Читать книгу Musiciens d'autrefois - Romain Rolland - Страница 9
III
LES PASTORALES EN MUSIQUE ET TORQUATO TASSO
ОглавлениеLa comédie princière à l’antique, qui avait détrôné dans le goût public, sinon supprimé tout à fait la Sacra Rappresentazione, ne réussit pas à se maintenir. Le théâtre subit, vers le milieu du XVIesiècle, une nouvelle transformation, causée par une nouvelle crise morale. Mais cette crise était bien différente de celle qui avait causé la victoire de l’humanisme. Celle-ci était un phénomène normal, un moment de l’évolution de l’esprit italien: arrivé à la possession de soi-même, il s’émancipait de l’Église; du moins, il essayait. La crise qui amena, vers 1540, une nouvelle orientation du théâtre fut le résultat imprévu d’un ensemble de malheurs politiques et sociaux. En 1527, Rome fut prise et saccagée par les bandes sacrilèges de Charles-Quint. En 1530, Florence fut vaincue à son tour, humiliée, bâillonnée. Les deux têtes de l’Italie étaient mises sous le joug. La Renaissance fut frappée mortellement. Jamais elle ne se relèvera. La servitude—une servitude dorée—s’appesantit sur elle. La tyrannie espagnole, l’Église, cherchant à réparer l’injure subie, à regagner son pouvoir sur le monde, à rétablir, par tous les moyens, la discipline et l’obéissance dans son troupeau; les petits princes enfin, les tyranneaux, qui gravitaient dans l’orbite de ce double despotisme et s’inspiraient de ses principes, s’appliquent à tenir asservi l’esprit italien, le libre esprit de la Renaissance[25]. Les Raphaël, les Léonard sont morts. Les survivants de la grande génération, les Michel-Ange, après avoir pris une part désespérée à la défense de leur patrie, se voient dénoncer, par qui? Par un l’Arétin. Ce maître-chanteur et ce pornographe menace de livrer à l’Inquisition l’austère et religieux Michel-Ange, pour «l’impiété et l’indécence» de son Jugement dernier. Ces nudités offusquent la pudeur de l’Arétin. Comme Tartuffe, l’Arétin déclare «qu’en sa qualité d’homme qui a reçu le baptême, il rougit d’une telle licence». «Il serait moins coupable de ne pas croire, dit-il, que de porter atteinte en telle façon à la croyance d’autrui[26].» Ailleurs, il proclame que «la licence de l’art de Michel-Ange peut aggraver le scandale du luthéranisme». Dangereuse dénonciation, qui aurait pu être écoutée. Si un Michel-Ange n’échappe pas au risque d’être accusé d’impiété et de licence, jugez de la liberté des autres! Véronèse est traduit devant l’Inquisition. La peinture est suspecte. Que sera-ce du théâtre?—On veut le silence. Le silence se fait. Le théâtre est bâillonné; et,—conséquence bizarre et naturelle!—la musique en profite.
Les Sacre Rappresentazioni populaires étaient tombées en discrédit. On ne donnait plus que des comédies aristocratiques, dans des salles fermées, pour des invités. Bientôt la Commedia même parut dangereuse. La pensée de l’élite, sinon de la foule, avait trop de facilité à s’y exprimer. On commença par écraser le texte sous l’opulence de la mise en scène, dont l’art, se développant toujours avec Bronzino, Jean de Bologne, Salviati, Ammanato, Taddeo Zucchero, arriva à l’apogée, vers la fin du XVIesiècle, à Florence, avec Bernardo Buontalenti. Mais, malgré toutes les entraves, la liberté italienne trouvait encore moyen de se faire jour. Les princes se défiaient de la comédie, et ils favorisèrent la forme la plus anodine du théâtre à l’antique: le Dramma pastorale. Ce fut le troisième stade de l’évolution dramatique s’acheminant à l’opéra.
