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CHAPITRE V

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Préliminaires de la théorie générale du moteur immobile. Nouvelles distinctions dans les moteurs ; moteurs directs, moteurs indirects ; mouvement du bâton remontant jusqu’à l’homme qui le fait mouvoir ; double démonstration de ces principes ; il faut toujours arriver en remontant de proche en proche à un moteur qui soit lui-même immobile. Nature du moteur immobile ; opinion d’Anaxagore. - Des espèces différentes de mouvement que le moteur mobile peut recevoir et transmettre ; démonstrations diverses.

La proposition qu’on vient d’énoncer peut avoir deux sens : car, ou le moteur ne meut pas par lui-même, mais par une autre cause qui met le moteur lui-même en mouvement, ou bien le moteur meut par lui même. On peut encore distinguer dans ce dernier cas deux hypothèses : ou le moteur est le premier après l’extrême qui donne le mouvement, ou il meut par plusieurs intermédiaires. Ainsi le bâton meut la pierre, mu lui-même par la main que meut l’homme, et l’homme produit le mouvement, sans lui-même être mu par une autre cause. Nous disons également de ces deux moteurs, et du dernier et du premier, qu’ils donnent le mouvement ; mais cela s’applique surtout au premier moteur qui meut le dernier, sans que le dernier puisse à son tour mouvoir le premier. Sans le premier moteur, le dernier reste incapable de mouvoir ; et celui-ci ne peut agir sans celui-là ; car le bâton ne transmettra en rien le mouvement, si l’homme ne le lui donne. Si donc tout ce qui est mis en mouvement est nécessairement mu par quelque chose, et si c’est par une autre chose qui est mue elle-même ou n’est pas mue, il faut aussi de toute nécessité, en supposant le mobile mu par un autre, qu’il y ait un premier moteur qui ne soit pas mu lui-même par une autre cause. Si ce moteur premier est bien en effet le premier, il n’est pas besoin d’en rechercher un autre ; car il est impossible de remontrer à l’infini du moteur au mobile mu lui-même par un autre, puisque dans l’infini il n’y a point de premier. Si donc tout mobile est mu par quelque chose, et si le moteur premier ne peut pas être mu par un autre, il faut de toute nécessité que ce moteur se meuve lui-même. Voici encore une autre démonstration de ce même principe. Tout moteur meut quelque chose et par quelque chose. Le moteur meut par lui seul ou par l’intermédiaire d’un autre. Par exemple, l’homme meut directement la pierre, ou il la meut par le moyen de son bâton ; et le vent renverse directement un objet, ou c’est la pierre que le vent a chassée. Or, il est impossible qu’il y ait mouvement sans un moteur qui meuve par lui-même ce par quoi il meut ; et s’il le meut par lui-même, il n’y a plus besoin qu’il y ait un autre intermédiaire par lequel il meuve. Mais s’il y a quelque autre objet par lequel il meut, il faudra bien un moteur qui meuve, non plus par quelque chose mais par lui-même, ou autrement on irait à l’infini. En arrivant à un mobile qui meut à son tour, il faut nécessairement s’arrêter, et il n’y a plus de série à l’infini. En effet, si le bâton donne le mouvement parce qu’il est mu par la main, c’est alors la main qui meut le bâton, Mais si l’on suppose que c’est encore par elle que quelque autre chose donne le mouvement, il faut aussi que le moteur qui la met en mouvement soit différent ; et quand un moteur différent meut par quelque chose, il faut nécessairement qu’il y ait antérieurement un moteur qui meuve par lui-même. Si donc, le moteur est mu, et qu’il n’y en ait plus un autre qui le meuve, il faut bien nécessairement qu’il se meuve lui-même spontanément. Par conséquent, ce raisonnement prouve directement que le mobile est mu par le moteur qui se meut lui-même, ou du moins qu’il faut remonter jusqu’à un moteur de ce genre. On arrive d’ailleurs à cette même conclusion en se mettant à un point de vue nouveau, outre ceux qui viennent d’être indiqués. En effet, si tout ce qui est mu est mis en mouvement par un moteur qui est mu lui-même, il n’y a que cette alternative : ou c’est un accident des choses que le mobile transmette le mouvement qu’il a lui-même reçu, sans se mouvoir de son propre fonds ; ou bien ce n’est pas accidentel, mais c’est en soi. D’abord si l’on dit que c’est par accident, alors il n’y a pas nécessité que le mobile soit mu ; et ceci admis, il est clair qu’il est possible qu’aucun être au monde n’ait de mouvement ; car l’accident n’est pas nécessaire, et il peut ne pas être. Si donc nous admettons que le possible a lieu, il n’y a rien là d’absurde, bien qu’il puisse y avoir une erreur. Mais il est impossible qu’il n’y ait pas de mouvement au monde ; car, ainsi qu’on l’a démontré antérieurement, il y a nécessité que le mouvement soit éternel. Ceci d’ailleurs est parfaitement conforme à la raison. En effet, il y a ici trois termes indispensables : le mobile, le moteur, et ce par quoi il cause le mouvement. Le mobile doit nécessairement être mu ; mais