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CHAPITRE III.
ОглавлениеLA Nature n’est pas feulement détournée par les accidens qui se rencontrent dans les productions actuelles: mais encore par les habitudes que contractent les choses produites. On peut donc considérer les actions de la Nature de deux maniéres, ou lorsqu’elle agit elle-même de son bon gré, ou lorsqu’elle agit par habitude au gré des autres.
Les actions purement de la Nature, font celles que les hommes feroient, si dés leur enfance on les laissoit agir selon leur propre mouvement;&les actions d’habitude&d’éducation, sont celles que les hommes sont en conséquence des instructions&des exemples qu’ils ont reçûs. De celles-cy il y en a autant que de Nations différentes,&elles sont tellement mêlées parmi les actions purement naturelles, qu’il est à mon sens tres-difficile d’en connoître la différence. C’est néanmoins ce que les Peintres doivent tâcher de faire, car ils ont souvent des sujets à traiter, où ils doivent suivre la pure Nature, ou en tout, ou en partie. Il est bon qu’ils n’ignorent pas les actions différentes dont les principales Nations ont revêtu la Nature: mais comme leur différence vient de quelque affectation, qui est un voile qui déguise la vérité, la principale étude du Peintre doit être de débroüiller&de connoître en quoy consiste le vray, le beau&le simple de cette même Nature, laquelle tire toutes ses beautez&toutes ses graces du fond de sa pureté&de sa simplicité.
Il est visible que les anciens Sculpteurs ont recherché cette simplicité naturelle, &que Raphaël a puisé dans leurs Ouvrages avec le bon Goût, celle qu’il a répanduë dans ses figures. Mais quoy que la Nature soit la source de la Beauté, l’Art, dit-on communément, la surpasse; plusieurs Auteurs en ont parlé dans ces termes,&c’est un Problême qu’il est bon de résoudre.