Tout menait à ce théâtre pastoral. Il était en germe à la fois dans le théâtre néo-antique et dans l’esprit italien. Les églogues dramatiques du XVe siècle (l’Arcadia, de Jacopo Sannazaro de Naples) l’annonçaient. Et, dans les reconstitutions du théâtre antique, la nuance pastorale avait toujours été la caractéristique originale du génie italien. Le premier acte de l’Orfeo, de Politien, était déjà appelé «pastorale». Mais la date habituellement adoptée pour l’avènement définitif du drame pastoral est celle de 1554, où le Sacrificio, de Agostino Beccari, fut représenté à Ferrare, devant le duc Hercule II, avec musique d’Alfonso della Viola. Cette musique nous a été conservée[27], et M. Solerti l’a publiée, pour la première fois, dans ses Precedenti del melodramma. Elle comprend une scène du troisième acte pour solo et chœur à quatre voix, et une canzone à quatre voix, qui terminait la pièce. Le solo (rôle d’un prêtre) était chanté par messer Andrea, frère d’Alfonso della Viola, qui s’accompagnait de la lyre. C’est un des premiers essais connus de style monodique. Le chant solo se répète sans changement en trois strophes successives, tandis que les réponses du chœur varient à chaque fois.
Le Sacrificio de Beccari fut suivi, à Ferrare, de l’Aretusa d’Alberto Lollio (1563), et du Sfortunato d’Agostino Argenti (1567), pour lesquels la musique avait encore été écrite par Alfonso della Viola. A la représentation du Sfortunato, assistait Torquato Tasso.—Notons une fois de plus l’importance capitale de Ferrare dans l’histoire du théâtre[28]; et retenons le nom de Tasso, qui joua un des premiers rôles, le premier de tous peut-être, dans l’établissement sur la scène italienne de la pastorale, à laquelle il donna une popularité prodigieuse, et qu’il contribua à transformer en opéra. En 1573, Tasso, âgé de vingt-neuf ans, écrivit son fameux Aminta, qui fut joué le 31 juillet, dans la petite île du Belvédère, au milieu du Pô, près de Ferrare; et son ami, le chevalier Battista Guarini, de Ferrare, secrétaire et ambassadeur du duc, composa de 1581 à 1590 son Pastor Fido, tragi-comédie lyrique.
Le succès de ces deux œuvres fut immense, et suscita des nuées d’imitations. Le reste du théâtre fut noyé. En 1598, Angelo Ingegneri, qui fut le principal théoricien du théâtre de la seconde moitié du XVIe siècle, écrit: «S’il n’y avait pas les pastorales, on pourrait presque dire que l’usage du théâtre s’est tout à fait perdu; et ce serait la fin de la poésie dramatique. Les comédies, si plaisantes qu’elles soient, ne sont plus appréciées, sinon avec des intermèdes somptueux et une mise en scène d’une dépense excessive. Les tragédies sont des spectacles mélancoliques, ou mal faits pour la représentation. Certains les regardent comme de mauvais augure, et dépensent peu volontiers pour elles leur argent et leur temps... Restent les Pastorales, qui, sans être incapables d’une gravité quasi tragique, touchent à certains ridicules comiques, et, admettant la présence au théâtre des dames et demoiselles honnêtes,—ce qui n’est pas le cas pour la comédie,—se prêtent à de nobles sentiments, qui ne messiéraient pas à la tragédie même. En somme, elles sont intermédiaires entre l’un et l’autre genre, et délectent merveilleusement, soit avec, soit sans chœurs et intermèdes[29]...»
L’Ingegneri étudie longuement la part que la musique doit prendre à ces spectacles. Ses conseils ont un caractère pratique, comme c’est presque toujours le cas chez les théoriciens italiens. Il recommande à la musique, avant tout, de bien s’adapter à la salle, afin de ne pas être trop bruyante, ni trop sourde. L’orchestre et les voix doivent être placés derrière la scène, en un lieu choisi avec grand soin, de façon que le son parvienne égal et bien fondu dans toutes les parties de la salle. Les paroles doivent être clairement entendues; et, dans les chœurs mêlés à l’action, il faut un style très simple, peu différent du parler ordinaire. Les intermèdes prêtent à un art plus riche et plus complexe; mais il ne faut pas oublier que la musique doit être un repos, et non une fatigue.—Le léger mètre de la pastorale, en vers de onze et sept syllabes, convient excellemment au chant; et, au XVIIe siècle, G.-B. Doni lui-même, le champion de l’opéra nouveau, reconnaît que nul genre d’action dramatique n’est mieux fait pour le chant que la pastorale, qui réclame des mélodies harmonieuses et douces, soave e proporzionata melodia.
