est complètement distinct du soleil, de la lune et des astres qui peuplent le firmament; on ne saurait donc le regarder comme une personnification du Ciel dans son ensemble. Les premiers chrétiens, considérant toute la nature comme l’œuvre d’un Dieu unique, ont esssayé de traduire leur pensée dans un symbolisme qui se prête peu à l’art. Une lampe chrétienne (fig. 35) montre le Bon Pasteur avec sept étoiles au-dessus de sa tête et le soleil et la lune sur les côtés.
Fig. 35. — Le Firmament sur une lampe chrétienne représentant le Bon Pasteur.
On trouve un symbolisme analogue sur les bas-reliefs mithriaques, où le soleil et la lune assistent ensemble à la scène d’immolation du taureau (fig. 36). Toutes ces représentations sont très incomplètes, même symboliquement, car, si on y voit le soleil, la lune ou les étoiles, on n’y voit pas la voûte céleste proprement dite. La calotte bleue qui pour notre œil recouvre entièrement le sol jusque derrière l’horizon n’a été, dans l’antiquité, le sujet d’aucune représentation même emblématique.
L’art moderne lui-même, malgré ses prétentions au naturalisme, a bien rarement pu rendre d’une manière satisfaisante le bleu intense et profond du ciel d’été à l’heure de midi. Cherchez dans vos souvenirs et vous verrez combien peu de tableaux indiquent cette heure et reproduisent un ciel sans nuages. Belly, dans sa Caravane allant à la Mecque, a bien donné l’idée de la vibration aérienne d’un ciel bleu par une grande chaleur. Les ciels de Fromentin séduisent toujours, mais ils sont rarement d’un bleu intense.
Decamps a fait des échappées de ciel bleu, en appelant à son aide un mur blanc ou des tuiles d’un rouge orangé qui donnent au bleu un accent plus intense. Jules Dupré a peint des forêts dont le feuillage se détache sur un ciel bleu d’une surprenante limpidité ; mais ce que ni Decamps ni Jules Dupré n’ont fait, c’est un ciel bleu dont aucun accident ne vienne rompre la monotonie. Huysmans, de Malines, le seul peintre des Pays-Bas qui ait abordé le bleu dans ses ciels, ne l’a pourtant employé qu’à très petite dose dans une trouée de forêt ou entre deux nuages. Je ne connais aucun ciel bleu de Corol; je n’en connais qu’un seul de Troyon, et ce n’est pas un de ses meilleurs tableaux.
Fig. 36. — Le Soleil et la Lune (sur un bas-relief mithriaque).
Les nuages. — «La merveilleuse diversité de leurs formes fait de l’ensemble des nuages une des grandes beautés de l’atmosphère, dit Élisée Reclus (La Terre). Parmi toutes les images, ou formidables ou gracieuses, que peut rêver la fantaisie de l’homme, il n’en est pas une qui ne se retrouve dans- les vapeurs de l’espace; par leurs contours fugitifs, les nuées ressemblent à des volées d’oiseaux, à des aigles aux ailes éployées, à des groupes d’animaux, à des géants couchés, à des monstres comme ceux de la Fable. D’autres nuages sont des chaînes de montagnes aux cimes neigeuses; d’autres encore figurent des villes immenses aux coupoles dorées. Les poètes voient dans ces groupes des archipels lointains où se trouve ce bonheur tant cherché qui n’existe pas sur la terre; les peuples superstitieux, poursuivis souvent par la terreur de leurs propres crimes, y voient des faisceaux d’armures, des chevaux de guerre, des batailles rangées et des massacres. La lumière, jouant dans ce monde fantastique des nuages, en accroît encore l’étonnante variété ; sur ces corps flottants brillent toutes les nuances imaginables, depuis le blanc de neige jusqu’au rouge de feu; le soleil les colore successivement de toutes les teintes graduées de l’aurore, du jour et du crépuscule; les prairies et les forêts s’y reflètent par des tons verdâtres, et la mer elle-même s’y reproduit vaguement par une couleur d’éclat métallique, rappelant celle du cuivre ou de l’acier.»