il n’y a pas nécessité qu’il meuve à son tour. Quant à ce par quoi le moteur donne le mouvement, il doit à la fois mouvoir et être mu. En effet, ce terme change en même temps que le mobile, puisqu’il est dans le même temps et dans la même condition que lui. C’est ce qu’on peut voir clairement dans les corps, qui meuvent dans l’espace et qui déplacent ; ils doivent en effet se toucher l’un l’autre jusqu’à un certain point. Enfin le moteur est immobile de façon à ce qu’il n’y ait plus d’intermédiaire par lequel il transmette le mouvement. Mais comme nous voyons que le terme extrême est mu sans avoir en lui-même le principe du mouvement, et que le mobile qui est mu l’est par un autre et non par lui-même, il est très rationnel, pour ne pas dire nécessaire, d’en conclure qu’il y a un troisième terme qui meut, tout en restant lui-même immobile. Aussi, Anaxagore a-t-il bien raison quand il dit que l’Intelligence est à l’abri de toute affection et de tout mélange, du moment qu’il fait de l’Intelligence le principe du mouvement ; car c’est seulement ainsi, qu’étant immobile, elle peut créer le mouvement, et qu’elle peut dominer le reste du monde en ne s’y mêlant point. Cependant si le moteur est mu lui-même, non pas par accident, mais nécessairement, et s’il ne peut donner le mouvement sans le recevoir d’abord, il faut nécessairement que le moteur, en tant qu’il est mu, reçoive ou la même nature de mouvement, ou une autre espèce de mouvement. Par exemple, il faut que ce qui échauffe soit lui-même échauffé, que ce qui guérit soit lui-même guéri, que ce qui transporte soit lui-même transporté ; ou bien il faut que ce qui guérit soit transporté, et que ce qui transporte soit doué d’un mouvement d’accroissement. Mais il est trop clair que cette dernière supposition est impossible. En effet, il faudrait alors pousser la division jusqu’aux cas individuels ; et, par exemple, si quelqu’un enseigne la géométrie, il faudrait qu’on lui enseignât aussi à lui-même la même proposition de géométrie qu’il montre à un autre ; si l’on jetait quelque chose, il faudrait qu’on fût soi-même jeté d’un jet tout pareil. Ou bien, si le mouvement n’est pas pareil, il faudrait qu’il fût d’un autre genre, et d’une espèce différente. Ainsi, le corps qui en transporterait un autre, aurait lui-même le mouvement d’accroissement, de même que le corps qui accroîtrait un autre corps serait à son tour altéré par un autre, de même encore que le corps qui en altérerait un autre, aurait aussi lui-même une autre espèce de mouvement. Mais il y a nécessité de s’arrêter quelque part, puisque les espèces de mouvements sont en nombre limité. Si l’on prétend qu’il y a retour du mouvement, et que le corps qui altère est transporté lui-même plus tard, cela revient absolument à dire de prime abord que ce qui transporte est transporté, que ce qui enseigne est enseigné, etc. ; car évidemment tout mobile est toujours mu aussi par le moteur supérieur, et il est mis davantage en mouvement par le premier de tous les moteurs. Mais cela est impossible ; car celui qui enseigne peut bien aussi apprendre lui-même ; mais il n’en faut pas moins nécessairement que l’un n’ait point la science, et que l’autre, au contraire, la possède. Mais on arrive encore à une autre conséquence bien plus absurde que toutes celles-là, à savoir que tout ce qui peut donner le mouvement le reçoit, si l’on soutient que tout mobile est mu par un autre mobile. Dire qu’il est mu, c’est comme si l’on soutenait que tout ce qui est capable de guérir guérit en effet, et peut lui-même être guéri ; et que ce qui est capable de construire est construit, ou directement ou par plusieurs intermédiaires. Par exemple, cela revient à. dire que tout ce qui a la faculté de mouvoir est mis en mouvement par un autre moteur, sans que le mouvement reçu soit le même que celui qui est transmis à la chose voisine, et au contraire, en supposant qu’il est différent, comme si, par exemple, ce qui a la faculté de guérir était instruit. Mais en remontant ainsi de proche en proche, on arriverait à la même espèce de mouvement, ainsi que nous l’avons dit un peu plus haut. Donc on voit que l’une de ces conséquences est absurde, et l’autre erronée ; car il est absurde de croire qu’un être qui a la faculté de produire une altération, doit nécessairement à son tour être accru. Donc en résumé, il n’est pas nécessaire que tout mobile soit sans exception mis en mouvement par un autre mobile qui serait mu lui-même ; donc il y aura un temps d’arrêt, de telle sorte que de deux choses l’une : ou le mobile sera mu primitivement par quelque chose qui est en repos, ou bien il se donnera à lui-même le mouvement. Quant à la question de savoir quel est le principe et la vraie cause du mouvement, ou de l’être qui se meut lui-même, ou de celui qui est mu par un autre, c’est ce que tout le monde peut décider ; car ce qui est cause en soi est toujours antérieur à ce qui n’est cause que par un autre.

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