* *
*
La pastorale exprimait fidèlement l’âme de l’époque: nulle force de passion, nulle grandeur de pensée, nulle liberté, nulle sincérité vigoureuse. Une vie mondaine, une sensibilité érudite, subtile et voluptueuse, une rêverie aristocratique, une âme musicale.
En vérité, la musique avait envahi, à cette époque, tout l’esprit italien. Les peintres, les écrivains, l’élite, surtout dans l’Italie du Nord, à Venise, à Ferrare, à Mantoue, s’y adonnaient avec ivresse. Presque tous les grands peintres vénitiens du XVIe siècle: Giorgione, Pordenone, Bassano, Tintoret, Jean d’Udine, Sébastien del Piombo, étaient musiciens. Souvenez-vous de tous ces tableaux de Concerts, soit divins (Bellini), soit profanes (Giorgione, Bonifazio, Veronese). Rappelez-vous, dans les Noces de Cana du Louvre, Titien tenant la contrebasse, Veronese et Tintoret jouant du violoncelle, et Bassano de la flûte. Sébastien del Piombo était célèbre comme joueur de luth et chanteur; et Vasari reconnaît plus volontiers encore le talent de Tintoret comme musicien que comme peintre. On voit dans les lettres de l’Arétin quelle place tenait la musique dans la société d’alors, et les relations de Titien avec les musiciens. A la cour de Léon X, la musique prit le pas sur les autres arts. Le pape donna à deux virtuoses un traitement presque égal à celui de Raphaël, pour la surintendance de Saint-Pierre. Un joueur de luth, juif, Giammaria, reçut le titre de comte, et un château. Un chanteur, Gabriel Merino, devint archevêque de Bari. Enfin, on se souvient que, quand Léonard de Vinci se présenta à la cour de Ludovic le More, à Milan, c’était, à en croire Vasari, à titre non pas de peintre, mais de musicien. «Le duc se détectait du son de la lyre. Léonard lui apporta un luth, qu’il avait construit lui-même, presque entièrement d’argent, en forme de tête de cheval... Il chantait divinement sur cet instrument, improvisant les vers et la musique.»
Ainsi, depuis un demi-siècle, la musique s’emparait des peintres italiens, c’est-à-dire des représentants par excellence de la Renaissance italienne. Et où la musique entre, elle laisse une empreinte profonde. Sans qu’on s’en aperçût, elle transformait l’esprit de l’art. Je citais tout, à l’heure cette parole de Michel-Ange: «La bonne peinture est une musique, une mélodie». Mot frappant, qui montre l’abdication de la peinture devant la musique.
Même phénomène en poésie. Tel écrivain, comme Girolamo Parabosco, «quand on lui disait—(c’est l’Arétin qui parle):—Votre tragédie de Progné est une belle chose», répondait: «Je suis musicien et non poète[30]». Il disait vrai. L’époque de la pastorale est le règne des poètes-musiciens; le théâtre musical s’élabore dans leur esprit et dans l’esprit de leur public, vingt ou trente ans avant que la forme en soit définitivement arrêtée par Peri et E. de Cavalieri.
