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II

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Restif de la Bretonne, en exposant une de ses théories familières sur la façon de doter les enfants ab initio, écrivit à son sujet: «Je fus sans doute conçu dans un embrassement chaud qui me donna la base de mon caractère: s'il eût été accompagné de dispositions vicieuses, j'étais un monstre; la preuve de la pureté du cœur de mes parents, c'est ma candeur native.» Cet aveu mérite d'être enregistré au début d'une biographie aussi compliquée et aussi exceptionnelle que celle que nous avons à poursuivre, car il est hors de doute qu'avec son tempérament essentiellement sensuel et érotique, l'auteur du Pied de Fanchette eût été un monstre mille fois plus pernicieux que le célèbre marquis de Sade, si ses instincts d'impétueux Égipan n'avaient été traversés par un courant contraire et adoucis par une sensiblerie généreuse qui font de lui un être à part, quelque chose de bizarre et d'extravagant comme un maréchal de Retz au pays d'Astrée.

Nicolas-Edme Restif naquit à Sacy, près de Vermenton, dans cette contrée des lurons de basse Bourgogne, entre Auxerre et Avallon, le 23 octobre 1734 [U-11].

[U-11] La date de la naissance de Restif a été certifiée par la communication de l'acte de baptême de l'auteur, conservé dans les registres de la paroisse de Sacy et dont M. Sylvain Puychevrier a fourni copie dans un numéro du Bulletin du Bouquiniste (8e année, Ier semestre 1864, p. 492). Tous les biographes commettent l'erreur (propagée par Restif lui-même) de faire naître l'auteur de la Fille naturelle le 22 novembre 1734. Cette date, en effet, se trouve consignée dans les premières lignes de Monsieur Nicolas.

Voici cet acte: «Le vingt-trois octobre mil sept cent trente-quatre, nous, curé de Sacy, avons baptisé Nicolas-Edme, fils de maître Edme Restif, marchand, et de honneste femme Barbe Ferlet, les père et mère, né le même jour et de légitime mariage, lequel a eu pour parrain M. Restif minore (le frère de Restif, qui se préparait dans les ordres mineurs à devenir prêtre) et pour marraine honneste fille Anne Restif qui ont signé avec nous et les témoins: Restif; Anne Restif; E. Restif; Foudriat, curé de Sacy.»

Quant à l'orthographe même du nom de Restif, bien que dans l'à-propos de la Vie de mon père il soit dit: «Notre nom s'écrit indifféremment Rétif, Rectif ou Restif», nous adoptons, avec M. Assezat, l'orthographe régulière avant la réforme du XVIIIe siècle et écrivons Restif, ainsi que l'auteur signait couramment, comme on peut s'en convaincre dans un fac-similé de petit traité qui figure dans la monographie de Restif par Charles Monselet. (M. Charles Monselet a cependant adopté Rétif).

Son père, après avoir vécu quelques années à Paris en qualité de clerc d'homme d'affaires, était venu se donner à la culture à la ferme de la Bretonne. Il s'était marié deux fois et avait eu sept enfants d'un premier lit. Nicolas-Edme fut le premier-né d'un second mariage avec Barbe Ferlet de Bertro qui devait doter la Bourgogne de six autres petits Restifs. On voit que l'écrivain des Gynographes était d'une famille qui savait suivre les préceptes de la Bible et qu'il devait chasser de race.

«L'enfance de Nicolas ressembla à celle des autres petits paysans, dit M. J. Soury dans une charmante page de son étude remarquable; tout le jour il courait dans les prés et dans les bois de Nitry et de Sacy, il cherchait les nids, menait au champ et sur les collines prochaines, où l'air est très vif, les troupeaux de son père, et quand, le soir venu, il distinguait les murs blanchis de la petite ferme de la Bretonne, il hâtait le pas, trop lent à son gré, de ses moutons et de ses chèvres. C'était l'heure du souper: le père, la mère, les enfants et tous les gens de la ferme, les garçons de charrue, les vignerons, les servantes, s'asseyaient à la même table.

