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CHAPITRE V
ОглавлениеDe la comparaison des divers mouvements. Les différentes espèces de mouvements ne sont pas comparables entre elles. Conditions générales qui rendent la comparaison possible. Il ne faut pas que les choses comparées soient homonymes ; mais il faut que le genre premier des choses comparées soit identique. - Application de ces principes aux mouvements ; égalité de vitesse ; comparaison de l’altération et de la translation dans l’espace.
C’est une question de savoir si tout mouvement est comparable ou n’est pas comparable avec tout autre mouvement quelconque. Si l’on admet que tous les mouvements sont comparables, et si le corps qui parcourt un égal espace dans un temps égal, est doué d’une égale vitesse, il en résultera qu’une ligne circulaire sera égale à une droite, ou plus grande ou plus petite. Il en résulterait encore qu’une altération serait égale à une translation, pourvu que ce fût dans un temps égal que l’un des deux corps fût altéré et que l’autre fût transporté. Ainsi, telle affection serait égale à telle longueur. Mais cela ne se peut. Il y a bien égalité de vitesse, quand le mouvement est égal dans un temps égal ; mais jamais une affection ne peut être égale à une longueur. Donc il n’y a pas d’altération égale à une translation, ni moindre qu’une translation. Donc non plus, tout mouvement n’est pas comparable à tout mouvement. Mais quels sont ici les vrais rapports du cercle et de la droite ? Il serait absurde de croire que deux objets ne puissent pas avoir un mouvement pareil, l’un en cercle, et l’autre en ligne directe, mais qu’il faille de toute nécessité que l’un soit plus rapide et l’autre plus lent, comme dans le cas où l’un descendrait une pente et où l’autre la remonterait. Du reste, il n’importe pas non plus, pour soutenir ce raisonnement, de dire qu’il faut nécessairement que le mouvement soit plus rapide ou plus lent ; et que si la circonférence peut être ou plus grande ou plus petite que la droite, elle pourra, par conséquent, aussi être égale. Soit, par exemple, dans le temps A, l’un des corps parcourant la distance B, et l’autre la distance C, B doit être alors plus grand que C ; car c’est là ce que nous comprenions par un mouvement plus rapide. De même que, si le mouvement est égal dans un temps moindre, c’est que le corps est aussi plus rapide, Donc, il y aura une partie du temps A dans laquelle le corps B parcourra une portion égale du cercle, tandis que le corps G parcourra la ligne G dans le temps A tout entier. Que si ces deux mouvements sont comparables, alors se produit la conséquence qu’on vient de dire, à savoir que la droite est égale au cercle. Mais ces deux derniers termes ne sont pas comparables entre eux ; et, par conséquent, les mouvements ne le sont pas davantage. Mais il faut que les choses ne soient pas simplement homonymes, pour qu’elles soient comparables entre elles. Par exemple, pourquoi ne peut-on pas comparer d’une part le stylet dont on se sert pour écrire, d’autre part le vin qu’on boit et la note que l’on chante, pour savoir lequel des trois est le plus aigu ? C’est parce que ces trois choses sont homonymes qu’elles ne sont pas comparables. Mais on peut fort bien comparer la tonique et la dominante, parce que pour l’une et pour l’antre l’expression d’Aiguë a tout à fait le même sens. Mais l’expression de Rapide n’est-elle pas prise des deux parts dans la même acception ? Et cette expression l’est-elle moins dans l’altération et dans la translation ? Mais d’abord ne peut-on pas se demander s’il est bien vrai que les choses soient comparables, du moment qu’elles ne sont pas homonymes ? Ainsi, Beaucoup signifie la même chose, soit qu’on l’applique à l’eau, soit qu’on l’applique à l’air ; et cependant l’air et l’eau ne sont pas comparables. Si l’on ne veut pas prendre cet exemple, on peut prendre celui du double ; le double est bien le même, puisque