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CHAPITRE IV

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Toute altération ou modification suppose nécessairement la sensibilité ; l’altération ne s’applique pas, comme on le croit, aux formes et aux figures des choses ; les formes et les figures ne changent qu’après l’altération de certains autres éléments. - Les vertus et les vices, soit du corps, soit de l’âme, ne sont pas des altérations réelles de l’être ; elles ne viennent qu’à la suite de l’altération de certaines autres choses : application au corps ; application à l’âme.

Tout ce qui s’altère est altéré, avons-nous dit, par des causes sensibles ; et il n’y a d’altération possible que dans les objets dont on peut dire qu’ils sont aptes à éprouver en soi l’action de causes sensibles. Voici ce qui doit le prouver. En dehors de ces objets, on pourrait croire que l’altération s’applique surtout aux formes, aux figures, aux habitudes ou propriétés, soit que les objets les conservent, soit qu’ils les perdent. Cependant, ce n’est pas là qu’il y a vraiment altération. En effet, quand une chose a reçu une forme achevée et régulière, nous ne la désignons plus par le nom de la matière marne dont elle est composée ; et ainsi l’on ne dit pas de la statue qu’elle est de l’airain ; on ne dit pas de la bougie qu’elle est de la cire, non plus qu’on ne dit du lit qu’il est du bois. Mais en détournant un peu l’expression, on dit que l’une est en airain, l’autre en cire, et l’autre en bois. Nous qualifions d’ailleurs l’objet qui a subi une action, et qui est altéré ; et nous disons, par exemple, de l’airain qu’il est sec, qu’il est humide, qu’il est dur, qu’il est chaud ; nous en disons autant de la cire. Et non seulement on parle ainsi ; mais, de plus, on dit que l’humide ou le chaud est de l’airain, en désignant la matière par une expression homonyme à. l’affection même qu’elle éprouve. Par conséquent, si par rapport i la forme et à la figure, on ne désigne pas l’objet altéré par la matière dans laquelle est la forme, et si on le désigne uniquement d’après les actions et les altérations qu’il a subies, il est évident que les générations de ce genre ne sont pas des altérations. On peut remarquer encore qu’il serait absurde de dire que l’homme est modifié et altéré, ou la maison, on tout autre objet, quand ces objets viennent à se produire et à naître. Tout ce qu’on peut dire, c’est que chacun de ces êtres naît et se produit, parce que quelque chose s’altère et change ; par exemple, ce quelque chose peut être la matière qui s’épaissit, qui se raréfie, qui s’échauffe, qui se refroidit. Cependant, ce qui naît et se produit n’est pas altéré ; et la génération de ces objets ne peut pas du tout être appelée une altération. Les qualités, les manières d’être, soit du corps, soit de l’âme, ne sont pas davantage des altérations proprement dites ; car de ces qualités, de ces manières d’être, les unes sont des vertus, les autres sont des vices. Mais on ne peut pas trouver une altération véritable, ni dans la vertu, ni dans le vice. La vertu est une perfection et un achèvement ; et c’est quand l’être, quel qu’il soit, a atteint toute sa vertu propre, qu’on peut dire de lui qu’il est achevé et parfait ; car alors son état de nature est éminemment obtenu ; et c’est ainsi que le cercle est parfait, lorsqu’il est cercle le plus régulièrement possible. Le vice, au contraire, est la destruction et la déchéance de cet état. De même donc qu’en parlant d’une maison, on ne dit pas que son achèvement en soit une altération ; car il serait par trop étrange de prendre, ou le toit, ou la tuile, pour une altération de la maison, et (le croire que la maison, en recevant ses tuiles ou son faîte, subit une altération, au lieu de croire qu’elle s’achève, tout de même aussi pour les vertus et les vices, et pour les êtres qui les possèdent ou qui les acquièrent. Les vertus sont des perfections et des achèvements ; les vices sont des dégradations ; et par conséquent, ce ne sont pas des altérations. Nous ajoutons encore que toutes les vertus ne consistent que dans une certaine manière d’être relativement à certaines choses. Ainsi, les vertus ou qualités du corps, telles que la santé et l’embonpoint, consistent dans le mélange et la proportion du chaud et du froid ; soit que l’on considère le froid et le chaud dans leurs rapports les uns aux autres à l’intérieur, soit par rapport au milieu dont le corps est entouré. De même pour la beauté, pour la force, en un mot pour les vertus ou les vices du corps. Chacune de ces façons d’être consiste dans une disposition spéciale relativement à une certaine chose ; et elle dispose bien ou mal le corps qui la possède, relativement aux affections spéciales que cette chose produit. Spéciales signifie ici les affections qui, dans l’ordre naturel des choses, peuvent produire ou détruire l’être. Mais comme les relatifs ne peuvent jamais eux-mêmes être des altérations, et qu’il n’y a pour eux, ni altération, ni génération, ni, absolument parlant, aucun changement possible, il est clair que les qualités ou façons d’être ne sont point des altérations, non plus que la perte ou l’acquisition de ces qualités. Mais on peut dire qu’il faut nécessairement que certaines choses viennent à être altérées et changées, pour que ces qualités