«Après le repas, le père de famille ouvrait sa Bible et en expliquait tout haut quelques chapitres. Quoiqu'on songe encore involontairement au tableau célèbre de Greuze, il n'y a pas moyen de révoquer en doute cette coutume dans la maison paternelle de Restif. Bien avant d'avoir lu la Bible, Nicolas la savait par cœur, surtout le Pentateuque, et il la mettait en action.»

Aussi, vers sa dixième année, il élève un autel de pierre dans une solitude sauvage et y offre en holocauste des oiseaux, comme un grand prêtre juif. «Je voyais, dit-il, avec des élans de dévotion tourbillonner la fumée de mon sacrifice que j'accompagnais de quelques versets de psaumes [U-12]

[U-12] Monsieur Nicolas, page 172 et passim.

«Ce grand prêtre juif était alors un enfant fort doux, très bon et d'une timidité presque maladive. Comme il avait la plus jolie figure du monde, les filles couraient après, l'embrassaient malgré lui, à la sortie de la messe, aux heures où les garçons de son âge jouaient devant les métairies ou dans les granges; Nicolas ne savait comment échapper à ses persécutrices. Il fuyait, plus léger qu'un jeune faon, sans prendre garde aux rieuses qui criaient: «V'la qui monsieur Nicolas! V'qui l' sauvége!»—«C'ô in chevreu», disaient les hommes; «il ôt dératé», répondaient les femmes. A le voir, au moindre mot, baisser en rougissant ses grands yeux aux longs cils, les parents disaient au père et à la mère: «C'est une fille modeste que votre fils; êtes-vous sûrs de son sexe?»

Lui-même avoue qu'il était femme par la sensibilité, l'excitabilité de son imagination.

«Encore quelques jours et, dès onze ans, M. Nicolas deviendra un embrasseur redoutable qui, à son tour, mettra en déroute les folles embrasseuses. Il ne fera pas bon pour elles de le rencontrer sur les chemins, surtout les jours de fête, avec son chapeau neuf, sa chemise à manchettes, son habit rouge, sa veste et sa culotte bleu céleste, chaussé de fins bas de coton, avec des escarpins aux boucles fort antiques et très éblouissantes.»

Le sensible Restif, en dépit de la fréquente école buissonnière qu'il faisait aux beaux jours d'été, étudiait de son mieux pendant l'hiver à l'école de maître Jacques à Vermenton. A peine sut-il lire couramment qu'il fut pris d'une fièvre intense de savoir, et comme les braves femmes du village, les ouvriers de la ferme s'extasiaient devant la facilité et l'ardeur savante du petit Nicolas qui récitait tout haut ses lectures au premier venant, son père le mit en pension à Joux où il ne resta que peu de temps, y ayant pris la petite vérole dont il faillit mourir.

A peine rétabli, il fut décidé qu'un cousin de Nicolas, Jean Restif, avocat à Noyers, une des lumières de la famille, viendrait interroger l'enfant et déciderait de sa vocation d'après les aptitudes qu'il lui reconnaîtrait. Ce Jean Restif, homme respectable et d'une austère vertu (selon les termes mêmes de M. Nicolas), arriva pour la fête de Sacy, mis plus que simplement, un vieil habit de drap gris, ses souliers coupés à cause des cors aux pieds, et il se prit aussitôt à interroger son petit cousin: «Que lisez-vous?—La Bible, monsieur l'avocat, et mon père nous la lit tous les soirs [U-13].» Et voici le jeune homme bavardant avec son grand cousin Jean, lui faisant part de ses remarques sur la Bible, contant ses autres lectures, émettant ses idées avec timidité d'abord, puis avec une grande assurance, tant et si bien que lorsque le brave père de Restif demanda à l'austère examinateur: «Que pensez-vous... en ferai-je un laboureur?» celui-ci répondit: «Non!»—«En ferai-je un prêtre comme son aîné?»—«Moins encore, répondit le juge, il aime les femmes; comme la pauvreté, qui n'est pas vice, tient les pauvres toujours à la veille d'être fripons, ce penchant à l'amour peut devenir néfaste; donnez une solide instruction au petit cousin, puis après nous verrons.»