Pour les peintres de paysage, les nuages forment presque toujours la note déterminante de l’effet. Le ciel joue un rôle spécial dans les efforts de nos paysagistes modernes pour traduire la nature dans ses réalités les plus fugitives. Quelque beau et quelque fin que puisse être le ciel dans les maîtres hollandais, on peut remarquer qu’ils procèdent tous du même principe de forme et semblent ne donner que des variantes d’un thème charmant, mais sans cesse répété. Les nuages aériens et légers de leurs tableaux se détachent de la voûte céleste par flocons arrondis, et Ruysdaël lui-même, qui aime tant à faire souffler le vent sur les gros nuages orageux, accentue toujours le modelé du nuage par des formes qui s’enroulent majestueusement l’une dans l’autre, mais qui se déchirent rarement et qui ne s’éclaboussent jamais. C’est peut-être la forme la plus fréquente que présente le ciel dans les pays du Nord; mais les paysagistes du dix-septième siècle s’y sont maintenus un peu exclusivement et n’ont pas mis dans leurs recherches toute l’audace des maîtres modernes.
Troyon est dans l’École française l’artiste qui a su donner le plus de profondeur et de limpidité à ses ciels, et c’est à coup sûr celui qui a le mieux exprimé la forme et le caractère des nuages. La figure 37 représente un effet du matin; quelques nuages légers et vaporeux passent devant le soleil dont les rayons, qui s’échappent par le bas, inondent la plaine de lumière.
Théophile Gautier a donné la description suivante de cette superbe peinture, qui, depuis la mort de l’artiste, a pris place dans les galeries du Louvre. «L’aube vient à peine de naître; des clartés blanchissantes commencent à percer les brumes laiteuses du matin; la sueur froide de la nuit perle encore en gouttes de rosée sur les herbes d’un vert glauque; la terre mouillée se nuance de teintes brunes; l’attelage, courbé par le joug, se présente de face et marche pesamment sous l’aiguillon d’un bouvier à moitié endormi; les bêtes aux mufles carrés, les fanons pendants, les genoux cagneux, l’encolure épaisse et lourde des braves bêtes qui vont ouvrir le sillon où germera le pain de l’homme, et qu’on récompensera par la boucherie, tout cela est rendu avec une largeur et une simplicité magistrales; des naseaux luisants des bœufs sortent de longs jets de fumée, car la matinée est froide, et leur respiration se condense en brouillard. M. Troyon a un talent particulier pour peindre les ciels; celui des Bœufs allant au labour est d’une vérité extraordinaire, ce sont bien là ces tons gris argenté, ces vapeurs diaphanes des matinées d’automne qui se résolvent en bruines ou, que pompe le soleil plus haut monté.»
Fig. 37. – Le Ciel. – Les Bœuf allant au labour. (Tableau de Troyon.)
Troyon qui, soit dit en passant, n’a jamais ou presque jamais représenté le ciel embrasé du soleil couchant, était au contraire un vrai magicien de la lumière, quand il pouvait promener sur le ciel ses beaux tons argentins ou faire surgir une lueur de beau temps entre deux averses. Son admirable tableau de la vallée de la Touque montrait un de ces ciels tourmentés où le soleil perce au travers des nuages que chasse un vent d’orage.
