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CHAPITRE XVI.

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Table des matières

ON dit en terme de Peinture, jetter une Draperie, pour dire habiller une Figure,&luy donner une Draperie Ce mot de jetter me paroît d’autant plus expressif, que les Draperies ne doivent point être arangées comme les habits dont on se sert dans le monde: mais qu’en suivant le caractere de la pure Nature, laquelle est éloignée de toute affectation, les plis se trouvent comme par hazard au tour des membres, qu’ils les fassent paroître ce qu’ils sont;&que par un artifice industrieux ils les contrastent en les marquant,&qu’ils les caressent, pour ainsi dire, par leurs tendres sinüositez,&par leur molesse.

Les anciens Sculpteurs, qui n’avoient pas l’usage des différentes Couleurs, parce qu’ils travailloient le même Ouvrage sur une même matiére, ont évité la grande étenduë des plis, de peur, qu’étant an tour des membres, ils n’attirassent les yeux,&n’empêchassent de voir-en repos le nud de leurs Figures. Ils se sont très-souvent servis de linges moüillez pour draper, ou bien ils ont multiplié les mêmes plis, afin que cette répétition fît une espéce de hachûre, qui par son obscurité, rendit plus sensibles les membres qu’elles entourent. Ils ont observé cette derniére méthode plus ordinairement dans les Bas-reliefs. Mais dans l’une&dans l’autre maniére dont ils ont traité leurs Draperies, ils ont observé un merveilleux ordre de placer les plis.

Le Peintre, qui par la diversité de ses Couleurs&de ses lumiéres, doit ôter l’équivoque des membres d’avec les Draperies, peut bien se régler sur le bon ordre des plis de l’Antique, sans en imiter le nombre,&peut varier ses étofes selon le caractére de ses Figures. Les Peintres, qui n’ont point connu la liberté qu’ils avoient en cela, se sont faits autant de tort, en suivant les Sculptures Antiques, que les Sculpteurs en voulant suivre les Peintres.

La raison pour laquelle les plis doivent marquer le nud, c’est que la Peinture est une superficie plate, qu’il faut anéantir en trompant les yeux,&en ne laissant rien d’équivoque. Le Peintre est donc obligé, de garder cet ordre dans toutes ses Draperies, de quelque nature qu’elles puissent être, fines, ou grosses, travaillées, ou simples; mais qu’il préfére sur tout la majesté des plis à la richesse des étofes, qui ne conviennent que dans les Histoires dans lesquelles elle a été, ou pourroit être vrai-semblablement employée selon les tems&les coûtumes.

Comme le Peintre doit éviter la dureté&la roideur dans les plis,&empêcher qu’ils ne sentent, comme on dit, le manequin, il doit de même user avec prudence des Draperies volantes. Car elles ne peuvent être agitées que par le vent dans un lieu où l’on peut raisonnablement supposer qu’il souffle; ou par la compression de l’air, quand la Figure est supposée en mouvement. Ces sortes de Draperies sont avantageuses, parce qu’elles contribuënt à donner de la vie aux Figures par le contraste: mais il faut bien prendre garde que la cause en soit naturelle&vrai-semblable,&de ne pas faire dans un même Tableau des Draperies volantes de côtez différens, lorsqu’elles ne peuvent être agitées que par le vent,&lorsque la Figure est en repos; défaut dans lequel sont tombez sans y penser plusieurs habiles Peintres.

Abregé de la vie des peintres

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