Le type le plus génial de ces poètes-musiciens est Tasso. Nul ne représente mieux la révolution morale de la fin de la Renaissance. Dans cette même ville de Ferrare, où l’Arioste était mort en 1532, Torquato Tasso vint s’établir en 1565. Quelle différence entre les deux poètes! L’Arioste, lumineux, souriant, conservant dans un monde d’action et une vie difficile ce grand esprit serein, où, suivant le beau mot de Carducci, «le soleil ne se couchait jamais», artiste classique dans l’âme, poète précis, doué d’un gentiment plastique égal à celui des grands peintres de son temps;—et Tasso, nerveux, inquiet, exalté, d’une émotion à la fois sincère et littéraire, se tourmentant de peines, de joies, de terreurs imaginaires, ce grand agité moderne, d’une poésie vaporeuse et troublante, musicien de cœur, musicien de style, musicien de tout son être et par tout son œuvre:
In queste voci languide risuona Un non so che di flebile e soave, Che gli occhi a lacrimare invoglia[31]...
Ces admirables vers de Clorinde mourante semblent caractériser la poésie de Tasso, et la musique à la fois. Sa langue est une musique. L’Aminta chante mélodieusement à l’oreille et à l’âme, comme un opéra de Mozart. Ce sont de vrais couplets lyriques, avec la ritournelle. Ils appellent la musique: et, en effet, ils furent mis en musique[32], comme tant de poésies de Tasso.
Tasso adorait la musique. Elle tient une grande place dans sa vie. Son premier amour,—le premier du moins qui nous soit connu,—celui pour Lucrezia Bendidio, de Ferrare, fut causé par le chant de la jeune fille. Il l’a conté dans son gracieux sonnet:
Sa l’ampia fronte il crespo oro lucente...» (1561). (Sur l’ample front, l’or frisé luisant...)
Il dit qu’il avait fermé les yeux pour échapper au danger de l’amour; mais il ne se défiait pas du pire des dangers:
Ma de l’altro periglio non m’accorsi, Che mi fu per l’orecchie il cor ferito, E i detti andaro ove non giunse il volto.
(Mais à l’autre péril je ne pris pas garde: par l’oreille, le coup me vint frapper au cœur; et les paroles atteignirent où les traits n’avaient pas pénétré.)
Plus tard, les premières poésies qu’il écrivit pour Léonore d’Este sont encore inspirées par la musique. C’est un sonnet à Léonore, à l’occasion de la défense qui lui avait été faite de chanter, parce qu’elle était malade:
Ahi ben è reo destin ch’invidia e toglie..(1566). (Ah! cruel destin envieux!...)
La musique est donc associée à ses souvenirs d’amour. Ce sont là choses qu’on n’oublie pas.
Plusieurs de ses amis de jeunesse: Cesare Pavesi, Scipione Gonzaga, étaient musiciens. Les princes à la cour desquels il fut, le duc d’Urbin Guidubaldo II, le duc de Ferrare Alphonse II, étaient musiciens passionnés. Il fut en relations avec les maîtres compositeurs de l’époque. A Rome, chez le cardinal Hippolyte II d’Este, en 1571, il connut Palestrina et Luca Marenzio. Surtout, il fut l’ami intime de don Carlo Gesualdo, prince de Venosa, qui eut une action si forte sur la musique madrigalesque de la fin du XVIe siècle, et, plus qu’aucun autre, y fit entrer le sentiment dramatique.
Don Carlo Gesualdo appartenait à la plus noble famille de Naples, avec les Avalos (les Pescara), ses cousins. Il y eut dans sa vie une tragédie sanglante. Il avait épousé sa cousine, donna Maria de Avalos. Il la surprit, une nuit, dans son palais, en flagrant délit d’adultère avec don Fabrizio Carrafa, duc d’Andria; et il les tua (27 pptobre 1590). Ce drame bouleversa Naples, et suscita une quantité de narrations et de complaintes. Tasso, qui connaissait Don Gesualdo, et qui avait écrit en son honneur et en l’honneur de donna Maria diverses poésies[33], fut particulièrement ému par cette nouvelle, qu’il apprit à Rome. Elle lui inspira plusieurs sonnets et un madrigal. Environ un an plus tard, il vint à Naples (février-avril 1592), et il fut attiré par le héros de cette histoire. Don Gesualdo avait institué dans sa maison une Académie, qui avait pour objet de répandre et de perfectionner le goût de la musique. Compositeurs, chanteurs et instrumentistes, s’y trouvaient réunis. Tasso y vint. On lui demanda des vers à mettre en musique; et il donna trente-six madrigaux, anciens, ou expressément composés pour l’Académie de Don Gesualdo. Nous avons conservé huit de ces madrigaux, et deux sonnets, avec la musique du prince de Venosa[34].
