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CHAPITRE XV

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Le moteur immobile n’a ni parties ni grandeur quelconque ; démonstration de ce principe. - Le fini ne peut mouvoir pendant un temps infini ; il ne peut avoir une puissance infinie, de même que l’infini ne peut avoir une puissance finie ; démonstration de ces principes divers. - Question du mouvement des projectiles ; comment il se continue et comment il cesse ; explication de ces phénomènes. - Des conditions générales du mouvement continu ; de l’action du premier moteur ; sa puissance indéfectible ; son immobilité ; mouvement de l’univers ; le mouvement produit par l’immobile est seul continu. - Résumé de la théorie du premier moteur. - Fin de la Physique.

Il nous reste maintenant à prouver que ce moteur immobile doit nécessairement n’avoir ni parties ni grandeur quelconque ; mais d’abord nous expliquerons quelques principes antérieurs à celui-là. Un de ces principes, c’est qu’il est impossible qu’une force finie puisse jamais produire le mouvement durant un temps infini. Il y a ici trois termes : le mobile, le moteur, et le troisième ce dans quoi le mouvement a lieu, c’est-à-dire le temps. De ces trois termes, ou tous sont infinis, ou tous sont finis, ou quelques-uns sont finis, deux ou un si l’on veut. Soit A le moteur ; soit B le mobile ; et le temps infini C. Supposons que D meuve une partie de B, représentée par E. Ce ne peut pas être dans un temps égal à C ; car un mouvement plus grand doit avoir lieu dans un temps plus long. Ainsi le temps F n’est pas infini. En ajoutant constamment à D, j’épuiserai A ; et en ajoutant à E, j’épuiserai B. Mais j’aurai beau enlever toujours une portion égale au temps, je ne l’épuiserai point, attendu qu’il est infini. Par conséquent, tout A mettra B tout entier en mouvement dans une portion finie du temps C. Donc, il est impossible qu’un moteur fini puisse donner à quoi que ce soit un mouvement infini. Donc, évidemment, le fini ne peut produire le mouvement durant un temps infini. En second lieu, une grandeur finie ne peut pas du tout avoir une puissance infinie ; et voici ce qui le prouve. Soit, en effet, une puissance toujours de plus en plus grande produisant le même effet dans un temps moindre, que d’ailleurs cette puissance échauffe, qu’elle adoucisse, qu’elle projette, ou que plus simplement elle meuve. Il faut nécessairement que ce moteur fini, mais à qui l’on suppose une puissance infinie, exerce son action sur ce qui l’éprouve avec plus de force que tout autre moteur ne le ferait, puisque la puissance infinie est la plus grande de toutes. Mais il ne peut pas y avoir ici la moindre parcelle de temps. Soit, en effet, A, le temps durant lequel la force infinie ou a échauffé ou a poussé. Soit aussi AB le temps dans lequel ait agi une force finie. En faisant toujours plus grande la force finie, j’arriverai à celle qui a donné le mouvement dans le temps A ; car, en ajoutant toujours à un terme fini, j’arriverai à dépasser tout fini quelconque ; de même que, si je retranche au lieu d’ajouter, j’arriverai également à épuiser. Ainsi, dans un temps égal, la force finie aura produit un mouvement aussi grand que la force infinie. Mais c’est là ce qui est tout à fait impossible. Donc aucune grandeur finie ne peut avoir une puissance infinie. De même non plus une puissance finie ne peut exister dans une grandeur infinie. Il se peut néanmoins qu’une puissance plus grande se trouve dans une grandeur moindre ; mais il se peut bien davantage encore qu’il y ait plus de puissance dans une grandeur plus grande. Soit AB la grandeur infinie. BC a une certaine puissance qui dans un certain temps, dans un temps représenté par EF, meut D. Si je prends le double de BC, cette nouvelle force produira le mouvement dans la moitié du temps EF, puisque c’est là la proportion ; par exemple, elle le produira dans le temps FG. En procédant toujours ainsi, je ne parcours, pas il est vrai, AB ; mais je prends toujours de moins en moins du temps donné. Donc la puissance sera infinie, puisqu’elle surpasse toute puissance finie ; donc, pour toute puissance finie, le temps est nécessairement fini comme elle ; car si dans tel temps donné telle force produit un mouvement, une force plus grande dans un temps moindre, niais d’ailleurs toujours fini, produira ce même mouvement selon la proportion inverse. Mais ici la force totale est infinie, comme le sont le nombre et la grandeur qui surpassent tout nombre ou toute grandeur finie. On peut encore démontrer ceci de la façon suivante. Nous prendrons une puissance de même espèce que celle qui se trouve dans la grandeur infinie, mais en la supposant dans une grandeur finie, et de façon qu’elle puisse mesurer la puissance finie qui se trouve dans l’infini. Tout ceci démontre donc qu’il ne peut pas y avoir de puissance infinie dans une grandeur finie, pas plus qu’il ne peut y avoir de puissance finie dans une grandeur infinie. Quant aux corps qui ont un mouvement de translation, il est bon de résoudre d’abord une question assez embarrassante. En effet, si tout mobile mis en mouvement est toujours mu par quelque chose, comment est-il possible que certains corps qui ne se meuvent point spontanément eux-mêmes, gardent un mouvement continu ; les projectiles, par exemple, sans que le moteur qui les a mis en mouvement les touche encore ? Si l’on répond que cela tient à ce que le moteur en donnant le mouvement au corps, meut aussi quelque autre chose, l’air, par