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PREFACE.

Table des matières


LUSIEURS Auteurs ont écrit amplement les vies des Peintres, Vasari. Ridolfi, Carlo Dati, Baglioni, Soprani, le Comte Malvasie, Pietre Bellori, Van-Mandre,& Corneille de Bie en ont fait quatorze gros volumes,&depuis peu Felibien nous en a donné cinq,&Sandrart un grand in folio, sans compter plusieurs vies particulieres qui ont été imprimées: ainsi je ne prétens rien dire de nouveau dans cét abregé. J’y ai seulement eu en vûë la commodité des Peintres &des curieux qui n’ont pas beaucoup de tems à donner à une lecture de plaisir, ou qui ayant déja lû les originaux, seront bien aises qu’on leur en rafraichisse la memoire. D’ailleurs ce qui grossit la plûpart des livres donc nous venons de parler, sont des descriptions de Tableaux ausquelles tout le monde ne peut pas donner son attention; parce qu’elles en demandent beaucoup, sans quoy elles deviennent ennuyeuses; J’ay donc crû devoir d’autant plus me dispenser de rapporter ces descrptions, qu’il est aisé d’y avoir recours. Je me suis contenté de donner er icy, autant qu Je l’ay pû faire, une idée generale des Peintres dont les Ouvrages sont en quelque estime parmi le monde. J’ay voulu seulement coucher en peu de mots les choses les plus essentielles: comme le païs, le pere, le jour de la naissance, le maître, les Ouvrages en general avec les lieux où ils se trouvent, le talent, les actions remarquables, le tems de la mort,&les disciples de chaque Peintre:&quand j’ay manqué de satisfaire à tous ces points, c’est que je n’en ay pas été éclairci.

Je ne parle que des principaux Peintres, c’est à dire de ceux qui ont contribué au renouvellement de la Peinture, ou qui l’ont élevée au degré de perfection, dans lequel nous la voyons, ou enfin dont les Ouvrages ont entrée dans les cabinets des Curieux: car il y a beaucoup de Peintres, qui bien qu’ils ne soient pas du premier ordre; ne laissent pas d’estre fort estimez. On en trouvera icy quelques-uns dont le merite est mediocre generalement parlant, mais qui ont quelque talent particulier, ou qui font connoistre que la Peinture n’a pas esté négligée dans le païs où ils ont pris naissance. Il y en a dont on ne dit que peu de chose)&d’autres même que l’on ne fait que nommer pour ne point perdre le fil de l’histoire,&pour marquer seulement le tems où ils vivoient; parce qu’ils peuvent estre connus de quelques Curieux, s’ils ne le sont pas de tous. Il y en a aussi où je me suis étendu davantage, à cause que personne n’en a encore écrit, ou que j’en rapporte des particularitez dont j’ay eu de nouveaux memoires; si j’en ay obmis quelques-uns faute de notion, ou faute d’exactitude, je tâcheray de réparer ce deffaut dans un autre édition.

Quoy que cét abregé soit comme je viens de dire d’une asséz grande commodité pour bien des gens, il n’a point été la principale intention de cét Ouvrage,&je n’y ay pas tant regardé la connoissance des actions des Peintres, que celle du degré de leur merite. C’est dans cette vûë que j’ay mis à la fin de chaque vie des principaux Maître: c’est à dire de ceux dont on parle le plus, les reflexions que j’ay crû les plus propres à découvrir leur caractere. Car pour les autres dont les Ouvrages sont peu connus, ou qui ne doivent estre considerez que comme des disciples attachez à leur maîtres, ainsi que des branches à leur tronc; j’ay crû qu’il suffiroit d’avoir inseré dans leur vie le peu que j’en avois à dire,&que d’ailleurs le Lecteur en auroit assez peu de curiosité.

Comme il n’y a point de Peintre mediocre qui n’ait quelquefois bien peint, ny d’excellent Peintre qui n’ait fait des choses mediocres, ce n’est pas sur un nombre choisi de leurs Tableaux, mais sur le general de leurs Ouvrage que j’exposeray mes sentimens.

J’ay déliberé long-tems si je les abandonnerois au public, j’en ay prévû tous les inconveniens&toutes les difficultez. Je sai que dans cette matiere où l’on confond souvent le Goût avec la raison, il étoit impossible de contenter tout le monde: Je suis persuadé que les Curieux qui ont des Tableaux d’un maître, trouveront que je n’en auray pas parlé assez avantageusement: Et j’ay connu enfin que ce n’étoit point assez pour découvrir les talens des grands maîtres, d’avoir vû les plus beaux Tableaux de l’Europe,&que l’attention que j’ay apportée à les examiner, n’estoit point un assez bon garant pour autoriser mes paroles: mais qu’il falloit une profonde connoissance des Principes de la Peintures,&du Génie pour en faire l’application J’avouë que j’ay trouvé cette entreprise au dessus de mes forces; & n’ayant rien voulu dire de mon chef, je me suis contenté de mesurer mes pensées aux maximes établies par les meilleurs Peintres&par les meilleurs auteurs qui ont tâché dans leurs Ouvrages de nous proposer la perfection.

C’est donc pour mettre à couvert de temerité les jugemens que j’ay faits des Ouvrages en général des principaux Peintres, que j’ay trouve à propos de donner icy l’idée du Peintre parfait sur laquelle je me suis reglé. Quoique j’aye tâché de la rendre juste, je ne prétens pas ôter à personne la liberté d’en faire l’application selon son goût, comme je le fais selon le mien: car je suis bien persuadé que chacun ne voit pas également tout cequ’il y a à voir dans un Ouvrage,& si mon dessein n’est pas en cela au gré de quelques-uns, d’autres seront bien aises qu’on leur ait au moins donné lieu d’exercer leur jugement.


Abregé de la vie des peintres

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