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I.

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La bête triomphe en Algérie; elle est l’aliment obligé de toutes les conversations. A déjeûner, les narrateurs vous servent le lion; la panthère est réservée pour le dîner, et à la légère collation on se contente du chat-tigre et de l’hyène. Avoir vu le lion équivaut à avoir vu le loup en France.

Les tueurs de bêtes féroces sont donc choyés et recherchés. Ce sont les penseurs et les artistes du pays. Leurs exploits passent de bouche en bouche. Les dames leur tressent des couronnes; volontiers elles les ceindraient d’écharpes, comme au moyen âge les chevaliers qui allaient conquérir le tombeau du Christ, et les déifieraient sur le patron d’Hercule ou de Thésée.

Mon tueur de lions et de panthères est complétement inédit, et si je ne m’étais rencontré avec lui à Souk-Arras, il serait sans doute mort inconnu du monde européen, emportant dans son cercueil sa belle épopée des trente-neuf lions et des quinze panthères qu’il a tués, et qui ont marqué son corps de coups de griffes et de coups de gueule, baisers et étreintes de bêtes féroces à l’agonie, que j’ai vus de mes yeux et touchés de mes doigts. J’ai vu les cicatrices encore béantes des griffes de la lionne sur son omoplate, et j’ai mis les doigts dans les trous de son crâne creusé par les coups de dents de la bête. Quant à la liste de ses exploits, elle est inscrite sur les registres du bureau arabe de Souk-Arras. Il n’y a pas de saint Thomas qui puisse douter de la réalité des faits ainsi stéréotypés sur le papier et sur l’homme.

Ahmed-ben-Amar m’a raconté lui-même ses prouesses. J’écris en ce moment son odyssée sur des notes prises au crayon, en l’écoutant dans la forêt d’Aïn-Sanour. Comment pourrais-je communiquer à mes lecteurs les impressions terribles que ses récits m’ont fait ressentir? Quelle plume pourrait rivaliser avec ce théâtre en action, cette parole vivante, chaude, concise, colorée, modulant les gammes les plus étranges: rugissements du lion, miaulements de la panthère, aboiements plaintifs du chacal, jusqu’aux frémissements nocturnes des forêts;–ces yeux, qui, par leur éclat et leur fixité, magnétisent la bête féroce,–cette mobile physionomie dépeignant tour à tour l’attente paisible du danger, la résolution, l’enthousiasme, l’orgueil; cette pantomime mettant en mouvement tous les signes, tous les décors, toutes les créations de la nature? Ben-Amar est le premier homme qui m’ait fait comprendre qu’en l’homme se résume le théâtre tout entier de ses moyens d’action.


Ahmed-Ben-Amar, le tueur de lions et de panthères.

Chasses au lion et à la panthère en Afrique

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