Ces recherches sur le ciel, qui resteront le caractère distinctif des paysagistes français pendant la période qui s’étend de 1840 à 1860, avaient pourtant leur point de départ en Angleterre, et Constable peut être regardé comme leur chef de file sous ce rapport (fig. 38). Il a le premier abandonné la tradition, non pas erronée, mais étroite, dans laquelle s’étaient rigoureusement maintenus les peintres hollandais, et, en retraçant le mouvement des nuages dans ce qu’ils ont de plus imprévu dans la forme et de plus vivant dans le ton, il a ouvert la voie à toute une pléiade d’artistes qui ont aussitôt porté leurs efforts dans une direction analogue. Cet amour des peintres pour les grands effets du ciel, où les nuages s’enroulent, se déchirent, se poursuivent et s’entre-croisent sous l’action du vent, n’a pourtant duré que ce que peut durer une mode. Corot, dont l’influence est aujourd’hui dominante parmi nos artistes, était mû par un sentiment plus rêveur que passionné, et aux grands nuages fièrement articulés qu’aimait la génération précédente, il a substitué les vapeurs douces dont les formes indécises font comme une gaze qui voilerait ce que la voûte céleste peut avoir de trop ardent et de trop accentué.
La pluie. — Les nuages se résolvent en pluie ou en neige, et nous allons nous trouver en face de représentations d’un ordre tout à fait particulier. Disons d’abord que les gouttes d’eau que nous voyons tomber quand il pleut ne sont pas beaucoup du ressort de la peinture, et que c’est seulement par un effet d’ensemble qu’un artiste peut traduire sur sa toile l’impression que nous cause la pluie. Les flaques d’eau éparses le long des routes, la teinte plus accentuée des herbes mouillées, le ton particulier du ciel, et surtout la tournure des personnages ou des animaux sur lesquels la pluie tombe, sont autant d’éléments dont l’artiste se sert pour accentuer sa pensée. Tout le monde connaît une composition d’Horace Vernet, intitulée: Chien de temps! on y chercherait en vain une goutte d’eau, et-cependant on voit non seulement que la pluie tombe à torrents, mais encore que le vent la pousse en plein dans la figure des deux pauvres grenadiers, qui cheminent sur un terrain plus humecté qu’une éponge, et en portant la tête en avant comme pour lutter contre l’averse.
Fig. 38. – Un Ciel orageux. (Tableau de Constable.)
Fig. 39. — La Pluie. (Tableau de Destrem.)
Dans le Buisson, de Ruysdaël, l’orage est imminent, mais la pluie ne tombe pas encore, tandis que dans la Tempête, du même artiste, on voit de l’eau partout, même dans le ciel. Il pleut beaucoup dans le Déluge du Poussin, et il ne pleut pas du tout dans celui de Girodet: la draperie des personnages qui sortent de l’eau ne semble même pas avoir été mouillée. Le drame se concentre exclusivement dans l’expression des physionomies, mais le paysage manque absolument de vérité.
Plusieurs tableaux exposés à nos derniers salons représentaient la pluie dans nos rues de Paris, et il y a certainement à l’heure qu’il est plus d’un jeune peintre qui cherche à traduire avec son pinceau l’effet qu’Alphonse Daudet a si bien décrit avec sa plume dans le Nabab: «La pluie depuis le matin, un ciel gris et bas à toucher avec les parapluies, un temps mou qui poisse, le gâchis, la boue, rien que de la boue, en flaques lourdes, en traînées luisantes, au bord des trottoirs, chassée en vain par les balayeuses mécaniques, par les balayeuses en marmottes, enlevée sur d’énormes tombereaux qui l’emportent lentement vers Montreuil, la promènent en triomphe à travers les rues, toujours remuée et toujours renaissante, poussant entre les pavés, éclaboussant les panneaux des voitures, le poitrail des chevaux, les vêtements des passants, mouchetant les vitres, les seuils, les devantures, à croire que Paris entier va s’enfoncer et disparaître sous cette tristesse du sol fangeux, où tout se fond et se confond. Et c’est une pitié de voir l’envahissement de cette souillure sur les blancheurs des maisons neuves, la bordure des quais, les colonnades des balcons de pierre...»
Fig. 40. — Les Parapluies. (Croquis tiré d’un album japonais.)
Un tableau de Destrem (fig. 39), qui figurait à l’Exposition de 1877, reproduit une impression analogue, seulement la scène, au lieu de représenter Paris, se passe dans une ville de province.
