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CHAPITRE IV
ОглавлениеDistinctions diverses entre les moteurs et les mobiles : moteurs et mobiles en soi ; moteurs et mobiles accidentels. Faculté du mouvement spontané dans les animaux ; mouvement naturel ; mouvement contre nature ; corps légers et corps pesants ; leur mouvement naturel ne peut cesser que par suite de quelque obstacle ; ils le reprennent dès que l’obstacle est écarté. La légèreté et la pesanteur des corps sont des lois de la nature. - Tout ce qui est mu est mu par quelque cause.
Pour les moteurs et les mobiles, il faut distinguer ceux qui meuvent ou qui sont mus d’une façon accidentelle ; et d’autres, au contraire, qui meuvent ou sont mus essentiellement et en soi. Ainsi, le mouvement est accidentel pour tous les objets qui ne l’ont que parce qu’ils sont dans les moteurs et les mobiles, ou parce qu’ils n’ont le mouvement que dans une partie seulement. Au contraire, les objets sont mobiles et moteurs en soi et essentiellement, toutes les fois qu’ils ne sont pas seulement dans le moteur ou dans le mobile, et quand ce n’est pas simplement une de leurs parties qui meut ou qui est mue. Entre les moteurs et les mobiles en soi, on peut encore distinguer ceux qui se meuvent eux-mêmes, et ceux qui sont mus par un autre ; ou bien ceux qui se meuvent naturellement, et ceux qui sont mus par force et contre nature. Ce qui se meut soi-même est mu selon les lois de la nature ; et ce sont, par exemple, tous les animaux, puisque l’animal est doué de la faculté de se mouvoir lui-même. Aussi pour tous les êtres qui ont en eux-mêmes le principe de leur mouvement, nous disons que c’est naturellement qu’ils se meuvent ; et c’est ainsi que par le vœu seul de la nature l’animal se meut lui-même tout entier. Quant au corps, il peut tout à la fois être mu, et naturellement, et contre nature ; car il y a grande différence entre les mouvements qu’il peut avoir, comme il y en a entre les éléments dont il est composé. Parmi les êtres qui sont mus autrement que par eux-mêmes, les uns le sont suivant la nature, les autres le sont contre nature ; et, par exemple, un mouvement contre-nature, c’est celui des corps terrestres qui iraient en haut, et celui du feu qui irait en bas. Les parties des animaux peuvent souvent aussi être mues contre nature, quand elles le sont contre leurs positions régulières, ou contre leurs modes ordinaires de mouvement. C’est surtout dans les mouvements contre nature qu’on voit clairement que le mouvement est imprimé du dehors au mobile, parce qu’on voit alors avec pleine évidence que le mobile est mu par un autre que lui-même. Après ces mouvements contre nature, les plus manifestes sont ceux des êtres qui se meuvent eux-mêmes, comme les animaux que nous citions tout à l’heure. En effet, on ne peut pas hésiter à savoir clairement si c’est un autre qu’eux-mêmes qui les pousse ; mais on peut avoir encore de l’hésitation sur ce qui meut, et ce qui est mu ; car il semble que ce qui se passe pour les bateaux, et pour tous les autres composés qui ne viennent pas de la nature, se passe aussi dans les animaux, où l’on distingue ce qui fait mouvoir et ce qui est mu ; et c’est ainsi qu’on explique le mouvement de tout ce qui se meut soi-même. Mais il y a le plus grand doute pour le reste de la division que nous venons d’établir. Ainsi, parmi les êtres qui sont mus par une force étrangère, nous avons dit que les uns sont mus naturellement, et que les autres, seule opposition qui reste possible, sont mus contre nature. Ce sont ces derniers pour lesquels il y a difficulté de savoir par quelle cause ils sont mus. Ainsi, quelle est la cause qui meut les corps légers et les corps graves ? Ces deux espèces de corps ne sont portés que par force dans les lieux qui leur sont opposés. Quand ils restent dans leurs lieux propres, le corps léger va naturellement en haut ; le corps grave va naturellement en bas. Mais, en ce cas, qui les meut ? C’est là ce qui n’est pas de toute évidence, comme cela l’est quand ils reçoivent un mouvement qui ne leur est pas naturel. En effet, il est bien impossible de dire que ces corps se meuvent alors eux-mêmes ; car cette faculté est toute vitale, et elle appartient exclusivement aux êtres animés. S’il en était ainsi, ces corps pourraient tout aussi bien s’arrêter ; et, par exemple, si un corps est lui-même cause de la marche qu’il a, il peut également être cause que cette marche s’arrête. Par conséquent, s’il ne dépendait que du feu de se porter en haut, il pourrait tout aussi bien se porter eu bas. Il ne serait pas moins déraisonnable de croire que les éléments ne se donneraient qu’un seul et unique mouvement, s’ils avaient la faculté de se mouvoir eux-mêmes, On peut encore se demander comment il est possible que le continu et l’homogène se meuve lui-même ? En tant que un et continu, ce ne peut pas être par le contact qu’il se meuve, puisqu’à cet égard il est impassible. Mais c’est seulement en tant que séparés qu’il est possible que, de deux objets, l’un agisse et l’autre souffre l’action. Ainsi donc aucun de ses éléments ne peut se mouvoir lui-même, puisqu’ils sont homogènes, et nul autre continu ne le peut davantage. Mais il faut que dans chaque cas, le moteur soit séparé du mobile, comme nous l’observons pour les