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CHAPITRE III
ОглавлениеLe moteur et le mobile se touchent en un certain point et sont toujours dans le même lieu. - Application de ce principe aux trois espèces de mouvements, dans l’espace, en qualité et en quantité ; démonstration pour les diverses variétés du mouvement dans l’espace ou déplacement ; démonstration pour le mouvement dans la qualité ou altération ; démonstration pour le mouvement dans la quantité, accroissement ou décroissement.
Le moteur primitif, non pas le moteur en vue duquel se fait le mouvement, mais celui d’où part le mouvement, est dans le même lieu que l’objet qu’il meut ; et, par le même lieu, j’entends qu’il n’y a rien d’interposé entre eux. C’est là une condition commune à tout mobile et tt tout moteur. Or, comme il y a trois mouvements, dans l’espace, dans la qualité et dans la quantité, il faut nécessairement qu’il y ait trois moteurs : l’un qui fait la translation dans l’espace ; l’antre qui produit l’altération ; et enfin le moteur qui produit l’accroissement et le dépérissement, Parlons d’abord de la translation, puisqu’on peut la regarder comme le premier des mouvements. Tout ce qui se déplace dans l’espace, ou se meut par lui-même, ou est mu par un autre. Pour tous les corps qui se meuvent par eux-mêmes, il est de toute évidence que le mobile et le moteur sont dans le même lieu, puisque le moteur primitif réside dans ces corps mêmes, et qu’il n’y a rien d’intermédiaire et d’interposé. Quant aux corps qui sont mus par un autre, il n’y a que quatre cas possibles ; car le déplacement qui se fait dans l’espace par une cause étrangère, n’est que de quatre espèces : traction, impulsion, transport et rotation. Tous les déplacements dans l’espace peuvent se ramener à ces quatre là. Ainsi, la compulsion n’est qu’une impulsion où le moteur qui agit de lui-même, suit et accompagne la chose qu’il pousse, tandis que la répulsion est une impulsion où le moteur ne suit pas cette même chose. La projection a lieu lorsqu’on rend le mouvement imprimé à l’objet plus fort que ne le serait sa translation naturelle, et que l’objet est déplacé aussi longtemps que le mouvement existe et domine. La dilatation est une répulsion ; car la répulsion a lieu, soit loin du moteur lui-même, soit loin d’un autre. La contraction n’est qu’une traction ; car c’est une traction de l’objet ou sur lui-même ou sur un autre. Il en est absolument de mètre pour toutes les espèces de ces mouvements, telles que l’extension ou le rétrécissement, la première n’étant qu’une dilatation et l’autre une contraction. De même encore pour toutes les autres concrétions et séparations ; elles ne sont tontes que des dilatations ou des contractions, en exceptant toutefois celles qui se rapportent à la génération et à la destruction des choses. On voit d’ailleurs en même temps que la concrétion et la séparation ne sont pas des genres de mouvements différents ; car toutes peuvent se ramener à l’un des mouvements qui viennent d’être indiqués. A un autre point de vue, l’aspiration n’est qu’une traction, et l’expiration n’est qu’impulsion. De même encore l’expectoration et tous les autres mouvements par lesquels le corps rejette ou ingère quelque chose ; car les uns sont des attractions, et les autres des répulsions. En un mot, c’est ainsi qu’il faut réduire tous les autres mouvements qui se font dans l’espace ; car tous peuvent se ramener aux quatre qui ont été énoncés plus haut. On peut même encore, parmi ces mouvements, faire rentrer le transport et la rotation dans la traction et dans l’impulsion. Ainsi, le transport ne peut avoir lieu que des trois manières suivantes : la chose transportée est mue accidentellement, ou parce qu’elle est dans une autre chose qui est mue, ou parce qu’elle est sur cette chose ; ce qui transporte peut transporter, ou parce qu’il est tiré, ou parce qu’il est poussé, ou