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XII.

Table des matières

Chaque semaine nos deux héros chassaient dans la forêt des Beni-Salat et en rapportaient quelque trophée. Se trouvant, par une nuit noire, dans la montagne du Bois-Brûlé,–c’est ainsi que les Arabes nomment des portions de terrains embroussaillés et couverts d’arbustes rabougris qu’ils incendient pour faire leur combustible,–les deux chasseurs, convaincus qu’il n’y avait rien à espérer par le temps noir et le ciel veuf de toute étoile, s’endormirent du sommeil du juste. Ben-Amar fut réveillé par le bruit d’un animal dans une broussaille, à dix mètres de lui. Il crut que ce remue-ménage était produit par un mulet de la tribu voisine, ne s’en inquiéta pas plus et reprit son sommeil interrompu. Il est de nouveau réveillé par un bruit plus fort; Bel-Kassem sort précipitamment de ses heureux rêves de chasse, et nos deux dormeurs, courageux comme Turenne qui reposait sur l’affût d’un canon, voient confusément la forme d’un animal qui se meut dans la pénombre de la nuit, et qui se dirige vers eux. Ben-Amar s’arme de son fusil et frappe une lionne, qui tombe en rugissant. Sans se donner la peine de vérifier si cette lionne est tuée ou blessée, nos téméraires chasseurs se recouchent et redorment. Mais leur sommeil est encore interrompu par la bruyante respiration du lion. Cette fois, il était temps de se réveiller: un lion colosse, paré d’une magnifique crinière touchant à terre, soufflait bruyamment à quatre pas de Ben-Amar, qui lui rendit souffle pour souffle, coup d’œil pour coup d’œil, et dent pour dent. Ben-Amar tire; par malheur, la pierre de son fusil se brise; le coup rate. Irrité par le bruit et l’étincelle, le lion bondit sur Ben-Amar et Bel-Kassem, qui, se croyant perdus, s’étaient enveloppés dans leurs burnous pour mourir dignement, leur donne à chacun un coup de patte qui enlève à Bel-Kassem une partie de la peau du crâne, revient à la lionne, qu’il flaire, qu’il lèche, qu’il caresse, qu’il s’efforce inutilement de ranimer et de faire marcher et disparaît enfin, à la grande satisfaction des deux témoins de cette étrange scène, en déplorant le trépas de la lionne par d’effroyables rugissements jetés aux échos de la sonore forêt. Ben-Amar et Bel-Kassem étaient sauvés, grâce à l’obscurité de la nuit, grâce surtout aux nobles habitudes du lion, qui s’acharne rarement sur son ennemi, se contentant de le frapper, de le souffleter d’un coup de sa queue ou de ses terribles griffes. Il est vrai que ces coups-là équivalent souvent à la mort.


Lion pris dans la fosse et lapidé par les arabes. (P. 60.)

Les Arabes signalèrent à Ben-Amar et à Bel-Kassem le passage d’un lion dans la forêt de Fedj-Makta. La nuit venue, les deux kif-kifs se placèrent des deux côtés du sentier de passage de l’animal. En effet, ils voient un lion qui va s’abreuver dans le ravin de la source; ils ne tirent pas, car un autre lion le suit à quelques mètres de distance. Les chasseurs attendaient, au retour, ces altérés, pour les saluer d’une balle. Dès que la tête du premier lion se montre, le fougueux Bel-Kassem l’ajuste; le coup part et atteint l’animal au ventre; il s’abattit et se traîna vers les fourrés en montrant ses intestins sortis; le second lion, à cette attaque, avait fait quelques tours dans le sentier et s’était approché de Ben-Amar, qui le foudroya presque à bout pourtant. Le lendemain, les kif-kifs se mirent en devoir de rechercher le premier lion blessé par Bel-Kassem. Ils le trouvèrent gisant, agonisant au fond d’un ravin, entouré d’une vingtaine de chacals, lâches héritiers qui convoitaient son cadavre, et attendaient le dernier soupir du noble animal pour le dépecer. Ils lui tirèrent cinq coups de feu. Le dernier lui brisa les reins. Il bondit pourtant encore, et retomba en rendant l’âme.

Une autre nuit, le Négro et son kif-kif s’étaient embusqués entre l’Oued-Sanour et l’Oued-Cham, au centre d’un cirque naturel formé par des roches. Ben-Amar et Bel-Kassem s’étaient placés dos à dos, comme deux plaideurs renvoyés après jugement, de façon à ne pas être surpris et à pouvoir inspecter de tous côtés par le regard. Dans cette position, ils attendaient le lion; mais ce fut la panthère qui marcha dans l’ombre des rochers, la rusée commère) sans bruit et sans miaulement. Pourtant l’œil de lynx de Bel-Kassem découvrit son manège. Il visa la panthère en la prenant par l’épaule droite qu’elle lui présentait, et la frappa d’un coup fortement chargé à deux balles, qui atteignirent le cœur. En recevant les projectiles, la panthère fit un bond sur elle-même pour ne plus se relever, mais en montrant encore dans son impuissante rage une brillante rangée de dents aiguisées à son vainqueur. Ben-Amar félicita vivement son élève de son adroite équipée.

La veille, au même endroit, un spahi avait tué un lion qui avait dévoré une trentaine de bœufs enlevés à des douars, en l’attirant dans un silo couvert de fascines, sur lequel il avait placé comme appât une chèvre. Nous l’avons dit, le lion se laisse prendre à tous les piéges, aussi est-il plus souvent assassiné que chassé.


Chasses au lion et à la panthère en Afrique

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