Читать книгу Choix des plaidoyers et mémoires de M. Dupin aîné - André Marie Jean Jacques Dupin - Страница 13
ОглавлениеLE MARÉCHAL BRUNE.
ARRÊT DU 25 FÉVRIER 1821.
Le maréchal Brune avait été assassiné à Avignon le 2 août 1815.
Au lieu de poursuivre les coupables, on avait essayé d’accréditer le bruit qu’il s’était suicidé. On avait même pris la précaution de faire attester ce prétendu suicide par un acte en forme de procès verbal, signé de plusieurs fonctionnaires publics.
Certains journaux, venant à l’appui, avaient parlé en ce sens, de la mort de l’infortuné maréchal.
Sa veuve, au désespoir, avait porté plainte en calomnie contre un des journalistes qui avait le plus indignement diffamé la personne de son époux. On lui répondit que le maréchal étant mort, tout ce qu’on avait pû dire sur son compte était de l’histoire !
Pendant près de quatre ans, il fut impossible à madame la maréchale, malgré son zèle infatigable, d’obtenir aucunes preuves, de rallier aucun témoignage positif.
Enfin, en 1819, les circonstances paraissant moins contraires, et l’un des ministres du Roi ( M. de Serre ) ayant fait retentir d’éloquentes paroles à la tribune, madame la maréchale profita du moment, pour présenter au Roi une requête dans laquelle elle supplia S. M. de donner des ordres pour qu’enfin la mort de son époux fût légalement vengée.
Me Dupin fut le rédacteur de cette requête, dans laquelle il fit parler la maréchale avec une dignité et une vigueur qui produisirent la plus vive impression sur les esprits . De toutes parts on était indigné.... Déjà les maréchaux, sollicités par la veuve de leur ancien camarade, se disposaient à joindre leurs inslances aux siennes; mais il n’en fut pas besoin. La requête fut lue dans le conseil des ministres, en présence du roi, et, sur-le-champ, S. M. ordonna que des poursuites fussent commencées.
Dès que madame la maréchale fut informée de cette résolution, elle se hâla de faire dresser sa plainte, et elle la remit elle-même au ministre de la justice, avec l’indication des noms des témoins, et en déclarant qu’elle se portait partie civile.
L’instruction ne pouvant régulièrement se faire que sur les lieux, on laissa à la cour royale de Nîmes le soin de la diriger .
Mais les passions étaient encore trop fortement émues, pour que le procès pût être jugé par des jurés du pays. La connaissance en fut attribuée à la cour de Riom.
Madame la maréchale et son avocat, Me Dupin, accompagnés de M. Degan, l’un des fidèles aides-de-camp de Brune, se transportèrent à Riom au mois de février 1821. On doit le dire, en l’honneur de cette cité ; madame la maréchale y fut accueillie par les magistrats et par toutes les classes de citoyens, avec toutes les marques de respect et d’intérêt que commandaient ses malheurs, son courage et sa pieuse assiduité à venger les mânes de son époux.
La cause portée à l’audience, l’accusation fut soutenue par M. Pagès, procureur-général, et par Me Dupin pour la partie civile.
L’accusé était contumax.
Madame la maréchale crut de son devoir d’assister en personne aux débats.
L’arrêt intervenu le 25 février 1821, a condamné l’assassin à la peine de mort; et sans avoir égard au procès verbal de prétendu suicide, a ordonné la rectification de tous actes de l’état civil, où la mort du maréchal aurait été ainsi qualifiée.
Ainsi fut vengée la mémoire du maréchal Brune.
Notre orateur vit son triomphe partagé par tout le barreau. Les avocats de Riom et de Clermont réunis, au nombre de cinquante, ayant leurs bâtonniers à leur tête, offrirent à leur confrère du barreau de Paris une fête brillante dont les journaux du temps ont rendu compte.
On y lui des vers où le dévouement de l’avocat était honorablement retracé.
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A côté de cyprès funèbres
Il cueillit d’immortels lauriers;
Eu vengeant ceux non moins célèbres,
De grands et malheureux guerriers.
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Célébrons un grand caractère,
Qu’un graud talent vient égaler.
Le procès complet a été imprimé chez Salles, libraire à Riom, in-8°. C’est à ce recueil que nous empruntons le plaidoyer de Me Dupin, tel que nous le donnons ici.
La suite de cette affaire aurait pu donner lieu à une question assez singulière. A peine madame la maréchale Brune fut-elle de retour à Paris, que la régie lui fit donner un avertissement de payer les frais. Cependant le Code d’instruction criminelle ( art. 368 ) n’astreint à ce paiement la partie civile, que lorsqu’elle a succombé. Or, ici la partie civile avait obtenu toutes ses fins. La régie se fondait sur un décret vraiment impérial, du 18 juin 1811, dont l’art. 157 oblige indistinctement les parties civiles à payer les frais, soit qu’elles aient ou non succombé. — Mais ce décret avait-il donc pu abroger la disposition précise du Code?..... La fierté de madame la maréchale eût été blessée, d’élever à ce sujet la moindre réclamation. Elle a payé sans murmure tout ce qu’on lui a demandé, mais la question est restée dans la législation. (Voyez les Observations sur la législation criminelle, chap. VIII, § II, d’où nous avons extrait ceci. )