parce qu’il tourne ; et voilà comment le transport est commun à ces trois mouvements. Quant à la rotation, elle se compose de traction et d’impulsion. En effet, il faut nécessairement que le moteur qui fait tourner attire et pousse tout ensemble ; l’une de ces actions éloigne l’objet de lui, et l’autre l’y ramène. Si donc ce qui pousse et ce qui tire est dans le même lieu que l’objet tiré ou poussé, il est évident qu’il ne peut y avoir rien d’interposé entre ce qui est mu dans l’espace, et ce qui meut. D’ailleurs, cette vérité ressort des définitions mêmes. Ainsi, l’impulsion n’est que le mouvement partant du moteur même ou d’un autre, pour aller vers un autre. La traction n’est pas autre chose que le mouvement partant d’un autre, et allant vers soi ou vers un autre, quand le mouvement de ce qui tire est plus rapide, en séparant les continus les uns des autres ; car c’est ainsi que l’un est attiré avec l’autre. On peut, il est vrai, comprendre la traction encore d’une autre manière ; car ce n’est pas ainsi que le bois attire le feu. Peu importe d’ailleurs que ce qui tire exerce sa traction, soit en étant en mouvement, soit en étant en repos ; car alors il tire tantôt au lieu où il est lui-même, tantôt au lieu où il a précédemment été. Mais il est bien impossible de mouvoir un objet, ou de soi vers un autre, ou d’un autre vers soi, sans toucher cet objet. Donc encore une fois, il est évident qu’entre le moteur et le mobile dans l’espace, il n’y a point d’intermédiaire possible. Il ne peut pas y en avoir davantage entre l’objet altéré et l’objet altérant. C’est ce dont on peut se convaincre par l’observation et l’induction ; car, dans tous les cas, l’extrémité altérante et le premier altéré sont dans le même lieu. Nous entendons, en effet, par altération, qu’un objet ou s’échauffe, on s’adoucit, on s’épaissit, ou se sèche, ou se blanchit, etc. Nous appliquons également cette idée, et à ce qui est animé, et à ce qui est inanimé. Dans les êtres animés, nous l’appliquons, et aux parties qui restent insensibles, et aux sens eux-mêmes. Les sens, en effet, changent et s’altèrent aussi à leur façon. La sensation en acte est, on peut dire, un mouvement qui se passe dans le corps, quand le sens vient à éprouver une impression.
Dans les choses où l’inanimé est altéré, l’animé l’est aussi. Mais là où l’animé est altéré, l’inanimé ne l’est pas toujours sans exception ; car il ne s’altère pas d’après des sensations éprouvées. L’un a conscience de ce qu’il éprouve ; l’autre n’en a pas conscience. Mais il se peut fort bien aussi que l’animé lui-même ignore ce qu’il sent, quand l’altération n’a pas lieu à la suite de sensations. Si donc ce qui s’altère est altéré par des causes sensibles, il est clair aussi que, dans tous ces cas, l’extrémité dernière de ce qui altère se confond avec la première extrémité de ce qui est altéré. L’air, en effet, est continu à l’un ; et le corps est continu à l’air. De même encore la couleur est continue à la lumière ; et la lumière l’est à la vue. Même rapport pour l’ouïe et pour l’odorat ; l’air est le moteur premier, relativement à l’objet mu. Il en est de même aussi pour le goût ; car la saveur est dans le même lieu que le goût. Ces phénomènes se passent de la même manière pour les objets inanimés et insensibles. Il n’y a jamais d’intermédiaire entre l’altéré et l’altérant. Il n’y en a pas davantage entre ce qui est accru et ce qui accroît. Le primitif accroissant accroit la chose en s’y adjoignant, de manière à ce que le tout ne fasse qu’un. A l’inverse, ce qui dépérit va dépérissant, parce qu’il se sépare quelque chose de l’objet qui dépérit. Donc, nécessairement ce qui accroît, ou ce qui détruit, doit être continu ; et entre les continus, il n’y a point d’intermédiaire. Ainsi, l’on voit clairement qu’entre le mobile et le moteur premier et dernier, relativement au mobile, il n’y a pas d’intermédiaire possible.