[U-13] Les Restif (d'après une note de M. Assezat) avaient, lors de la Réforme, embrassé la religion protestante. Une partie de la famille s'était expatriée lors de la révocation de l'édit de Nantes; l'autre, à laquelle appartenait la branche dont sortait notre auteur, était revenue au catholicisme lors des Dragonnades. On y avait cependant conservé, comme on le voit, l'une des plus caractéristiques habitudes du protestantisme, la lecture de la Bible.

Nicolas fut, en conséquence, conduit par le coche à Paris, chez l'un de ses frères d'un premier lit, l'abbé Thomas, précepteur chez les jansénistes de Bicêtre; il y fut nommé «frère Augustin» et porta la soutane et le camail comme tous les petits curés de l'endroit. Le voici donc au sortir de la vie ensoleillée des champs, claustré dans la monotonie des exercices religieux, n'ayant pour toute lecture que des œuvres jansénistes telles que les Provinciales, les Essais de Nicole, la Vie et les Miracles du diacre Pâris, ouvrage d'une gaieté douteuse pour un adolescent plein de pétulance et d'imagination. Par bonheur, à ce qu'il raconte, quelques sœurs firent tout au monde pour perdre son âme, et il laisse sous-entendre qu'il put prendre sa revanche des coups de férule de l'abbé Thomas en goûtant le bonheur dans les bras des tendres Mères.—L'exil de Nicolas dura peu, les jansénistes de Bicêtre furent persécutés et dispersés et «l'ex-petit prêtre Augustin» revint en Bourgogne chez son autre frère, le curé de Courgis, un brave et saint homme adoré de ses ouailles.

Restif de la Bretonne approchait alors de sa quinzième année et dès ce moment nous voyons les événements de sa vie se précipiter et ses aventures amoureuses naître et se succéder avec une rapidité qui semble défier l'analyse, tant ces amours et amourettes innombrables foisonnent de détails. Restif a tissé avec sa propre existence le canevas de plus de cent romans et écrit un millier de contes et nouvelles, vécues par lui-même, selon le mot du jour. Qu'on juge de la discrétion qui nous est recommandée, de la concision dont il nous faut faire preuve dans ce modeste avertissement au Pied de Fanchette qui ne peut être qu'une brève causerie familière.

Voici d'abord Jeannette Rousseau, la fille du notaire de Courgis, le grand amour idéal qui poursuit Nicolas à toutes les étapes de son existence passionnée; cette Jeannette dont il rêvait encore avant de mourir et sur laquelle il écrivit ces lignes: «Jeannette Rousseau, cet ange sans le savoir, a décidé mon sort. Ne croyez pas que j'eusse étudié, que j'eusse surmonté toutes les difficultés parce que j'avais de la force et du courage. Non! je n'eus jamais qu'une âme pusillanime, mais j'ai senti le véritable amour. Il m'a élevé au-dessus de moi-même et m'a fait passer pour courageux, j'ai tout fait pour mériter cette fille dont le nom me fait tressaillir à soixante ans après quarante-six ans d'absence... Oh! Jeannette, si je t'avais vue tous les jours, je serais devenu aussi grand que Voltaire et j'aurais laissé Rousseau loin derrière moi, mais ta seule pensée m'agrandissait l'âme, ce n'était plus moi-même, c'était un homme actif, ardent, qui participait au génie de Dieu.»

Après cette Jeannette tant chantée, voici Marguerite, la servante de son frère le curé, puis la céleste Colette, la Mme Parangon, femme de l'imprimeur d'Auxerre [U-14], où Restif fit son apprentissage vers la seizième année, et plus tard la célèbre Septimanie, comtesse d'Egmont, Zéphire la charmante grisette, tour à tour vêtue d'indienne et de taffetas rose, Sara, Suadèle, Henriette et tant d'autres, sans compter les mésaventures du mariage de notre héros avec Agnès Lebègue. Comment narrer une existence si pleine d'épisodes et d'aventures incroyables, si remplie, si touffue! Ce serait refaire les Confidences de Nicolas ou dépasser en étendue et en intérêt peut-être les Mémoires du charmant aventurier Casanova; mais reprenons notre récit hâtif.

[U-14] La famille de cet imprimeur existe encore à Auxerre, et il y aurait ici indiscrétion à révéler le nom de Mme Parangon.