Or, nous connaissons les idées de Tasso sur la musique; il les a exprimées, dans ses Dialoghi[35]. Comme Ronsard, qu’il put connaître en France, lors de son voyage à Paris en 1570-71, comme Baïf et la Pléiade, il croyait à la nécessité de l’union de la poésie et de la musique. Il faisait même la part encore plus belle à la musique. Car Ronsard dit que «la musique est sœur puisnée de la poésie». Et Tasso dit: «La musique est pour ainsi dire l’âme de la poésie.» («La musica è la dolcezza e quasi l’anima de la poesia.») Il n’en reste pas là. Il se plaint qu’elle soit devenue trop inexpressive, que la musique dégénérée ait pris un caractère trop sensuel, et indifférent aux grandes émotions («...è divenuta molle ed effeminata...»); il voudrait que quelque maître excellent la ramenât à sa «gravità» passée.—Ce maître, il le trouva en Don Gesualdo. Le propre du talent du prince de Venosa a été justement d’introduire dans le madrigal cette «massima gravità», que réclamait Tasso, et d’avoir façonné le chant musical au rôle d’interprète des passions tragiques. Il n’est donc pas douteux que Tasso n’ait eu, par ses idées sur la musique et par sa collaboration avec Don Gesualdo, une influence sur la création du style musico-dramatique.
Mais il y a plus. Nous trouvons Tasso en relations personnelles avec tous les futurs créateurs de l’opéra florentin. Avant 1586, il adresse un sonnet à Laura Guidiccioni, de Lucques[36], qui fut la collaboratrice d’Emilio de’ Cavalieri, et écrivit avec lui les premiers essais de mélodramma (opéra). En 1590, il se rencontre chez le grand-duc de Toscane, Ferdinand, avec Emilio de’ Cavalieri. Ottavio Rinuccini vint alors chez lui; et tout ce qu’il y avait d’illustre à Florence dans les lettres et les arts lui rendit hommage. L’Aminta fut représenté avec musique. Les décors et les machines étaient de Bernardo Buontalenti[37]. E. de’ Cavalieri et Laura Guïdiccioni avaient été les organisateurs du spectacle; et il est à remarquer qu’immédiatement après ils donnèrent à la cour la représentation du Satiro et de la Disperazione di Fileno (1590), qui sont les premiers exemples connus d’opéra. Ces deux pièces étaient écrites très probablement en «style récitatif», comme on disait alors, et sûrement en musique expressive[38].—Enfin, en 1592, chez Cinzio Passeri, neveu de Clément VIII, qui présidait une Académie à Rome, Tasso rencontra Luca Marenzio, «le plus doux cygne» de la musique italienne, qui, comme Venosa, traduisit en musique beaucoup de ses œuvres.—Il est permis de croire que les inventeurs de l’opéra ont subi l’ascendant du génie de Tasso, et mis à profit ses idées sur les rapports de la poésie et de la musique, et sur leur union dans le drame.
De fait, Rinuccini, le premier poète qui ait adapté résolument le drame pastoral au théâtre de musique, le premier qui ait écrit de véritables libretti d’opéras, est un disciple de Tasso[39].
L’opéra s’empare aussitôt des sujets et des personnages de Tasso. Le génial Monteverde compose la musique pour les intermèdes de l’Aminta, joué à Parme en 1628; il écrit le Combat de Tancrède et de Clorinde (1624) et la scène d’Armide et Renaud (1627), préludant ainsi aux immortelles Armide de Lully et de Gluck:[40]—Armide, le type le plus parfait de l’héroïne d’opéra, voluptueuse et violente, caressante, furieuse, contradictoire, dévorée par la passion...