choses inanimées, lorsque quelque être animé vient à les mettre en mouvement. Or, il est certain que ces choses sont toujours mues par une cause étrangère ; et c’est ce qu’on peut vérifier aisément en divisant les causes. On peut même se convaincre pour les moteurs de l’exactitude des principes qu’on vient de poser. Ainsi les uns sont susceptibles de mouvoir les choses contre nature ; comme le levier qui, naturellement, n’a pas la faculté de mouvoir les corps pesants ; et les autres meuvent selon la nature ; comme, par exemple, ce qui est chaud en acte et en fait, a le pouvoir de mettre en mouvement ce qui n’est chaud qu’en puissance. Même remarque pour tous les cas analogues. De même encore, on peut dire que le mobile selon la nature, est ce qui a en puissance une certaine qualité, une certaine quantité, et une certaine position, en supposant que cet objet a en lui-même un tel principe de mouvement, et qu’il ne l’a pas accidentellement ; car la quantité et la qualité peuvent se confondre ; mais alors l’une n’est qu’accidentellement à l’autre, et elle n’y est pas essentiellement. Le feu et la terre sont mus de force par quelque cause étrangère, quand ils sont mus contre leur nature propre ; ils sont mus non par force, mais naturellement lorsque, tout en n’étant qu’en puissance, ils tendent à leurs actes spéciaux. Mais comme l’expression En puissance a plusieurs acceptions, c’est là ce qui empêche de voir clairement la cause qui meut ces corps, le feu en haut et la terre en bas. On est en puissance d’une manière toute différente selon qu’on apprend, ou selon qu’on possède la science, et que l’ayant déjà, on n’en fait point usage. Mais toutes les fois que ce qui peut agir et ce qui peut souffrir sont ensemble, le possible vient à l’acte et se réalise. Par exemple, quand on apprend quelque chose, on passe de la simple possibilité à un état où l’on est tout autrement en puissance. En effet, celui qui possède la science, mais qui ne l’applique pas, est savant, on peut dire encore en puissance, mais il ne l’est pas comme il l’était avant de rien apprendre. Quand il est dans cet état, il agit et il emploie sa science si nul obstacle ne s’y oppose ; ou autrement, on devra dire qu’il est dans le contraire de la science et dans l’ignorance. Il en est absolument de même en ceci pour les choses de la nature. Le froid par exemple est chaud en puissance ; et quand il change, il devient du feu et il brûle, si rien ne l’en empêche et ne lui fait obstacle. C’est une disposition toute pareille pour le léger et le pesant. Le léger vient du pesant, comme par exemple l’air vient de l’eau. Le pesant est en effet d’abord léger en puissance, et il devient léger en réalité et en fait, dès qu’il n’y a rien qui l’en empêche. L’acte du léger, c’est d’être en un certain lieu et en haut ; il en est empêché quand il se trouve dans le lieu contraire ; et tout ceci s’applique également à la quantité et à la qualité. Néanmoins on demande encore pourquoi les corps légers ou les corps graves se meuvent chacun vers le lieu qui leur appartient. Il faut répondre que c’est par une loi de la nature qu’ils sont en certains lieux, et que ce qui constitue essentiellement le léger et le pesant, c’est que l’un se dirige exclusivement en haut, et que l’autre se dirige en bas. Mais ainsi qu’on vient de le dire, il y a plusieurs manières d’entendre le léger et le pesant en puissance. Ainsi, l’eau est bien à certain point de vue, légère en puissance ; et lorsqu’elle est de l’air, il est possible encore que l’air ne soit léger qu’en puissance également ; car s’il rencontre quelque obstacle, il ne peut aller en haut ; mais dès que l’obstacle a disparu, le léger agit et il monte toujours plus haut. De même aussi la qualité change pour arriver à être en acte ; car lorsqu’on sait quelque chose, on peut sur le champ appliquer la science si rien ne vient vous en empêcher. De même encore, la quantité s’étend et se dilate, si rien ne l’arrête. Mettre en mouvement l’obstacle qui s’oppose à l’acte et l’empêche, c’est encore mouvoir, du moins d’une certaine manière, et dans un autre sens ce n’est pas précisément mouvoir. Par exemple, si l’on retire la colonne qui soutient quelque chose, ou si l’on ôte une pierre qui est sur une outre dans l’eau, c’est encore mouvoir indirectement, de même que la balle qui est renvoyée est mise en mouvement non par le mur, mais par le joueur qui l’a lancée. Il est donc clair qu’aucun de ces corps ne se meut spontanément lui-même ; mais ils ont encore le principe du mouvement, non pour mouvoir ou pour produire le mouvement, mais pour le recevoir et le souffrir. Ainsi, on le voit, tous les mobiles sont mus, soit naturellement, soit contre nature et par force. Tout ce qui est mu par force et contre nature est mu par quelque cause et quelque cause étrangère. Parmi les choses qui sont mues selon leur nature, celles qui se meuvent elles-mêmes sont mues encore par quelque cause, aussi bien que celles qui ne se meuvent pas par elles-mêmes, comme les corps légers et pesants ; car les corps reçoivent leur mouvement de ce qui les produit en les rendant pesants ou légers, ou de ce qui écarte les obstacles qui les empêchaient d’agir. Donc, il semble que tout ce qui est mu, que tous les mobiles, reçoivent leur mouvement de quelque chose.