Restif ne resta pas de longues années chez son frère le bon curé de Courgis. En juillet 1751, il fut reçu comme apprenti chez un grand imprimeur d'Auxerre dont il déguisa le nom à l'aide d'un terme typographique en l'appelant M. Parangon. Cette période de sa vie, de 1751 à 1755, où il vint à Paris, reste assez obscure; sa passion pour Mme Parangon et ses amourettes avec quelques belles filles auxerroises semblent remplir ces quatre années. Dans le Cœur humain dévoilé, le jeune typographe trouve le moyen de nous attendrir durant de longs chapitres sur Edmée Sévigné, Manon Prudhot, Madelon Baron, Marianne Tangis, Rose Lambelin, Fanchette, sa fiancée et autres aimables damoiselles dont nous ne saurions compter ici les aventures. Il vint à Paris par le coche en 1755 et le pauvre Nicolas commença une lutte terrible contre l'adversité, les tentations et la misère de la grande ville. Il était entré comme ouvrier compositeur à l'imprimerie du Louvre; mais la corruption des milieux qu'il fréquentait le soir après le travail ne tardèrent pas à le gangrener dans l'âme. Selon son biographe Monselet, on le rencontrait dans les caves du Palais-Royal, repaire des militaires et des comédiens de province, contant fleurette aux nymphes de comptoir, ou bien joyeusement assis au cabaret de la Grotte Flamande, mangeant une fricassée de petits pois entre Aline l'Araignée et Manette Latour. «Il faudrait, s'écrie l'auteur de la Lorgnette littéraire, la plume d'Homère pour tracer le dénombrement des maîtresses de l'inconstant Bourguignon; avec lui les aventures galantes se succèdent sans intervalle; son cœur n'est jamais vide, et la blonde s'y rencontre souvent en même temps que la brune. Sur la fin de sa vie, lui-même s'est mis à faire son calendrier amoureux, une patronne par jour, trois cent soixante-cinq au dernier décembre et les plus belles filles du monde, des marchandes, des grisettes, quelquefois même des grandes dames; puis, une fois son calendrier terminé, voilà que Restif se trouve sur les bras un excédent de soixante et quelques femmes.»

Après des déboires sans nombre, et en dernier lieu accablé par la rupture de son mariage fictif avec une Anglaise, Henriette Kircher, qui s'était fait passer à ses yeux lui pour une riche héritière, Restif revint à Auxerre, à Courgis, à la Bretonne; puis il part pour Dijon où il travaille dans une imprimerie, revient à Paris et se marie enfin, sérieusement cette fois, à Auxerre avec Agnès Lebègue, le 22 avril 1760.

«J'étais beau ce jour-là, écrit-il en évoquant ses souvenirs; j'étais beau ce jour de ma mort morale; on loua ma figure en disant qu'Agnès ne me méritait point. Arrivé à l'église, le fatal serment du mariage fut prononcé. Un mot frappa mon oreille au moment où, levant les yeux sur ma cousine Edmée, je la voyais en prière à l'écart: Enfin la voilà donc mariée! et moi je pensais tristement: «Infortuné! te voilà donc lié!... Je revins de l'église avec le sentiment que j'étais perdu et je l'étais...»

Restif marié, c'était l'enfer. Après avoir payé les dettes criardes de sa femme, il s'établit de nouveau à Paris, où il reprit du travail chez la veuve Quillau, à l'imprimerie Royale.

Nous laisserons sous silence les discordes du nouveau ménage, le mari inconstant, la femme infidèle et de plus bel esprit, les luttes infinies et nous comprendrons que M. Nicolas ait abandonné pour une certaine Rose Bourgeois l'infâme Agnès, comme il la nomme. Aussitôt libre, ses amours reprennent, l'incroyable satyre ne se lasse pas ou plutôt c'est à croire avec un de ses biographes qu'il ne pouvait voir aucune femme sans s'imaginer qu'elle l'aimait et sans écrire une relation imaginaire de ses amours. Selon M. Jules Soury, avec lequel nous serions volontiers d'accord, notre romancier, qui finit par tomber dans le délire des persécutions, fut toute sa vie un de ces aliénés que le docteur Lasègue appelle exhibitionniste; il exhibait plus ou moins toute sa personne devant les devantures des marchandes de modes ou dans les escaliers obscurs des maisons où il poursuivait ses singulières bonnes fortunes.

