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CHAPITRE II
ОглавлениеNécessité d’une première cause du mouvement ; la série de transmissions du mouvement ne peut être infinie. Démonstration fondée sur ce principe, qu’il n’y e pas de mouvement infini dans un temps fini ; exception a ce principe. Autre démonstration.
Il faut bien cependant qu’il y ait quelque cause initiale et première du mouvement, et l’ou ne peut aller à l’infini. Supposons, en effet, qu’il n’en est pas ainsi et que la série se prolonge à l’infini. Soit A mu par B, B par C, C par D ; et supposons que toujours le mobile suivant soit poussé par le suivant. Comme le moteur est supposé mouvoir, parce qu’il est mu lui-même, et que le mouvement du moteur et celui du mobile sont simultanés, car le moteur est mu lui-même, en même temps que le mobile est mu par lui, il est clair que le mouvement de A, celui de B, celui de C, et, en un mot, de chacun des autres moteurs et mobiles, sera simultané. Nous pourrons donc prendre le mouvement de chacun d’eux, et nous représenterons celui de A par E, celui de B par F, et celui de C, D, par G, H ; car si chacun d’eux est toujours mu réciproquement par chacun, on peut cependant considérer le mouvement de chacun d’eux comme étant un numériquement parlant ; et il n’est point infini à ses extrémités, puisque tout mouvement a lieu nécessairement d’un point à un autre point. Quand je dis que le mouvement est un numériquement, j’entends que le mouvement va du même au même numériquement, dans un temps qui, numériquement aussi, est le même ; car le mouvement peut être un et le même, soit en genre, soit en espèce, soit en nombre. En genre, le mouvement est le même quand il a lieu dans la même catégorie, dans la substance, par exemple, ou dans la qualité. Le mouvement est le même en espèce, quand il va du même en espèce au même eu espèce ; par exemple, il va du blanc au noir, ou du bien au mal ; et il n’y a pas là de différence dans les espèces. Enfin, le mouvement est le même numériquement, quand il va d’une chose une numériquement à une autre chose une numériquement dans le même temps ; et, par exemple, de cette chose blanche à cette chose noire, ou de ce lieu à cet autre lieu dans le même temps ; car, si c’est dans un autre temps, le mouvement n’est plus un numériquement, quoiqu’il le soit encore en espèce. Mais nous avons donné ces explications plus haut. Soit donc le temps dans lequel A fait son mouvement représenté par K. Le mouvement de A étant fini, le temps K sera fini aussi. Mais comme les moteurs et les mobiles sont infinis, il en résulte que le mouvement EFGH, qui est composé de tous ces mouvements, sera infini aussi. En effet, il se peut que le mouvement de A, celui de B et celui de tous les autres soient égaux, et il se peut aussi que les mouvements des autres soient plus grands. Mais qu’ils soient égaux ou plus grands, le mouvement total sera toujours infini dans les deux hypothèses ; car nous ne supposons ici que le possible. Or comme le mouvement de A est simultané au mouvement des autres, il s’ensuit que le mouvement total aura lieu dans le même temps que le mouvement de A. Mais le mouvement de A se passant dans un temps fini, il en résulterait qu’un mouvement infini se passerait dans un temps fini ; et c’est là une impossibilité. Ce serait donc là, à ce qu’il semble, une manière de démontrer la question posée au début ; mais la démonstration n’est pas réellement faite, parce qu’on n’a pas démontré qu’il y eût une impossibilité absolue. En effet, il se peut fort bien que dans un temps fini il y ait un mouvement infini, non pas, il est vrai, d’un seul corps, mais de plusieurs ; or, c’est précisément le cas que nous supposons ici, puisque chacun des corps que nous considérons peut se mouvoir du mouvement qui lui est propre, et il n’est pas impossible que plusieurs corps se meuvent en même temps.Mais il faut que le moteur primitif, qui donne le mouvement dans l’espace ou un mouvement corporel, touche au mobile ou y soit adhérent et contigu, ainsi que nous le voyons dans tous les cas ; il faut que les moteurs et les mobiles soient continus et se touchent réciproquement, de manière à former tous ensemble un seul système. Peu importe pour le moment que ce système soit limité ou infini ; car, de toute façon, le mouvement de tous sera infini puisqu’ils sont infinis, quoique les mouvements de chacun d’eux puissent être égaux ou plus grands les uns par l’apport aux autres. Mais ce qui est possible, nous le prendrons ici pour réel. Si donc le résultat des ABCD est infini et qu’il ait le mouvement EFGH clans le temps K, ce temps étant fini, il s’ensuit que dans un temps fini le fini ou l’infini parcourt l’infini. Mais l’une et l’autre supposition est également impossible. Il est donc nécessaire qu’il y ait quelque point d’arrêt, et que nécessairement il y ait aussi un premier moteur et un premier mobile. Ceci du reste n’importe en rien, que l’impossible ressorte d’une hypothèse ; car la supposition a été prise possible ; et, du moment qu’on a posé le possible pour point de départ, il ne se peut pas qu’il en sorte rien d’impossible.