Dans un croquis japonais (fig. 40), on voit une petite foule abritée sous de nombreux parapluies dont l’ensemble produit un effet assez piquant. Au reste, le prosaïque parapluie, le large et lourd parapluie de campagne, produit quelquefois une note pittoresque; dans les représentations de marchés, de foires, d’assemblées populaires, le parapluie joue toujours son rôle, soit qu’il se développe dans toute son envergure, soit qu’un paysan le tienne gauchement passé sous son bras. Ce qui est plus singulier, c’est qu’il ait pu tenir dans une idylle; Haffner,. dans un tableau intitulé : Pluie et bon temps, montre (fig. 41) deux amoureux, trop heureux de recevoir une averse qui leur permet de cheminer sous le même parapluie et de se dire des choses que le lecteur devine aisément.
Fig. 41. — Pluie et bon temps. (Tableau de Haffner.)
La neige. — La neigé, formée par des vapeurs d’eau congelées dans l’espace, couvre la terre pendant une grande partie de l’année dans les pays froids, tandis que sous la zone torride elle ne se montre que vers le sommet des plus hautes montagnes. En France, la neige est un accident qui n’est pas extraordinaire en hiver, mais qui se maintient rarement pendant un long espace de temps. Alfred de Vigny nous donne bien l’idée d’un paysage neigeux:
Quand les branches d’arbres sont noires,
Quand la neige est épaisse, et charge un sol glacé !
Quand seul, dans un ciel pâle, un peuplier s’élance,
Quand sous le manteau blanc qui vient de le cacher,
L’immobile corbeau sur l’arbre se balance,
Comme la girouette au bout du long clocher!
Alfred DE VIGNY.
La neige est un élément dramatique d’une grande puissance dans la Bataille d’Eylau de Gros, dans la Retraite de Russie d’Yvon, dans plusieurs compositions sentimentales de Tassaert, etc. Les peintres des Pays-Bas l’ont représentée sous une forme purement pittoresque, cependant presque toujours ils ont reculé devant l’intensité du blanc: cela peut être un effet du temps, mais les ombres bleutées de la neige sont de couleur bistre dans les tableaux hollandais. Des efforts nouveaux ont été tentés dans l’école contemporaine pour rendre la neige avec une vérité plus grande. Le tableau de Loir, que reproduit la figure 42, traduit avec une grande justesse l’impression de la neige sur une route.
Fig. 42. — La Neige. — A l’heure. (Tableau de Loir.)
Le brouillard. — L’humidité de l’air, lorsqu’elle n’est pas encore condensée en nuages, forme le brouillard, sorte de vapeur diaphane, qui semble sortir du sol, efface les contours, atténue les teintes et dérobe complètement la vue des objets lointains. Il y a des brouillards d’hiver, froids, pénétrants, tristes, qu’Alphonse Daudet a décrits admirablement.
«Le brouillard était froid, mais blanc comme de la vapeur de neige... Là-bas, dans les quartiers populeux, resserrés et noirs, dans le Paris commerçant et ouvrier, on ne connaît pas cette joli brume matinale qui s’attarde aux grandes avenues; de bonne heure l’activité du réveil, le va-et-vient des voitures maraîchères, des omnibus, des lourds camions secouant leurs ferrailles, l’ont vite hachée, effiloquée, éparpillée. Chaque passant en emporte un peu dans un paletot râpé, un cachenez qui montre la trame, des gants grossiers frottés l’un contre l’autre. Elle imbibe les blouses frissonnantes, les waterproofs jetés sur les jupes de travail; elle se fond à toutes les haleines, chaudes d’insomnie ou d’alcool, s’engouffre au fond des estomacs vides, se répand dans les boutiques qu’on ouvre, les cours noires, le long des escaliers dont elle inonde la rampe et les murs, jusque dans les mansardes sans feu. Voilà pourquoi il en reste si peu en dehors. Mais dans cette portion de Paris espacée et grandiose, sur ces larges boulevards plantés d’arbres, ces quais déserts, le brouillard planait immaculé, en nappes nombreuses, avec des légèretés et des floconnements d’ouate. C’était fermé, discret, presque luxueux, parce que le soleil derrière cette paresse de son lever commençait à répandre des teintes doucement pourprées, qui donnaient à la brume enveloppant jusqu’au faîte les hôtels alignés, l’aspect d’une mousseline blanche jetée sur des étoffes écarlates. On aurait dit un grand rideau abritant le sommeil tardif et léger de la fortune, épais rideau où rien ne s’entendait que le battement discret d’une porte cochère, les mesures en fer-blanc des laitiers, les grelots d’un troupeau d’ânesses passant au grand trot suivies du souffle court et haletant de leur berger...»
