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CHAPITRE II
ОглавлениеObjections qu’on peut opposer à l’éternité du mouvement ; elles sont au nombre de trois : Tout changement a pour limites les contraires dans lesquels il se passe ; les êtres inanimés reçoivent le mouvement du dehors ; les êtres animés se le donnent. - Réponses à ces objections ; théorie du mouvement dans les êtres inanimés, où il est peut-être moins spontané qu’il ne le paraît.
Il n’est pas difficile de répondre aux principes qu’on opposerait à ceux qui viennent d’être développés ; et voici les principaux arguments par lesquels on pourrait démontrer que le mouvement s’est produit à un certain moment, sans du tout avoir antérieurement existé. D’abord il n’y a point de changement qui soit éternel, parce que naturellement tout changement va d’un certain état à un certain état ; et par une conséquence nécessaire, tout changement a pour limite les contraires dans lesquels il se passe. Il n’y a donc pas de mouvement qui puisse aller à l’infini. En second lieu, on peut se convaincre, par l’observation, qu’un objet qui n’est pas mu actuellement et n’a en soi aucun mouvement, peut être mu à un certain moment ; par exemple, les êtres inanimés, pour lesquels sans qu’une partie ni le tout se meuve, et restant, au contraire, immobiles, il peut y avoir mouvement à un certain moment donné. Mais si le mouvement ne peut pas naître et sortir du néant, il faut dire alors, ou que le mouvement est éternel, ou qu’il est éternellement impossible. Ceci, du reste, est évidemment bien plus sensible encore dans les êtres animés, et nous le voyons par nous-mêmes ; car, bien qu’il n’y ait en nous aucun mouvement, et qu’à ce moment nous soyons en repos, néanmoins nous nous mettons en mouvement ; et c’est en nous-mêmes que nous trouvons alors le principe du mouvement qui nous fait agir, sans qu’il y ait la moindre intervention du dehors. Mais nous ne pouvons pas en dire autant pour les choses inanimées, qui ne sont jamais mues que par une cause extérieure. Pour l’être animé, au contraire, nous disons qu’il se meut lui-même, attendu que, s’il demeure parfois dans un absolu repos, il se produit aussi en lui un mouvement qui ne vient que de lui seul, et où le dehors n’est pour rien. Mais si ce phénomène peut se passer dans l’animal, pourquoi ne se passerait-il pas aussi tout à fait de même dans l’univers ? Si c’est possible dans le petit monde, ce l’est également dans le grand ; et si c’est possible dans le monde, c’est possible aussi dans l’infini, si toutefois l’infini peut, ou se mouvoir tout entier, ou demeurer tout entier en repos. De ces divers arguments, le premier dont nous avons parlé, et qui consiste à dire que le mouvement qui va aux opposés ne peut pas être éternellement le même, et numériquement un, ce premier argument est très vrai. On peut même trouver qu’il y a en ceci nécessité absolue, puisqu’une seule et même chose ne peut avoir un mouvement qui soit un et toujours le même ; numériquement. Je cite un exemple, et je demande si le son d’une seule corde est toujours un seul et même son, ou si c’est toujours un son différent, tant qu’elle reste semblable et semblablement mue. Mais, quoi qu’il en soit de ceci, rien n’empêche que le mouvement ne soit un et le même, en étant continu et éternel. C’est ce que l’on verra plus clairement par ce qui va suivre. Il n’y a rien d’absurde à dire qu’un corps qui n’était pas en mouvement peut y être mis, selon que le moteur extérieur, tantôt existe, et tantôt n’existe point. Mais il faut examiner à quelles conditions cela est possible. Je dis donc que la même chose peut tantôt être mue par le même moteur capable de la mouvoir, et tantôt ne l’être pas. Cela revient absolument à rechercher comment il se fait que les choses ne sont pas toujours en repos ou toujours en mouvement. Quant au troisième argument, c’est celui qui peut surtout embarrasser, quand on voit que dans les êtres animés le mouvement se produit tout à coup, sans y avoir antérieurement apparu. L’être est en repos ; puis tout à coup il marche, sans qu’aucune cause extérieure l’ait mis en action, du moins à ce qu’il semble. Mais c’est là une erreur. Dans l’animal, il y a toujours quelqu’un des éléments naturels dont il est formé, qui est en mouvement. Or, ce n’est pas l’être lui-même qui est cause du mouvement de ces éléments, et c’est peut-être le milieu qui l’enveloppe. Nous ne disons pas que ce soit l’être lui-même qui puisse se donner toute espèce de mouvement ; mais nous n’entendons désigner que le mouvement dans l’espace. Or, il se peut fort bien, et peut-être même est-il nécessaire qu’il se passe dans le corps une foule de mouvements causés par tout ce qui l’environne. Ces mouvements agissent à leur tour sur la pensée et sur le désir, qui met alors lui-même en mouvement l’être entier. C’est ce qu’on voit bien dans les phénomènes du sommeil, L’animal s’éveille sans qu’il y ait de mouvement sensible, bien qu’il y ait pourtant un mouvement d’un certain genre. Mais ce que nous allons dire éclaircira tout ceci.