En 1767, Restif se révèle littérateur et publie la Famille vertueuse, le premier ouvrage de cette série d'œuvres incroyables qui devaient se succéder avec une si grande rapidité, que nous sommes forcés ici d'abandonner l'écrivain pour terminer à bon terme la biographie de l'homme même. Ce premier essai n'avait pas été heureux, mais il put se rattraper vers la quarantième année par le Pied de Fanchette, le Paysan perverti et les Contemporaines, qui lui acquirent toute sa célébrité. Recherché avec curiosité de tous côtés, invité partout, Restif n'en devint que plus misanthrope.

«C'était alors, écrit M. Soury, un homme de taille moyenne et un peu courbé, d'allure timide et réservée, presque cléricale, car l'ancien enfant de chœur de Bicêtre avait gardé le pli et les manières de sa première éducation; les yeux et les sourcils fort longs, qui, dans la vieillesse lui donnèrent l'aspect d'un hibou, étaient encore noirs; la bouche charmante et fine, avec le nez aquilin des Restif. A le voir dans ses habits d'ouvrier, les bras nus, la poitrine velue, on admirait un torse d'une rare puissance et qui eût pu convenir à une statue d'Hercule. Sa capacité de travail était prodigieuse: en six ans, il imprima quatre-vingt-cinq volumes dont il lut trois fois les épreuves. De 1767 à 1802, Restif a publié deux cents volumes; il pouvait donc écrire un demi-volume par jour.

«Ce n'était pas seulement le descendant d'une forte race de paysans, c'était un sobre et vigoureux athlète, qui sans un point vulnérable eût été un anachorète. Il mangeait peu et ne buvait jamais de vin. «En toute ma vie, a-t-il écrit, un repas, quel qu'il fut, n'a jamais troublé ma tête au point de m'ôter le goût du travail.» Il lui est arrivé de mettre vingt ans le même vêtement; on lui voyait toujours une vieille redingote bleue «l'aînée de ses habits»; pour courir les rues, il se couvrait d'un lourd manteau à collet de très gros drap noirâtre, qui lui descendait à mi-jambes; il se sanglait au milieu du corps comme une bête de somme; un grand chapeau de feutre à larges bords, comme on le voit aux estampes de ses Nuits de Paris, lui couvrait toute la figure. D'ailleurs peu de chemise et point de soins de toilette. Cubières-Palmaiseaux raconte qu'il rencontra Restif avec une barbe extrêmement longue et inculte: «Elle ne tombera, dit l'homme aux idées singulières, que lorsque j'aurai achevé le roman auquel je travaille.—Et si ce roman est en plusieurs volumes?—Il sera en quinze!»

Tout Restif est là, volontaire et dédaigneux comme Rousseau.

Nous voudrions suivre Restif dans ses relations mondaines et littéraires, le surprendre dans ses logis divers, le montrer pendant la Révolution où il joua un rôle curieux et déploya un grand enthousiasme républicain; présenter ses retours conjugaux vers Agnès Lebègue et son divorce prononcé pendant la Terreur, le juger pendant sa vieillesse; mais la place nous manque, quelque succinct que nous puissions nous montrer et nous voici contraint d'enregistrer la date de sa mort en regrettant de n'avoir pu complètement effleurer le récit de sa vie.

Restif de la Bretonne mourut à l'âge de soixante-douze ans, le 8 février 1806 vers midi, dans une maison de la rue de la Bûcherie. Cubières-Palmaiseaux, un honnête écrivain prud'homme, fit sur l'auteur de tant d'œuvres singulières ce quatrain de mirliton funèbre.

Pénétré d'ardeur pour le bien,

Et brûlant d'amour pour la gloire,

Il monta, non sans peine, au temple de Mémoire,

Fut bon ami, bon père et sage citoyen.

Restif avait eu, en effet, deux filles de son déplorable mariage; Agnès et Marie-Jeanne, la première fut mariée à un sieur Augé, puis à Louis Vignon; la seconde épousa un de ses cousins et conserva ainsi le nom de Restif.

Contes de Restif de la Bretonne

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