L’effet du brouillard dans les villes a inspiré plusieurs de nos peintres contemporains, entre autres Nittis, qui a représenté quelques aspects de Londres d’une façon extrêmement remarquable. Les maîtres hollandais ont rarement montré le brouillard, quoiqu’on voie souvent des brumes dans leurs tableaux. Albert Cuyp a rendu avec un rare bonheur l’effet du soleil dans les brumes du matin, mais ce n’est pas encore absolument le brouillard. Troyon, le peintre attitré du soleil, a pourtant voulu peindre le brouillard, mais il l’a montré succombant dans sa lutte contre le soleil (fig. 43). Le brouillard de Troyon est toujours rassurant: on sent qu’il se lève et qu’une heure après il fera beau. L’artiste en prend juste ce qu’il lui en faut pour noyer quelques détails, et pour permettre à l’œil d’entrevoir le soleil, dont l’éclat est tempéré par les vapeurs qui l’entourent encore. Le peintre anglais Turner a admirablement rendu le brouillard de l’Angleterre, brouillard intense à l’habitude, mais qui produit des effets féeriques lorsqu’un rayon de soleil parvient à le percer.
Fig. 43. — Le Brouillard. — Retour du marché. (Tableau de Troyon.)
Nous empruntons à Élisée Reclus la définition scientifique du brouillard. «Lorsqu’une masse d’air humide, dit-il, reposant sur le sol dépasse le point de saturation, une certaine partie de la vapeur se condense aussitôt en gouttelettes blanchâtres qui par leur multitude voilent ou cachent complètement les objets et ne laissent plus passer qu’une terne lumière: ces gouttes innombrables constituent les brouillards. Ce sont des nuages encore attachés à la terre et rampant sur les campagnes ou sur les pentes des monts; ils se forment surtout pendant les nuits à cause du refroidissement de l’atmosphère; souvent aussi on les voit s’élever, le soir, des surfaces marécageuses et des prairies humides, enveloppant jusqu’à mi-hauteur les troncs des saules et des peupliers. Quand un vent froid descend des hauteurs de l’air et retient l’humidité dans les couches inférieures, le brouillard devient permanent et peut durer pendant des journées et même des semaines entières. Fréquemment le ciel est pur à une faible élévation au-dessus de ces vapeurs, et, du haut d’un promontoire qui se dresse dans l’air libre, on peut alors contempler à ses pieds une grande mer blanche d’où les collines jaillissent çà et là comme des îles. Dans les mers boréales, où s’opère le conflit entre les vents polaires et les courants équatoriaux, notamment dans le Pacifique du Nord, aux environs de Terre-Neuve, et dans les mers Britanniques, les brouillards sont parfois d’une telle épaisseur qu’ils deviennent ces espèces de «poumons marins», dont parle Pythéas de Marseille, et que les anciens bardes classaient parmi les éléments comme le feu, la terre, l’eau et l’atmosphère; il est vrai qu’à ces forces primitives s’ajoutent aussi pour eux les plantes que gonfle l’humidité du brouillard et le vent du sud qui le disperse dans le ciel.»