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CHAPITRE VII
Danger qu'on aura prévu.
ОглавлениеFanchette, jeune, innocente et vertueuse, était tranquille chez son bienfaiteur Apatéon. Souvent elle s'était aperçue qu'en lui parlant, il rougissait et lui pressait la main: quelquefois, comme sans y penser, il achevait de boire ce qu'elle avait laissé: lorsqu'ils revenaient ensemble, au lieu de lui donner la main pour descendre de la voiture, il la prenait dans ses bras et la portait jusqu'à l'escalier: en montant, ses pieds touchaient à peine à terre; l'obligeant vieillard la soulevait, et parvenait hors d'haleine à la porte de son apartement: sous prétexte qu'une chaussure trop juste pouvait la gêner, dês qu'ils étaient rentrés, lui-même présentait à Fanchette des mules élégantes, tombait à ses pieds pour l'empêcher de se baisser, et la débarassait de son joli soulier. La jeune fille sentait au fond de son cœur une vraie reconnaissance de tous ces soins; cependant quelquefois ils la firent rougir: mais elle regarda ce mouvement de pudeur comme un commencement d'ingratitude; elle en eut horreur.
Un jour qu'il faisait très-chaud, le vieillard eut des affaires: Fanchette, restée seule, se mit à lire les lettres récréatives et morales de C***. Cette lecture l'assoupit: Elle était sur un sopha, un de ses pieds apuyé sur un siége, et l'autre tombant sur le parquet. On découvrait le commencement de sa jambe, et ce joli pied sur-tout, chef-d'oeuvre des grâces, était parfaitement en vue. Le bon monsieur Apatéon revient, et vole où tendent tous ses désirs. On entrait de son apartement par une porte secrette, dans celui de la belle Florangis. Il aperçoit sa pupille qui sommeillait. Le cœur du papelard battit avec violence: il s'aproche, en tressaillant de plaisir: il s'agenouille: il baise mille fois ce pied charmant. Il ne voulait pas s'en tenir-là: la jambe de l'aimable fille le tentait; mais une secousse que le mouvement de sa lourde masse donne au plancher, éveille Fanchette. Elle voit monsieur Apatéon la bouche collée sur sa mule. Elle se lève en rougissant. Le vieillard à genoux et confus, prit sur le champ son parti, et poussant un gros soupir, il dirige langoureusement ses regards sur une image placée vis-à-vis de lui: «Grande sainte, s'écrie-t-il, protège cette fille aimable, dont je viens de baiser les pieds avec humilité; que sa belle âme soit inondée des grâces qui donnent le salut comme son corps a toutes celles qui font naître l'admiration. Loué soit le créateur, qui la fit si charmante... et si sage!» Il se relève en achevant ces mots, et baise avec feu la main de Fanchette, qui la retire vivement. «Je vous aime en dieu, ma chère fille, lui dit Apatéon. Nous ne sommes pas comme ces athées, qui n'ont en aimant, que des vues illicites; ne craignez rien d'un homme, qui n'adore en vous que le créateur lui-même.» Ensuite il s'assit auprês de sa pupille, qui n'avait rien compris à son action et à ses discours: il prenait de tems-en-tems ses belles mains, les pressait; quelquefois il passait son bras autour d'une taille swelte et légère; il hazarda même de lui dérober un baiser. Fanchette, sans défiance, souffrait cependant: elle ne sentait plus son cœur s'épanouir: la présence de monsieur Apatéon la réjouissait dans d'autres tems; à présent elle le souhaiterait bien loin. Elle pensait tout cela mais elle n'en témoignait rien. Apatéon crut son triomphe facile: cependant il ne voulut rien hazarder: il remit à la nuit suivante l'exécution d'un projet, formé depuis que Fanchette était en sa puissance.