Читать книгу Musiciens d'autrefois - Romain Rolland - Страница 10
ОглавлениеQual raggio in onda, le scintilla un riso Negli umidi occhi tremulo e lascivo...[41].
Inoubliable figure, qui, sous des noms divers, règne sur l’opéra jusqu’aux Ysolde de notre temps.
La personnalité de Tasso, si profondément moderne, a rayonné sur tous les arts. La forme de son imagination s’est souvent imposée à la peinture et aux arts plastiques, comme à la poésie. Mais rien ne porte plus directement sa marque que l’opéra pastoral, réalisé à Florence, sous ses yeux, en quelque sorte sous son patronage, et que son disciple, Rinuccini, devait faire triompher.
* *
*
Nous voici arrivés en 1590, date des représentations florentines de l’Aminta, et des premiers essais «mélodramatiques» de Cavalieri. A ce moment précis, l’opéra pastoral se détache de la pastorale avec musique; et il est difficile de dire si l’Aminta est déjà un opéra, ou si le Satiro de Cavalieri est encore une pastorale. C’est le terme de l’évolution dramatique, que nous voulions esquisser ici. Aussitôt après, commencent les travaux fameux de Peri et de Caccini, qui inaugurent d’une façon éclatante l’histoire de l’opéra,—histoire que nous avons tâché de raconter ailleurs.
Jetons un regard en arrière sur le chemin parcouru depuis deux siècles. Nous voyons maintenant que l’opéra est issu de la pastorale du XVIe siècle, qui est elle-même l’aboutissement, ou la décadence, de la comédie à l’antique, et de la Sacra Rappresentazione du XVe siècle (celle-ci plus ancienne que celle-là, et détrônée par elle). Entre ces genres, nulle interruption brusque. Le passage de l’un à l’autre a été insensible. L’Orfeo de Politien sert de transition entre la Sacra Rappresentazione et la Commedia à l’antique, comme l’Aminta de Tasse entre la pastorale et l’opéra.
Et cette histoire de quatre formes musico-poétiques, successives et rivales, n’est pas seulement une histoire artistique: elle est liée à l’histoire politique et morale. Ce sont des causes politiques et morales, autant et plus que des causes artistiques, qui ont amené, de degré en degré, le passage de la Sacra Rappresentazione à la comédie antique, de celle-ci à la pastorale, et de la pastorale à l’opéra. Évolution continue, où l’on suit, pas à pas, à travers deux siècles de théâtre, je ne dirai pas le développement, mais les transformations, et, pour parler franc, l’affaiblissement de l’âme italienne, la faillite de la Renaissance. Ce progrès artistique fut aussi—osons l’avouer—une décadence morale. Et il était naturel qu’il en fût ainsi, puisqu’en cette succession de formes théâtrales se reflète toute la vie de la Renaissance, de sa jeunesse à son déclin, croissant toujours en virtuosité artistique, à mesure qu’elle déclinait en valeur morale.
Ce qu’il y avait encore, dans l’Italie, de fraîcheur et de force, on l’a vu, par la suite, aux richesses qu’elle trouva moyen de répandre, avec un faste de prodigue, dans la forme d’art hybride où elle se trouvait réduite: l’opéra, par lequel elle conquit le monde qui l’avait conquise.