exemple, qui, mu d’abord lui-même, transmet ensuite le mouvement, il n’en reste pas moins également impossible qu’il y ait mouvement pour le corps, du moment que le premier moteur ne touche pas et ne meut pas. Mais il faut que toute la série soit mise à la fois en mouvement et qu’elle s’arrête tout ensemble, quand le premier moteur vient à s’arrêter, en supposant même que le moteur agisse comme l’aimant, c’est-à-dire que le corps qu’il a mis en mouvement puisse à son tour donner le mouvement. Il faut nécessairement aussi admettre que le premier moteur donne la faculté de produire le mouvement ou à l’air, ou à l’eau, ou à tel autre corps, que la nature a fait pour donner le mouvement et le recevoir. Mais le moteur et le mobile ne cessent pas à la fois. Il est bien vrai que le mobile cesse d’être mu en même temps que le moteur cesse de mouvoir ; mais le mobile est encore moteur, et il meut quelque autre chose, qui est à la suite. Même raisonnement pour cette seconde chose. Elle cesse d’agir quand la force communiquée à ce qui suit devient moins capable de donner le mouvement ; et elle finit par s’arrêter, quand le terme antérieur ne peut plus faire que le corps meuve, mais seulement qu’il soit mu. Alors nécessairement tout cesse du même coup, et le moteur et le mobile et toute la série du mouvement. Tel est donc le mouvement dans les choses qui peuvent être tantôt en mouvement et tantôt en repos. Pour elles, le mouvement n’est pas continu ; mais il semble qu’il le soit, parce que les corps mis en mouvement ou se suivent ou se touchent ; car le moteur n’y est pas unique ; et il y a mouvement de tous les corps qui se suivent mutuellement. Aussi le mouvement de ce genre se produit dans l’air également et dans l’eau. Et on l’appelle quelquefois du nom d’action ou de résistance réciproque. Mais il est impossible de résoudre les questions que nous venons de poser, autrement que par l’explication que nous donnons. Cette résistance réciproque fait que tout peut à la fois être mu et mouvoir ; mais elle fait par suite aussi que tout peut s’arrêter tout ensemble. Or ici on ne voit qu’une seule et même chose qui est animée d’un mouvement continu. Par qui donc le mouvement est-il donné ? Ce n’est pas certainement par le même moteur. Mais puisque dans les choses il y a nécessairement un mouvement continu, et que ce mouvement est unique, il est nécessaire aussi que ce soit le mouvement d’une certaine grandeur ; car ce qui est sans grandeur ne peut recevoir le mouvement. Il faut aussi que ce soit le mouvement d’un seul mobile, et qu’il soit causé par une seule force ; car, autrement, il ne serait plus continu ; un mouvement suivrait l’autre, et le mouvement serait divisé. Quant au moteur, s’il est unique, ou il meut après avoir été mu lui-même, ou il meut en étant immobile. S’il est mu, il faudra suivre la série et supposer que lui-même subit un changement et qu’il est mu par quelque chose ; mais l’on finira par s’arrêter, et l’on arrivera au mouvement produit par l’immobile. Quant à ce terme dernier, il n’a plus besoin de changer en même temps que les autres ; et il aura toujours la puissance de donner le mouvement ; car il n’y a aucune peine ni fatigue à le produire ainsi. Le mouvement créé de cette façon est uniformément égal, seul de tous les mouvements, ou du moins plus que tous les autres ; car le moteur ne subit aucun changement ; et le mobile lui-même ne doit point, relativement au moteur, en éprouver davantage, pour que le mouvement soit toujours semblable. Mais il faut nécessairement que le moteur soit ou au centre ou dans le cercle ; car voilà les deux seuls principes d’où il peut partir. Or les parties les plus rapprochées du moteur sont celles qui ont le mouvement le plus rapide ; et tel est le mouvement de l’univers. Donc c’est à la circonférence qu’est le moteur. Reste toujours à savoir s’il est possible qu’un mobile communique un mouvement continu, ou si sa continuité n’est pas plutôt comme une suite d’impulsions qui se répètent l’une après l’autre. En effet, le moteur de ce genre pousse, ou il attire, ou il fait les deux actions à la fois, ou il subit une action qui peut être réciproque de l’un à l’autre, comme nous venons de l’expliquer pour les projectiles. Mais si l’air ou l’eau, en tant que divisible, transmet le mouvement, et s’il faut que l’air et l’eau soient mus constamment, alors des deux façons il n’est plus possible que le mouvement soit unique, et il est seulement consécutif. Il n’y a donc de mouvement continu que le mouvement produit par l’immobile ; puisqu’étant éternellement semblable, il sera à l’égard du mobile dans un rapport toujours le même et continu. D’après les principes qui viennent d’être exposés, il est clair que le moteur premier et immobile ne peut pas avoir de grandeur quelconque ; car, s’il avait une grandeur, il faudrait qu’elle fût ou finie ou infinie. Or, nous avons démontré plus haut, dans la Physique, qu’il ne peut pas y avoir de grandeur infinie ; et ici nous venons de prouver que le fini ne peut avoir une force infinie, et qu’une chose finie ne peut pas davantage produire le mouvement pendant un temps infini. Enfin il a été établi que le premier moteur produit un mouvement éternel, et qu’il le produit pendant un temps infini. Donc il n’est pas moins clair que le premier moteur est indivisible, qu’il est sans parties, et qu’il n’a absolument aucune espèce de grandeur.


FIN DU LIVRE HUITIEME ET DERNIER DE LA PHYSIQUE D’ARISTOTE.

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