c’est toujours deux par rapport à un ; et pourtant les termes ne sont pas comparables. Mais la raison est-elle bien la même dans ces cas divers ? Ainsi, le mot Beaucoup lui-même est homonyme ; et il y a des choses pour lesquelles les définitions sont homonymes comme les mots. Par exemple, quand on dit que Beaucoup signifie Tant et quelque chose encore de plus. Tant et Égal sont alors homonymes. Un peut a certains égards aussi passer pour homonyme ; et, si Un est homonyme, Deux l’est également. Et pourquoi alors tels objets sont-ils comparables, tandis que d’autres ne le sont pas, si au fond leur nature est une et la même ? Est-ce parce que le primitif qui les reçoit originairement est différent ? Par exemple, on peut bien comparer un cheval et un chien et se demander lequel des deux est le plus blanc ; car le primitif de la blancheur est le même de part et d’autre ; à savoir la surface. Même remarque pour la grandeur. Mais l’eau et la voix ne sont pas comparables, parce qu’elles sont dans un tout autre primitif. Cependant, n’est-il pas évident que de cette façon on pourrait tout identifier et tout confondre, en disant seulement que chaque objet est dans un primitif différent ? Ainsi l’égal, le doux et le blanc se confondraient pour tout, et l’on dirait seulement qu’ils sont dans différents primitifs. Ajoutez que ce récipient primitif n’est pas arbitraire ; mais il n’y en a qu’un seul pour chaque qualité. Ainsi donc, les termes que l’on compare doivent non seulement ne pas être homonymes ; mais encore il ne doit pas y avoir de différence, ni pour l’objet comparé, ni pour l’espèce dans laquelle il est. Je m’explique. La couleur, par exemple, est susceptible de différence ou de division. L’objet n’est donc pas comparable sous ce rapport général, en ce sens que l’on ne peut pas se demander si un objet est plus coloré que tel autre, si l’on ne spécifie pas telle couleur, et si l’on ne parle de la couleur qu’en tant que couleur ; mais il faut indiquer spécialement si cet objet est plus ou moins blanc.
Tout de même aussi pour le mouvement, on dit d’un mobile qu’il a une vitesse égale, lorsque dans un temps égal il parcourt une égale distance de telle dimension. Mais si dans le même intervalle de temps, une partie de la grandeur a été altérée et modifiée, tandis qu’une autre partie a été déplacée, peut-on dire que l’altération même de la chose est égale a, son déplacement et d’une égale vitesse ? Ce serait absurde, parce que le mouvement a des espèces qui ne se ressemblent pas. Par conséquent, si les mobiles qui, dans un temps égal, parcourent une distance égale, sont animés d’une égale vitesse, il s’ensuivra que la droite et la circonférence sont égales. Et pourquoi ? Est-ce parce que la translation est un genre, on que la ligne est un genre aussi. Le temps d’ailleurs étant toujours le même et indivisible en espèce ? Ou bien est-ce parce que la translation et la ligne ont en même temps des espèces différentes ? Car la translation a des espèces du moment qu’en a aussi la direction selon laquelle elle se meut. Elle en a même sous le rapport du moyen par lequel elle s’accomplit ; si c’est par des pieds, on l’appelle la marche ; si c’est par des ailes, on l’appelle le vol. Ou bien cela est-il inexact ? Et est-ce seulement dans ses formes que la translation est différente ? Par conséquent, les mobiles qui, dans un temps égal, se meuvent d’une même distance, ont une vitesse égale. Mais, par la même distance, j’entends celle qui ne diffère pas en espèce ; et par le même mouvement, j’entends celui dont l’espèce ne diffère pas non plus. Ainsi, il faut bien regarder quelle est la différence du mouvement. Cette discussion démontre encore que le genre n’est pas une unité, et qu’il cache et renferme en lui bien d’autres termes. Or, parmi les homonymies, il y en a qui sont fort éloignées ; il y en a d’autres qui ont, au contraire, une certaine ressemblance. Mais celles qui sont