mêmes naissent ou périssent, de même aussi que la forme et la figure ; et ces autres choses sont les éléments chauds et froids, secs et humides, ou les éléments primitifs dans lesquels les êtres consistent ; car on entend par chaque vice et chaque vertu, en particulier, les qualités d’après lesquelles doit varier, selon les lois naturelles, l’être qui les possède. La vertu du corps, par exemple, le rend insensible à certaines choses, ou plutôt lui fait sentir les choses uniquement comme elles doivent être senties ; le vice le rend sensible ou insensible d’une manière contraire. Il en est absolument de même des affections de l’âme ; car, elles aussi, consistent toutes à être dans une certaine disposition relativement à certaines choses. Et les vertus sont des perfectionnements, tandis que les vices sont des désordres et des déchéances. En outre, la vertu dispose bien pour les affections et les passions qui appartiennent proprement à l’être, tandis que le vice dispose mal. Par conséquent, les vertus et les vices de l’âme ne sont donc pas eux non plus des altérations ; et la perte et l’acquisition des unes et des autres ne le sont pas davantage. Mais il y a nécessité qu’elles ne puissent se produire que par une altération ou un changement de la partie susceptible de sentir. Or, cette partie n’est modifiée que par les choses qu’on sent ; car toute la vertu morale est relative aux joies ou aux douleurs du corps, qui aboutissent elles-mêmes, soit à sentir actuellement, soit à se souvenir, soit à espérer. Ainsi, les unes se rapportent à l’action présente de la sensibilité, c’est-à-dire au mouvement causé par quelque objet sensible ; les autres, relatives à la mémoire et à l’espérance, viennent de cette même action ; car l’on a plaisir à se souvenir de ce qu’on a éprouvé, ou bien l’on a plaisir à espérer ce qu’on doit sentir. Par conséquent, tout plaisir du genre de celui dont nous parlons ici est causé nécessairement par des choses sensibles. Or, comme c’est à la suite du plaisir et de la douleur que se forment aussi les vertus et les vices, qui ne se rapportent, en effet, qu’à la douleur et au plaisir, et comme les plaisirs et les douleurs sont des altérations et des modifications de la partie sensible de l’âme, il en résulte évidemment qu’il faut, de toute nécessité, une modification préalable, et une altération de quelque chose, pour que l’âme puisse perdre ou acquérir la vertu ou le vice. Ainsi l’on peut dire que leur production a lieu avec une certaine altération ; mais la vertu et le vice ne sont pas eux-mêmes des altérations. Quant aux qualités de la partie pensante et intellectuelle de l’âme, elles ne sont pas des altérations non plus ; et l’on ne peut pas dire davantage qu’il y ait génération pour elles. La science, par exemple, consiste éminemment dans une certaine disposition relativement à certaine chose. Et voici ce qui prouve qu’il n’y a pas de génération pour les qualités de l’intelligence, c’est que la partie de l’âme qui est en puissance d’acquérir la science, ne l’acquiert pas parce qu’elle a éprouvé elle-même quelque mouvement, mais parce que quelque autre chose existe préalablement. Ainsi, quand le fait particulier se produit, c’est en quelque sorte par l’universel qu’on a la science du particulier. Bien plus, il n’y a pas même génération de l’usage qu’on fait de la science et de l’acte même de la science, à moins qu’on ne veuille soutenir aussi qu’il y ait génération pour l’acte de la vue et du toucher, et que l’acte, pour les choses de l’intelligence, est tout pareil à ceux-là. Mais l’acquisition originelle de la science ne peut passer pour une génération, puisque nous ne concevons la science et la réflexion dans l’intelligence que comme un repos et un temps d’arrêt. Or, il n’y a pas de génération pour arriver an repos ; car, ainsi qu’on l’a dit antérieurement, il n’y a point de génération pour aucun changement en général. Il y a plus ; de même que quand quelqu’un sort d’une ivresse, d’un sommeil ou d’une maladie, pour revenir à un état contraire, nous ne disons pas qu’il redevient savant, bien qu’il fût quelques instants auparavant hors d’état de faire usage de sa science ; de même non plus nous ne le disons pas, quand il acquiert cette façon d’être pour la première fois. C’est qu’on ne peut, en effet, devenir ou sage ou savant qu’après que l’âme s’est apaisée et remise d’un certain trouble physique. C’est là ce qui fait aussi que les enfants ne peuvent apprendre et porter, d’après leurs sensations, un jugement aussi bien que les personnes plus âgées, parce que le trouble et le mouvement est énorme en eux. A certains égards, c’est la nature elle-même qui calme et qui apaise ce trouble ; à certains égards, ce sont d’autres causes que la nature. Mais, dans l’un et l’autre cas, c’est qu’il s’est produit certaines altérations et modifications dans le corps, de même qu’il s’en produit au réveil après le sommeil, et dans l’acte intellectuel, quand on se trouve dégrisé et qu’on est réveillé complètement. On voit donc, en résumé, d’après ce qui précède, que l’être est altéré, et que l’altération ne peut se produire que dans les choses sensibles et dans la partie sensible de l’âme ; et si l’altération se produit ailleurs, ce ne peut jamais être qu’indirectement.

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