fort rapprochées les unes des autres, soit par le genre, soit par l’analogie, ne semblent plus être des homonymies, bien qu’elles en soient de très réelles. Quand donc l’espèce est-elle différente ? Est-ce quand elle est la même dans un autre sujet ? Ou quand elle est elle-même autre dans un sujet autre aussi ? Quelle est la limite ? Et comment jugeons-nous que le blanc et le doux sont une même chose ou des choses différentes ? Est-ce parce que la qualité paraît différente dans un sujet différent ? Ou bien est-ce parce qu’en soi elle n’est pas du tout la même ? Mais, pour en revenir à l’altération, comment telle altération pourra-t-elle être égale en vitesse à telle autre altération ? Par exemple, si la guérison est une altération, il est possible que tel malade guérisse vite et que tel autre guérisse lentement, de même qu’il est possible que d’autres malades encore guérissent en même temps. On peut dire alors que l’altération a été d’une égale vitesse, puisque le malade s’est modifié et altéré dans un temps égal. Mais, dans ce cas, qu’est-ce qui s’est altéré et modifié ? Car ici il ne peut être question d’égalité. Mais ce qu’est l’égalité dans la catégorie de la quantité, la ressemblance l’est dans le cas dont nous nous occupons ; et nous posons qu’on doit entendre par vitesse égale le même changement se faisant dans un temps égal. Que faut-il donc comparer ? Est-ce l’objet dans lequel réside l’affection, ou bien l’affection même ? Dans l’exemple qu’on vient de citer, comme la santé est identique, on peut dire qu’il n’y a pour les malades, ni de plus, ni de moins, mais que tout est semblable pour eux. Que si l’affection est différente, et si, par exemple, d’un côté la modification s’applique à quelque chose qui blanchit, et de l’autre côté à quelque chose qui guérit, il n’y a plus, dans ces deux cas, même identité, ni pour l’égalité, ni pour la ressemblance, en tant que ce sont là autant d’espèces différentes de l’altération, qui cesse alors d’être mue aussi bien que la translation. Reste donc à savoir combien il y a d’espèces d’altération, et combien il y a d’espèces de translation. Si donc les mobiles, quand les mouvements sont considérés comme en soi et essentiels, et non point comme purement accidentels, diffèrent en espèce, leurs mouvements diffèreront aussi en espèces. Si les mobiles diffèrent en genre, les mouvements différeront en genre également, et s’ils diffèrent en nombre, leurs mouvements différeront en nombre aussi. Mais alors faut-il regarder à l’affection pour savoir, quand elle est identique, ou seulement pareille, si les altérations sont d’égale vitesse ? Ou faut-il regarder à l’objet altéré, et regarder, par exemple, si l’un des objets blanchit de telle quantité, et si l’autre blanchit de telle autre quantité ? Ou bien enfin faut-il regarder aux deux, c’est-à-dire à l’affection et à l’objet ? L’altération dans l’affection donnée est, ou la même, ou différente, si l’affection est identique ou différente ; l’altération est égale ou inégale, si l’affection est égale ou inégale elle-même. Dans la génération et la destruction des choses, il faut faire la même recherche. Ainsi, comment la génération peut-elle être de vitesse égale ? Elle est égale, si dans un temps égal le même être et le même individu, tel que l’homme, par exemple, et non l’animal, est produit. La génération est plus rapide, si c’est un être autre qui est engendré dans un temps égal ; car nous ne trouvons pas ici deux êtres dont on pourrait indiquer la diversité, comme entre d’autres on indique la dissemblance. Si l’on dit que la substance est un nombre, on peut répondre que le nombre peut être plus ou moins fort, tout en étant de la même espèce. Mais la propriété commune à l’un et à l’autre n’a pas reçu de nom ; et de même qu’une affection qui est plus forte, et qui est prépondérante s’exprime par Plus, de même sous le rapport de la quantité, on dit qu’une chose est plus grande.